Une nouvelle fois, le Parlement sénégalais a cristallisé les attentions toute cette semaine, entre la Déclaration de politique générale du Premier ministre, Amadou Ba, et la convocation du gouvernement hier à l’Hémicycle, pour l’examen d’une motion de censure introduite par le groupe parlementaire Yewwi askan Wwi (Yaw). Le second événement mérite qu’on s’y attarde. Ce fut un très bon premier acte d’une mise à nu en mondovision que des entrepreneurs politiques, venus dans notre vie publique par effraction, sont en train d’exécuter à merveille.
Le jeu démocratique a la force de donner voix à tous et l’exercice d’hier démontre à juste titre que les bonnes armes entre des mains inexpertes font les pires dégâts. On ne peut qu’être soulagé de voir les caméras et micros quitter le Parlement avec la fin de la session budgétaire et le rejet de cette motion de censure, afin que la sérénité et la civilité reviennent à l’Hémicycle. Bien des acteurs ne se sont pas ménagés en soufflant sur des braises pour instaurer du chaos avec tout ce qu’ils tenaient entre leurs mains. Le naufrage de la motion de censure contre le gouvernement du Premier ministre Amadou Ba, sera certainement un signe annonciateur de la fin d’une façon outrancière, irresponsable et populiste de faire de la politique. Rien n’est mieux que de voir les promoteurs de cette façon d’agir pour la cité se casser les dents par le poids de leurs contradictions. Le Peuple qui rend tout cela possible prend bonne note.
Lamine Thiam, chef du groupe parlementaire Liberté-démocratie (Wallu Senegaal), a raison de considérer inélégante la dynamique de Yaw pour déposer une motion de censure de façon unilatérale, sans consulter une formation politique largement représentative au niveau national et «implantée à l’Assemblée nationale depuis 1978» pour reprendre ses propos. Des idiots avec des outils de décision sont dangereux, mais ils sont inarrêtables s’ils se pensent dotés d’une quelconque lucidité ou que leurs délires seraient la voie du juste salut. Quand on se croit l’élu salvateur d’un Peuple, faire cavalier seul finit par être la seule religion et les alliés complaisants finissent à être saoulés par une telle prophétie.
L’opération de guérilla politique tentée par Yewwi askan wi, à travers cette motion de censure rejetée par l’Assemblée nationale, a fini de révéler un projet politique fait de défiance, d’impréparation et d’un populisme harangueur. Les orateurs qui se sont succédé au pupitre pour donner voix à cette «motion de défiance» devraient sérieusement s’expliquer avec les rédacteurs de leurs notes. Le décalage entre l’exposé des motifs de la motion de censure et la teneur des débats dans l’Hémicycle n’a été comblé que par l’arrogance sotte de certains de ses défenseurs. Le maire d’une ville-monde comme Dakar, a ergoté sur la grossesse d’une parlementaire en reprochant à son conjoint ses origines modestes. Qu’est-ce qu’on n’entendra pas de la négraille bourgeoise des salons dakarois et de sa haine de soi ?
La coalition Yewwi askan wi considère le Parlement comme une chambre d’enregistrement des désiderata d’un Tout-puissant maître exécutif, maniant des pantins à son gré. Dieu soit loué, qu’il y ait une telle hyper-présidentialisation pour contrer les velléités d’une armée mexicaine faite d’apprentis en politique et de leaders déchus qui, comme une volée enragée de mouettes, voudraient chier sur tout. On aurait pardonné leur rage et fougue à tout détruire s’il y avait au moins une maîtrise, même faussent singée, des textes légiférant le Parlement et certains bouts de notre Constitution. Il faudrait un peu de connaissance pour opérer un bout de malice bien nourrie, mais c’est trop leur demander.
L’honorable député Seydou Diouf a souligné avec dépit, la prérogative «d’investiture» du Premier ministre par les députés, qui a été glissée dans l’exposé des motifs de la fameuse motion de censure, entre autres errements argumentaires. On ne saurait se déterminer entre rire de l’hérésie de parlementaires confondant la nature des régimes dans lesquels ils évoluent ou la compulsion à se faire caisse de résonance d’un discours qui se veut destructeur tout en manquant de substance. Un ami très versé dans la politique américaine me dit que c’est toujours une joie de voir des bigots populistes se trouer. Je viens d’avoir une pleine mesure de la satisfaction et de l’espoir qui naissent du naufrage de faux briseurs de roue et d’impostures d’entrepreneurs politiques.
Par Serigne Saliou DIAGNE / saliou.diagne@lequotidien.sn