Le jeudi 29 février 2024, le Secrétariat permanent du Sels/Authentique avait tenu une conférence de presse mémorable au siège de l’organisation, sis à Rufisque Keury Souf. Rencontre au cours de laquelle nous avions porté à la connaissance de l’opinion nationale, le verdict de la Cour suprême annulant les résultats des élections de représentativité syndicale dans le secteur de l’éducation et de la formation.

Pour rappel, ces élections, organisées par le ministère du Travail, du dialogue social et des relations avec les institutions, se sont déroulées durant le mois de mars 2023. Et pour la première fois dans l’histoire des élections au Sénégal, le vote électronique avait été introduit. Ce qui ne sera pas sans conséquences. Car beaucoup de dysfonctionnements et d’insuffisances seront notés à l’arrivée, aussi bien dans le choix du logiciel, son fonctionnement, que dans les textes organisant ces élections.

Autant de choses qui ont porté préjudice à certaines organisations dont le Sels/A, une organisation représentative à plus d’un titre si on se réfère au fichier de ses membres et au nombre considérable de ses adhérents de tous ordres (Mc, Ia, Inst, professeurs…) qui s’acquittent mensuellement de leurs obligations syndicales (cotisations).

Le Sels/A, après avoir procédé à une évaluation objective de ces élections, a pu relever beaucoup de dysfonctionnements et de limites :
Dispositif de vote problématique ;
Limites de l’arrêté n°17094 du 22 novembre 2016 fixant les règles d’organisation des élections de représentativité syndicale dans le secteur de l’éducation et de la formation.

Fort de ces arguments, le Ben du Sels/A a adressé une lettre de contestation des résultats de ces élections au ministre du Travail, dans laquelle il lui annonçait avoir introduit un recours en annulation devant la juridiction compétente, pour les motifs évoqués un peu plus haut, conformément aux dispositions prévues en la circonstance par l’arrêté organisant ces élections (les documents pourront être mis à votre disposition). Durant presque un an, nos avocats ne se sont pas ménagés dans une bataille judiciaire qui les opposait avec le ministère du Travail, représenté par l’Agent judicaire de l’Etat. C’est pour nous le lieu et l’occasion de leur rendre hommage pour leur professionnalisme, mais également de relever, pour s’en féliciter, contrairement à une idée répandue selon laquelle l’Etat gagne ses procès à tous les coups, que la Justice a tranché en sa défaveur. Un feuilleton judiciaire riche en rebondissements, mais qui connaîtra son épilogue le 8 février 2024.

En effet, par l’arrêt n°10/2024 du 08 février 2024, la première Chambre administrative de la Cour suprême venait d’annuler l’arrêté n°010887/MTDSRI/DGTOP/DNRP du 12 avril 2023 du ministre du Travail, du dialogue social et des relations avec les institutions portant proclamation des résultats définitifs des élections de représentativité syndicale dans le secteur public de l’éducation et de la formation.

La sentence venait de tomber, la messe est dite. En rendant cette décision, la Cour suprême venait de mettre fin à cet épisode qui n’avait que trop duré. En clair, l’annulation de l’arrêté du ministre du Travail d’alors, M. Samba Sy, avait pour conséquence juridique, le retour à la situation ante (ancien G7), en attendant l’organisation d’autres élections par le gouvernement du Sénégal.
Ce verdict inattendu de la Cour suprême avait plongé les autorités du ministère du Travail dans un profond désarroi. Un désarroi qu’elles traduiront dans une sortie maladroite, en interprétant autrement la décision de la Cour pour se donner bonne conscience. Car, dans son empressement à vouloir innover, la Direction générale du Travail, incapable de concevoir un logiciel de vote fiable, choisira de s’attacher les services de Mirador, une plateforme inappropriée, conçue pour la gestion des ressources humaines du ministère de l’Education nationale. Elle avait vanté très tôt les mérites du logiciel en écartant toute possibilité de fraude. Ce qui, à la pratique, s’est révélé faux. Et pourtant des organisations sœurs avaient émis des réserves quant à la fiabilité du logiciel, et pas du tout convaincues, décidèrent de ne pas prendre part aux élections.
C’est d’autant plus vrai que les centrales syndicales, lors des dernières élections de représentativité (décembre 2023), récuseront à l’unanimité le vote électronique.

Les services du ministère du Travail, faisant preuve d’un manque d’humilité notoire et avec beaucoup de désinvolture, rejettent le verdict de la Cour suprême, en s’appuyant sur des arguments dénués de sens, dans le seul but de masquer leurs carences et endormir l’opinion. Cette attitude est la preuve manifeste d’une mauvaise foi, car ils venaient de faire perdre à l’Etat du Sénégal des centaines de millions dans l’organisation d’une parodie d’élection, parsemée de couacs de bout en bout.

Dans son communiqué, le ministère du Travail laisse croire que les résultats définitifs ne sont pas annulés, mais plutôt l’arrêté n°010887/2023 proclamant les résultats définitifs.

Quelle incohérence ! Le ridicule ne tue plus.
Le Sels/A entamera plusieurs démarches pour rencontrer les autorités du ministère, dans le but d’échanger sérieusement sur la question afin de lever toutes les équivoques. Malheureusement, la posture adoptée par ses autorités depuis la publication de l’arrêt de la Cour suprême démontre une attitude résolue de leur part à ne pas se soumettre à la décision de Justice.
Ainsi, le Sels/A va user de tous les moyens légaux afin d’amener l’autorité à se plier au rendu de la Cour suprême.
Sous ce rapport, des correspondances ont été adressées :
Au président de la République sortant
A l’ancien Premier ministre Sidiki Kaba
Au Haut-conseil du dialogue social
A des organisations de la Société civile :
La Cosydep
La Coalition Ept
Aux autorités administratives (gouverneurs et préfets)
Au ministre de l’Education nationale ; aux Ia et Ief
Avec le changement de régime et après installation des nouvelles autorités, des correspondances ont été à nouveau adressées au :
Président de la République (actuel)
Premier ministre (actuel)
Ministre de la Justice, Garde des sceaux (actuel)
Ministre de l’Education (actuel)
Ministre du Travail, du dialogue social et des relations avec les institutions : ce dernier nous a accordé une audience le vendredi 21 juin 2024 à partir de 15h. Les échanges ont laissé entrevoir clairement que le ministre est dans le mimétisme, à l’image de son prédécesseur, se contentant de suivre à la lettre les conseils de ses services qui sont à la base de cette forfaiture. En vérité, jusqu’à preuve du contraire, nous doutons de la volonté du nouveau ministre de procéder aux réformes nécessaires (Jubanti) dans son département.
Auprès du Préfet de Dakar, le Sels/A a déposé une lettre d’information à propos d’un sit-in : le Préfet a, contre toute attente, systématiquement opposé un refus catégorique à notre requête, en demandant simplement à l’autorité de police (Commissaire Point-E) de nous notifier sa décision de rejet au motif : risque de perturber le fonctionnement du service public. Le paradoxe, c’est que la décision du Préfet nous semble être prise sans un avis motivé de la police (après audition de routine) et nonobstant le fait que nous soyons dans les délais en matière de dépôt (3 jours francs).
En conclusion, voilà où nous en sommes avec l’arrêt de la Cour suprême. Et pourtant, nous étions tellement optimistes à l’annonce du slogan (Jub, Jubal, Jubanti) par les nouvelles autorités.
Hélas, ce slogan risque d’être un slogan de plus, comme du reste l’a été le slogan la Patrie avant le parti.
En attendant le Jub, Jubal, Jubanti,
Vive Le Sels/A
Ibrahima KAMBI
Membre du BEN