Le motif le plus important du travail à l’école, à l’université, dans la vie, est le plaisir de travailler et d’obtenir, de ce fait, des résultats qui serviront à la communauté1.
Seul le travail continu, fait sur la base et dans les règles de l’art, peut insuffler et assurer un résultat utile aux populations et aboutir au développement global d’un pays. Cette affirmation est tout évidente, sans équivoque, et valable partout et pour toujours. Le président de la République, en déclarant avec une satisfaction non dissimulée dans son message à la Nation que : «Suivant la feuille de route que je lui ai assignée, le gouvernement, toujours à votre écoute et à votre service, restera dans le temps utile, le temps du travail, le temps de l’action et du résultat.» Il n’y a aucun doute, mais ce sentiment est loin d’être partagé par une bonne partie des travailleurs sénégalais qui, justement, peinent en ce moment à se rendre à l’heure à leur lieu de travail. Cela, du fait de l’embouteillage monstrueux et anarchique qui prévaut actuellement partout dans Dakar et sa région. Evidemment, nous le constatons tous avec désolation, comme un fait indiscutablement avéré, quotidien et permanent. Cette situation, incontestablement très grave, constitue absolument, à elle seule, une réelle entrave au travail tout court. Et à plus forte raison lorsqu’en outre on le veut bien utile.
Monsieur le Président, en vérité, votre gouvernement et vous-même faites tout, sauf écouter et être au service des citoyens sénégalais. Et moins encore, de rester dans le temps utile, lequel a nécessairement pour base légale 8h effectives par jour. Mais voilà que celui-ci est toujours amputé de 2 à 3h de perte du temps à cause justement de cet embouteillage qui embrase Dakar et sa région. Alors, tout compte fait, votre gouvernement, ou vous plutôt, êtes aux antipodes d’un temps utile de travail pour n’avoir pas pu assurer au travail son temps complet nécessaire, afin qu’il puisse bien remplir ses fonctions.
En effet, il est dit que le plus grave défaut, voire majeur d’un chef, c’est de toujours afficher de l’autoglorification ou l’autosatisfaction, même dans des cas d’échec patent. Ce défaut majeur prête à de tels chefs des yeux trompeurs qui l’empêchent ainsi de voir la réalité en face, même lorsque celle-ci leur crève les yeux. Cette vanité ou prétention démagogique est le propre des Libéraux souvent très suffisants, c’est bien leur marque indélébile congénitale. Et en écoutant le Président Sall, on est vraiment tenté de se demander si ce dernier vit effectivement dans le même Sénégal que nous ? Sinon, il est tout de même impensable que lui, chef de l’Etat de surcroît, ne sache pas jusqu’à présent que les Sénégalais vivent et souffrent le calvaire des embouteillages depuis des années et chaque jour davantage. Ce qui, d’ailleurs, fait que les Sénégalais ne peuvent même plus circuler convenablement, afin de pouvoir se rendre au travail à l’heure indiquée. Et tout cela, à cause des énormes difficultés relatives à la circulation routière et la mobilité urbaine impossibles dans la région de Dakar, voire même dans toutes les régions du Sénégal.
Ces embouteillages innommables et injustifiables qui prévalent à Dakar et paralysent, combien, toutes les activités en général relèvent d’une mal gouvernance évidente du pays. L’on dénombre des embouteillages auxquels, malgré leur persistance et leur durée, le gouvernement non seulement n’apporte jusque-là pas aucune solution, mais il ne se préoccupe même pas de cela. Au regard de la réalité tout à fait indiscutable, à laquelle nous sommes chaque jour confrontés, il faut le dire tout net, le gouvernement fait comme si de rien n’était. Prenons cet exemple concret d’embouteillage indescriptible qui s’est produit ce samedi 06//01/2018 au rond-point de Yoff, vers les environs 19h, et qui a duré plusieurs heures. Et il est sûr et certain que ce cas n’est pas isolé et qu’il en existait même sûrement d’autres en plusieurs endroits à Dakar. En tout cas sur les lieux, je n’ai pas aperçu la présence de plus de deux gendarmes. Ces derniers étaient complètement débordés et noyés par les voitures. On le voit bien, même l’autoroute à péage n’est pas épargnée par les embouteillages monstres aux heures de pointe. Il est plus que certain, s’il s’agissait par exemple d’une manifestation politique d’opposants à n’importe quel endroit, la police ou la gendarmerie allait, dare-dare, débarquer prestement dans les minutes qui suivent pour disperser la manifestation. Alors, cela n’est pas seulement une faute grave de conduite discriminatoire, mais c’est bien un indice manifeste qui démontre l’inégalité dans le traitement des citoyens. Un tel comportement dévoile parfaitement l’insécurité dans laquelle nous, populations, vivons.
Il prouve aussi que les forces «publiques ou de sécurité» ne sont pas du tout républicaines et au service des populations, loin s’en faut, mais pour les hommes au pouvoir. Voilà pourquoi le message du Président Sall est complètement passé à côté pour avoir occulté et passé sous silence un calvaire permanent qui crève cependant les yeux de tous les Sénégalais. Mais voilà que son message n’a même pas évoqué l’existence de cette situation dramatique, pourtant grosse de dangers, avec ses répercussions économiques et sociales insondables, comme si c’était un banal fait divers. Je suggère aux journalistes de télévision de faire un reportage concret sur les embouteillages et la circulation en général pour montrer à tous ce spectacle désolant.
Mais, comment dans de telles conditions inadmissibles, paralysant toutes les activités du pays tant au plan économique et en particulier social, un gouvernement veut-il et peut-il prétendre que le travail dans son acception globale soit convenablement bien fait ? Et qui plus est, de vouloir tirer d’une telle situation catastrophique les fruits es­comptés, alors que même les conditions minimales à cela sont bien loin d’être remplies. C’est exactement, comme si le Président Sall voulait en même temps une chose et son contraire. Il ne s’y prendrait vraiment pas autrement ! Alors, le Président Sall oublie-t-il donc que pour obtenir le résultat escompté de n’importe quelle action, il y a nécessairement une contrepartie ou un prix à payer, à savoir au préalable satisfaire aux exigences.
Mais le président de la Ré­publique ignore-t-il ou méconnaît-il jusqu’à ce point une telle problématique ? Si tel est bien le cas, il aura fait montre alors d’une négligence coupable, d’un manque impardonnable de vigilance et de suivi indispensable du pouls du pays dans ses moindres détails, car cela est une exigence qui fait absolument partie de ses responsabilités. Assurément, l’absence d’observation de cette haute charge de sa part est bien évidemment un manquement extrêmement gra­ve pour un chef d’Etat qui devrait même être en mesure de sentir la respiration de ses concitoyens au quotidien, autrement dit, de veiller scrupuleusement à leurs moindres préoccupations essentielles. Ou bien le Président a-t-il sciemment fermé les yeux sur une situation aussi préoccupante pour tout le pays ? Si l’on en juge par son attitude et à y regarder de près, c’est une situation à laquelle il n’attache aucune importance et ne cherche même pas à lui trouver une solution radicale et définitive, mais plutôt il la laisse ainsi se détériorer davantage, sans absolument rien faire. Mais à quelles fins ? Lui seul saurait le dire.
Logiquement, compte tenu de tous ces impairs énumérés, le Président pouvait bien se passer de l’évocation de la question du temps utile dans son message. Ou bien, l’a-t-il juste fait pour l’embellissement de son message ou bien alors pour endormir les Sénégalais ? Car dans tous les cas, il est bien évident pour tous et dans la logique simple des choses que le temps utile, c’est d’abord celui accompli intégralement, à savoir le temps légal de travail, soit 8h par jour, et exécuté dans les normes et règles de l’art. Nous savons tous que dans la présente situation, avec les embouteillages que nous vivons au quotidien, il faut tout au moins, quelle que soit la bonne volonté des travailleurs, perdre 2 ou 3 heures de temps avant de pouvoir rejoindre son lieu de travail. Par conséquent, il est quasiment impossible à certains travailleurs qui ne se trouvent pas tout près de leur lieu de travail de pouvoir respecter les 8 heures effectives. Ensuite, le temps au travail commence impérativement par lui consacrer les 8 heures dues effectivement, ce qui est impossible dans les conditions actuelles de la circulation. Alors, le résultat étant fonction de l’action, donc au travail, par conséquent, celui d’une action non accomplie entièrement devient éclopé, ainsi négatif à cause de tous ces manquements à la base.
Au-delà de tous ces anachronismes que nous venons de souligner tantôt, l’on note aussi que le Sénégal est singulièrement marqué, après 58 ans d’indépendance, comme l’un des rares pays au monde, pour ne pas dire le seul, qui ne dispose pas d’une régie nationale des chemins de fer respectable. Pis, même l’embryonnaire régie de chemin de fer qui datait de la colonisation a été purement démantelée. Pour montrer encore son arrimage à l’arriération et l’archaïsme décadent qui, de fait, divorce totalement avec le modernisme ou la marche de notre temps, c’est au Sénégal seul que l’on trouve encore en circulation des véhicules de transport public âgés à peu près de 100 ans. Ainsi, le Sénégal, sans état d’âme, s’identifie encore bien tristement, en ce 21e siècle, comme étant le rare pays qui compte encore dans son parc de véhicules de transport en commun de personnes en service, des pièces dont logiquement la place se trouve dans les musés, puisqu’elles ont cent ans d’âge. Il s’agit de ces cars rapides, de vieilles carcasses qui ne tiennent plus la route.
Au regard de la présente situation, c’est comme si dans ce gouvernement aucun département ministériel n’a en charge cette question de transport terrestre. Et comme si ni la police ni la gendarme ne s’occupe plus de la circulation et de la mobilité urbaine ? Tout observateur attentif et vraiment sérieux peut noter que votre gouvernance est marquée incontestablement, Monsieur le Président, par l’irrationalité notoire ainsi que le mauvais choix des objectifs prioritaires en faveur des populations. En effet, au lieu de travailler à réaliser des œuvres d’utilité publique au bénéfice des populations, vos choix politique, économique, social et culturel sont plutôt toujours portés sur des infrastructures de prestige, comme par exemple le Centre de conférence Abdou Diouf ou pour satisfaire une caste de privilégiés, de prédateurs et de transhumants – ces animaux à statut humain – qui font la navette entre les régimes qui s’installent. Qui ose dire vraiment que ce centre est plus d’utilité publique ou d’urgence sociale par rapport à la résolution définitive de l’épineuse question de la mobilité urbaine et fluidité de la circulation à Dakar ? En vérité, c’est sans commune mesure.
Par ailleurs, au-delà de cette situation dramatique, la mobilité urbaine ou fluidité de circulation à Dakar qui est un véritable casse-tête chinois, ce qui en outre est aberrant et rend furieux les usagers de la route, c’est qu’en dépit de cette particularité sénégalaise peu flatteuse de toutes ces anomalies inacceptables, il faut également noter que Dakar, la capitale sénégalaise, n’est pas dotée suffisamment en feux de signalisation ou en tout cas pas en bon état de marche. Sinon, peut-être dans quelques rares points en ville, là où il n’existe pratiquement pas d’embouteillages sérieux.
Mais ce n’est pas tout, nous constatons également qu’en dehors de Dakar ville, il est aujourd’hui rare de voir suffisamment d’agents de la force publique affectés (policiers ou gendarmes) pour réguler la circulation ou tout au moins décanter certains bouchons dans Dakar, afin de permettre une bonne fluidité de la circulation. Il n’est pas besoin de le dire, puisqu’il est évident qu’une telle situation si compliquée a nécessairement besoin de vrais professionnels aguerris, à savoir des agents de la force publique dont le professionnalisme ne fait l’ombre d’aucun doute. Et pour lesquels le métier comporte bien cette fonction de régulation de la circulation routière. Par conséquent, les fameux Agents de sécurité de proximité (Asp) sont évidemment de fait hors circuit et priés d’aller voir ailleurs. Sans aucune méchanceté, mais pour simplement dire : «A chacun son métier et les vaches seront bien gardées !»
Voilà, Monsieur le président de la République, une préoccupation centrale parmi tant d’autres qui fait, indiscutablement sans nul doute, l’unanimité des Séné­galais en ce moment. Et ensuite, l’impact négatif de la circulation aujourd’hui sur le bon fonctionnement du travail, voire même du résultat global, sur l’ensemble des activités en général du pays, est incontestable.
Mandiaye GAYE
mandiaye15@gmail.com
1 Citation de Albert Einstein ; Albert Einstein et la relativité, Ed. Seghers (1961)