Le maire de Dakar face au juge Malick Lamotte : «En 2012, c’est Macky Sall qui m’a parlé de ces fonds et qui les a sollicités»

Khalifa Sall, qui conteste toujours les faits qui lui sont reprochés, est revenu sur les «fonds politiques». Il mouille le Président Sall, refuse de donner les noms des bénéficiaires dont un magistrat qui devrait être évacué au Maroc… Le reste, ce sont, selon lui, des sollicitations d’autorités politiques, religieuses, coutumières, etc.
Khalifa Sall a évoqué l’offre politique lundi, sans nommer Macky Sall. Hier, il est revenu en long et en large. Et cette fois-ci, avec des noms. «C’est Mbaye Ndiaye qui a dit que c’est parce que je ne m’entends pas avec Macky Sall que je suis poursuivi. En 2012, c’est Macky Sall qui m’a parlé de ces fonds et qui les a sollicités. En 2009, j’en ai parlé à Abdoulaye Wade pour solliciter ses conseils sur la gestion de cette caisse. Après 21 ans de fonctionnement de la sorte, c’est difficilement compréhensible qu’on nous attraie ici. Vous avez à juger un homme politique», dit-il au juge. Le maire de Dakar est ensuite revenu sur le rapport de l’Ige qui, selon lui, est gardé «pendant 18 mois». «J’ai demandé à ce qu’il soit déclassifié parce que ce sont des félicitations pour l’essentiel», indique-t-il.
«Sollicitations des administrations, des autorités coutumières, religieuses, des malades…»
Et la gestion des fonds, il jure n’en avoir «jamais fait un usage personnel». Il poursuit : «A partir de 2009, pour la gestion de ces fonds, nous avons convenu avec le conseil municipal d’une gestion collégiale parce que les fonds étaient destinés à soutenir les populations de Dakar. Les demandes venaient de tous bords. Les sollicitations des administrations, celles des autorités coutumières, religieuses, des populations elles-mêmes, notamment les grands malades, ceux qui avaient des problèmes de vie, problèmes primaires et élémentaires. Il y avait aussi des sollicitations de personnalités, leaders politiques. Ces fonds ont toujours servi à cela. Il y a surtout les manifestations religieuses. Nous sommes aussi sollicités par l’Etat pour des manifestations comme le 4 avril ou les visites de chefs d’Etat.»
«Je refuse de citer de nom»
«La nature de ces fonds est d’être discrète. Depuis 1978, il n’y a aucun document d’archives pour les justifier. Chaque maire, au terme de son mandat, part avec ses notes. Jusqu’à Abdoulaye Wade, les maires avaient des réunions mensuelles. C’est pourquoi nous avons été très surpris d’avoir été déférés ici parce qu’il n’y a pas d’autorités qui ne les connaissent pas. Les fonds n’ont pas vocation à être justifiés. Ces fonds politiques ne servent pas au maire ni aux agents, mais aux populations de Dakar. Le débat qui est posé est de savoir pourquoi nous ne voulons pas donner des noms. Parce que ces fonds sont sollicités par tout le monde. Il y a des malades, surtout les grands malades. Certains souffrent du cancer de la prostate, de cancer du col de l’utérus. Est-ce qu’on peut, après avoir aidé ces gens, le révéler ? Parfois, ce sont de hautes autorités de ce pays qui viennent nous voir. Ce sont des hommes et des femmes qui ont servi cette Nation. Les demandes sont de tous les bords. Je refuse de citer de nom. Quand on parle de détournement, on s’étonne parce qu’on connaît chaque personne qui a bénéficié de ces fonds. Je n’ai pas de coffre-fort dans mon bureau. Mbaye Touré n’en a pas non plus dans son bureau. Nous ne sommes pas receleurs, nous ne sommes pas détourneurs. C’est l’argent de la Ville de Dakar et non l’argent de l’Etat. Je suis meurtri, pas pour moi, mais pour mes collaborateurs. Le jeune Yatma a failli me faire pleurer quand il nous a demandé ce qu’il a fait pour que sa vie bascule de la sorte. Je lui ai dit qu’il n’a rien fait sauf s’être trouvé au mauvais endroit au mauvais moment.»
Le président Lamotte : «On nous a communiqué une liste des bénéficiaires
de ces fonds»
Le président Lamotte ajoute : «Nous vous avons écouté retracer l’histoire et vous avez aussi indiqué que vous ne citerez pas de nom alors qu’on nous a communiqué une liste des bénéficiaires de ces fonds.» Khalifa Sall persiste : «J’ai dit que je ne donnerai pas de nom. Mais si un citoyen décide de témoigner, je n’y vois pas d’inconvénient. Cela ne dépend que de lui.»
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