En votre qualité de premier magistrat de la ville de Thiadiaye, vous avez reçu, dites-vous, «l’offre très courtoise du médecin chef de district» de vous faire vacciner contre la Covid-19. Offre que vous auriez «déclinée».
Vous rendez publique votre décision en vous appuyant sur le principe d’égalité. Pour ce faire, vous notez que le vaccin ne doit pas être «un instrument approfondissant davantage la cassure entre les citoyens, les riches et les pauvres, les élus et les électeurs, les gouvernants et les gouvernés». En somme, vous dites que vous ne faites pas partie des cibles prioritaires et que par conséquent, recevoir votre dose de vaccin avant les autres qui, sur le plan médical en ont besoin plus que vous, relèverait d’un privilège indu que vous ne sauriez accepter. Comme c’est généreux, Monsieur le ministre !
Si votre argument peut s’entendre, il est tout aussi loisible de vous rappeler que le rôle du leader est aussi et surtout de convaincre en donnant l’exemple. En effet, dans un contexte de méfiance des populations envers les vaccins, le fait de voir des responsables de premier plan se faire vacciner contribue, à n’en pas douter, à rassurer les populations et à pousser les plus vulnérables d’entre elles à accepter de se faire vacciner.
Monsieur le ministre, comme vous le savez du reste, chaque responsabilité comporte des privilèges et des servitudes. Le vaccin à vous proposé ne devrait pas d’abord être lu par vous comme un privilège. C’est une servitude. Une manière de vous mettre au service de la population en démontrant que, lorsque incertitude il y a, vous vous mettez au-devant et faites en premier ce que vous attendez des autres, car la seule manière de convaincre dans certaines situations n’est-elle pas, Monsieur le ministre, de donner l’exemple ?
Vous renoncez donc, dans l’entendement qui est le mien, non pas à un privilège, mais à un devoir : celui de donner l’exemple aux citoyens dont vous dirigez les destinées en votre qualité de maire.
Il y a des privilèges auxquels vous pouvez ou auriez pu renoncer, sans que cela soit problématique :
– renoncer à une part ou à la totalité de votre salaire au profit des plus démunis de votre terroir,
– renoncer à tout avantage de fonction (véhicule logement, carburant, chauffeur) quand vous étiez ministre de la République. Partageant ainsi avec les Sénégalais les contraintes de la vie de tous les jours,
– refuser le cumul de mandats en décidant de renoncer, en son temps, soit à la fonction de maire ou à celle de ministre pour plus d’efficacité et de proximité.
Ces privilèges, jusqu’ici, ne vous ont jamais semblé gênants. Vous ne vous posiez sûrement pas la question de savoir : comment je vais regarder mes conseillers, mes voisins, mes amis d’enfance lorsque je débarque à Thiadiaye, avec voiture de fonction,  garde du corps, chauffeur, dans un costume sur mesure dont le prix pourrait nourrir une famille pauvre de Thiadiaye pendant plusieurs mois ?
Sur un autre registre, difficile,  Monsieur le ministre, de croire que votre réponse, qui se veut éthique, n’est pas surtout politique voire politicienne.
En effet, entre les lignes, vous vous en prenez au président de la République en rappelant que «le vaccin ne doit pas être une arme idéologique ou diplomatique, encore moins un instrument approfondissant davantage la cassure entre les citoyens». Or qui, dans une République, est le porte-étendard de la diplomatie, de l’idéologie et le garant de l’égalité entre citoyens ? Le président de la République bien sûr.
Pourtant, on aurait pu vous voir, au lieu de le flétrir subtilement et publiquement, saluer, en tant que membre de la majorité au pouvoir, le leadership éclairé du chef de l’Etat Macky Sall qui a permis à notre pays de faire partie des premières Nations africaines au sud du Sahara à disposer du vaccin. Vous auriez pu magnifier et prolonger le courage et le dévouement du Président Macky Sall qui a accepté de prendre une dose de vaccin. Répondant ainsi à une demande de l’opinion qui a souhaité que les décideurs donnent d’abord l’exemple pour rassurer le peuple.
Vous auriez pu saluer l’engagement panafricain et régional du Président Macky Sall qui a décidé de céder une partie de notre stock de vaccins à nos voisins que sont la Gambie et la Guinée Bissau.
De tout cela, vous n’avez rien fait. Au moins, de grâce, par éthique et par cohérence républicaine, vous auriez pu décliner l’offre «courtoise» du médecin chef de district avec… courtoisie et retenue. En privé. Sans épanchement médiatique.
Vous auriez respecté, de la sorte, votre liberté – et non clause – de conscience et n’auriez pas, ainsi, introduit le doute chez les plus réfractaires, sur une démarche pédagogique que vous assimilez sans trop de fards à un abus de pouvoir.
Auriez-vous eu, Monsieur le maire, cette même liberté de conscience quelques mois plutôt alors que vous étiez encore ministre de la République ?
Par respect à votre statut – vous fûtes à mon grand bonheur mon «patron» lorsque vous étiez ministre directeur de Cabinet – et par amitié et dévouement, je m’en arrête à une formulation interrogative et n’en dirai pas plus.
Respectueusement, avec mon estime et ma considération !
Mamadou THIAM
Conseiller spécial à la Présidence de la République