Pour trouver des solutions au problème d’exécution des décisions de Justice, notamment par l’Administration, la Médiature de la République a organisé un séminaire de deux jours avec des acteurs du système judiciaire pour trouver des solutions qui seront soumises aux autorités.

Par Dieynaba KANE – Le constat au Sénégal est que l’exécution des décisions de Justice reste encore un défi à relever. Hier, lors d’un séminaire organisé sur cette question par la Médiature de la Répu­blique, le Pr Abdoulaye Dièye, un des experts, a fait savoir que «c’est une anormalité dans un Etat de Droit». Selon le Pr de Droit, «une décision de justice revêtue de la chose jugée doit être exécutée en dépit de toutes les difficultés qui se dressent parfois devant l’Administra­tion». Prenant particulièrement le cas des décisions rendues contre l’Administration, M. Dièye fait remarquer que «le juge est désarmé parce qu’il il n’y a pas possibilité» de l’obliger à respecter la décision. Parce que, souligne-t-il, «il n’y a pas d’astreinte et y a pas d’injonction à l’Adminis­tration». Toutefois, s’il arrive que l’inexécution d’une décision de Justice relève de la mauvaise volonté, Pr Abdou­laye Dièye estime que parfois il y a des contraintes objectives qui font que l’Administration tarde à exécuter. Poussant la réflexion, il s’est interrogé : «Est-ce que c’est toujours facile d’exécuter une décision de justice ?» Dans la foulée, le Pr Dièye est revenu sur l’épisode des élèves-maîtres. Et de rappeler : «L’Administration a sorti du système des élèves-maîtres, dans le fond, il n’y a même pas à discuter, ils ont complètement tort, ce sont des fraudeurs. Ils ont saisi le juge, ce dernier a dit qu’il y a incompétence parce que ce n’est pas le ministre de l’Education qui devait les sortir du système mais le jury. C’est l’un des points sur lesquels le juge s’est basé pour dire que la décision est illégale, donc j’annule. On a entendu le ministre de l’Edu­cation dire qu’on ne va pas prendre ces gens-là qui sont des fraudeurs, il a été appuyé par le président de la Répu­blique et même les députés…»

Le Médiateur de la Républi­que dont l’institution est à l’initiative de ce séminaire, indexe «un manque de moyens et de volonté d’exécuter des décisions rendues contre la puissance publique, parce que le citoyen n’a aucune contrainte à faire valoir contre une autorité administrative qui ne réagit pas». D’après Demba Kandji, le citoyen se tourne parfois vers l’institution qu’il dirige alors «qu’au niveau de l’Uemoa, les médiateurs ont des difficultés, parce qu’ils sont dépourvus de moyens de contrainte, par exemple l’injonction qu’ils peuvent faire valoir vis à vis de l’administration». Et M. Kandji d’ajouter : «Globalement l’Etat de droit dans lequel nous vivons s’accommode avec l’exécution de décisions de Justice. Quand on va devant un juge, c’est pour obtenir une décision qui est aujourd’hui un produit de consommation. Ce n’est plus une décision classique dans le genre gagner son procès pour une satisfaction morale, parfois ce sont des répercussions pécuniaires qui ressortent de la procédure. Dans ces cas-là, vaut mieux que l’Admi­nistration se prémunisse contre ces états de fait qui font que parfois les citoyens sont désarmés et se disent pourquoi aller devant un juge.» Pour lui, «quand on dit qu’un tribunal est indépendant, impartial, c’est une bonne chose, quand on invite le citoyen à le saisir, mais au bout de la procédure le mieux c’est qu’il puisse jouir des résultats de la procédure». Les initiateurs de cette rencontre, qui veulent trouver des solutions à ce problème, espèrent qu’après deux jours de réflexion, des pistes seront trouvées pour mettre en place un plan d’actions qui sera soumis aux autorités.
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