Le maire de la commune de Pikine Nord est très remonté contre le Comité scientifique ayant donné son feu vert pour la construction de l’Arène nationale à Pikine Dagoudane. Menaçant de saisir la justice, Amadou Diarra explique dans cet entretien les raisons ayant causé l’inondation des maisons jouxtant l’infrastructure sportive.

Quelle est votre position suite à l’inondation des maisons à proximité de l’Arène nationale, alors que vous aviez lancé une alerte pour éviter cela ?
Vous savez, le processus de construction d’une infrastructure de cette envergure qui est l’Arène nationale passe d’abord par la validation technique d’un Comité national autour du gouverneur. En ce temps, l’adjoint du gouverneur était une dame. Je ne me rappelle plus son nom. Ensuite, il y avait toutes les directions concernées de tous les ministères, que ce soit la Santé, l’Environnement, l’Urbanisme… tout ce que vous voulez, avec la représentation du maire de la ville et moi-même en tant que maire de la commune de Pikine Nord. On a fait quatre ou cinq réunions. Et à chaque réunion, il y avait des inquiétudes avant qu’on en arrive à la validation publique. Pendant ces réunions, il y avait d’autres fonctionnaires, des cadres techniques qui posaient ces mêmes inquiétudes. Et à chaque fois, il y avait une volonté de l’adjoint du gouverneur de donner une carte blanche sans l’avis d’un scientifique, en tentant de nous rassurer. A la fin, il a avoué lui-même que son ambition ce n’est pas de voir la faisabilité technique de la construction de l’Arène nationale, mais de réussir la mission d’une validation technique pour donner carte blanche au gouvernement en notant nos remarques et en nous rassurant. Je ne suis pas contre la construction de l’arène dans ma commune, je suis très favorable, je le disais. A un moment donné, je voulais un aqualand. J’avais préféré l’aqualand à l’Arène nationale. Et c‘est pourquoi les gens font la confusion pour dire que j’étais contre l’arène. Je plaidais pour qu’on ait un aqualand et que l’arène puisse être construite ailleurs. Malheureusement, l’Etat a insisté pour construire l’arène. Ma position était puisque l’Etat le veut et l’impose, qu’on prenne en compte la question des inondations avec un assainissement pour pouvoir véritablement évacuer les eaux de pluies. Ma deuxième condition était la construction d’un poste de police ou bien avoir un détachement des Gmi pour gérer les événements dans l’arène. L’arène ce n’est pas seulement les week-ends et jours de fériés. C’est presque tout le temps. Et si on n’a pas un détachement de Gmi, c’est l’inquiétude au niveau des populations. On m’avait rassuré que les sapeurs-pompiers pourraient intervenir à partir de l’arène à travers l’existence d’une réserve d’eau. Je n’ai pu vérifier s’ils l’ont fait ou pas. Un Comité technique d’évaluation n’existe pas depuis la construction de l’arène.

Avez-vous été impliqué dans le processus qui a abouti à la construction de l’arène ?
On ne m’a jamais convié à une réunion pour évaluer ce que les Chinois sont en train de faire. C’est vous dire tout simplement qu’il n’y a pas de sérieux par rapport à l’engagement. Pendant la journée d’étude d’impact environnemental et social, sur un financement de deux millions, et qui s’est tenue avec le maire de la ville et moi-même, toutes les parties étaient là, à savoir les communicateurs traditionnels, la communauté léboue, propriétaire de cette zone, les lutteurs, les managers, les amateurs, les associations contre l’arène et le ministère. Pendant cette période, on a vu que l’arène a commencé à être construite. On nous a pris au dépourvu. On nous a forcés en réalité. Pendant qu’on déguerpissait les maraîchers, il n’y avait pas une étude d’impact environnemental. Là, on s’est farouchement opposé à travers des déclarations, des rencontres, des sit-in. Pendant ce temps, il y avait des arrestations. Mon directeur de Cabinet, Cheikh Bèye, a été arrêté, de même que mon conseiller municipal. Un jeune environnementaliste, Ibou Hann, a été aussi arrêté.

Pourquoi vous opposiez-vous à ce projet ?
Nous nous opposions par rapport à la démarche, à la non-implication de la commune, pour que la commune, au nom des populations, puisse veiller à ce qui se fait. Finalement avec le changement du préfet qui était là, Pape Demba Diallo, sur instructions du ministre des Sports, m’a reçu pour rectifier le tir et impliquer la commune et nous rassurer que nous serons au cœur de ce qui se fait. La question de l’emploi des jeunes de Pikine a été une des conditions, mais n’a pas été prise en compte. J’ai provoqué une réunion avec le préfet Pape Demba Diallo qui, lui-même, ne maîtrisait pas la situation. Avec le directeur des Infrastructures du ministère des Sports, Cheikh Tidiane Sarr, on a eu des promesses pour rectifier le tir. Tel n’est pas le cas. On lui a donné une liste à partir de laquelle on devait cibler des employés pour la construction de l’arène, ils ne l’ont pas fait. En clair, ils n’ont pas respecté les engagements par rapport à la question de l’emploi. Ils n’ont pas respecté leur engagement par rapport à la mise en place d’un Comité technique d’évaluation et de suivi auquel le maire serait partie prenante.

Les dernières pluies ont-elles révélé les problèmes d’assainissement du lieu où est érigée la nouvelle Arène nationale ?
Pour la question de l’assainissement, on ne sait pas ce qui est fait et ce qui ne l‘est pas. Il y a eu une semaine, nous avons connu un jeudi noir. Il y avait eu de fortes pluies, les maisons contiguës à l’arène ont été inondées. Et quand vous descendez sur le terrain, vous voyez les pentes et descentes qui faisaient office de passage naturel des eaux qui d’habitude se déversaient dans les bas-fonds. Cette partie étant remblayée en hauteur pour y construire une arène, c’est évident qu’on n’a pas besoin d’être ingénieur pour comprendre que l’eau, étant déviée de son chemin naturel, va se déverser dans les maisons, les populations étant dans le désarroi avec leurs matériels détruits, leurs denrées détruites. J’étais sur place pour constater les dégâts avec elles. Je l’ai dénoncé en disant qu’on ne devait pas construire une Arène nationale et ne pas se permettre de construire des avaloirs d’eau. Toute Pikine Nord allait en bénéficier, tout le département allait en bénéficier avec un système de mécanisation pour déverser les eaux dans une zone humide qui est le Technopôle. Les eaux de pluies et de ruissellement pourraient être transformées pour servir aux maraîchers. Rien n’a été fait. C’est de notre devoir de le crier haut et fort devant le préfet, le maire de la ville et sous-préfet. Finalement, il fallait des solutions conjoncturelles pour faire des tranchées, amener des motopompes pour évacuer l’eau. J‘ai mobilisé 650 mille francs pour mettre des gravats, remblayer les gros trous causés par l’eau pour éviter que ces maisons s’écroulent. Vous voyez les tuyaux de l’assainissement engloutis, vous apercevez les racines des arbres. Il fallait stabiliser le sol. Et c’est une quinzaine de camions qui ont été mobilisés. Il fallait des camions hydro-cureurs pour enlever l’eau des maisons. On a un début d’apaisement. Une anecdote : lorsque le ciel menace d’ouvrir ses vannes, on m’appelle pour me dire «Monsieur le maire, il risque de pleuvoir». Je réponds : «Je n’y peux rien.» C’est vous dire que l’Arène nationale est devenue une véritable psychose pour les populations. Il y a une soixantaine de maisons qui ont été englouties par les eaux de pluies. J’ai mis en place un Comité de crise. Dans le quartier Nimzatt 1 et 2 Ndiassane, Aynoumady 1 et 2 et Darou Khoudoss, les habitants de ces maisons ont passé deux nuits à la belle étoile. Aujourd’hui, je dois redescendre sur le terrain. On attend encore des pluies, la météo prédit que les quinze premiers jours de septembre, le ciel ouvrira ses vannes. C’est vrai qu’on prie pour avoir de l’eau, mais si cette eau s’abat et qu’il n’y a pas encore de solution définitive, bonjour les dégâts.

Qui est responsable de cette situation ?
La responsabilité incombe au Comité scientifique. Et si l’arène continue de poser des désagréments à la population, je vais porter plainte contre ce Comité technique, composé de fonctionnaires qui avaient donné son quitus pour que l’infrastructure soit construite. Ce sont des patriotes, des cadres. S’ils avaient véritablement fait leur travail, le président de la République allait changer de lieu ou construire cette arène à Diamniadio ou ailleurs. Ils ont fermé les yeux pour suivre la volonté politique.

Quelle est maintenant la solution ?
Avant que les Chinois ne partent il faudrait, dans les 32 milliards, qu’on prenne en compte la question de l’assainissement. Il faut que de l’investissement soit fait. Si rien n’est fait, nous allons porter l’affaire en justice parce que l’Etat se base sur des techniciens qui sont des cadres, des ingénieurs. Ces personnes doivent être mises devant leur responsabilité. Ce sont ces membres du Comité scientifique qui seront responsables. Ces fonctionnaires ont failli à leur mission. Il faut les dénoncer. Ce travail de laxisme nous a valu cette situation.

La gestion de l’Arène nationale est agitée ces temps-ci. Quelle en est votre position ?
Dans le Comité de gestion à mettre en place, on veut qu’on implique la jeunesse autour de l’arène. On peut avoir des stadiers en formant des jeunes de ces quartiers qui jouxtent l’Arène nationale. Ils pourront même appuyer la police concernant la sécurité. J’ai l’impression que les gens ne se soucient pas de ce que les autres endurent. On se soucie plus de l’arène que des populations. J‘interpelle le président de la République, le Premier ministre, les ministres des Sports et de l’Urbanisme pour qu’ils organisent une réunion nationale pour trouver des solutions avant l’inauguration de l’arène (prévue en principe en octobre). Il faut qu’on redonne aux jeunes leurs terrains où ils s’entraînent, à savoir Darou Khoudoss et Guéléwar. Le Conseil municipal de Pikine a demandé qu’on lui affecte l’espace qui reste autour de l’arène pour y construire un terrain municipal synthétique pour permettre aux jeunes de s’y entraîner, mais d’en tirer des recettes. Pikine Dagoudane n’a plus d’espace. C’est le seul espace qui reste. On a fait la demande, mais on n’a pas de réponse depuis un an et demi.