A la suite de la découverte de ses gisements de pétrole et gaz et leur exploitation prochaine en 2021, le Sénégal doit faire des choix déterminants pour la gestion de ces ressources et de leurs revenus. Ces ressources naturelles  sont la propriété du Peuple, ainsi que le précise la constitution en son article 25.1. Il est donc essentiel que les populations ou leurs représentants ainsi que les porteurs d’enjeux de la Société civile  soient pleinement impliqués dans les choix d’orientation pour l’utilisation des revenus du pétrole et du gaz pour les prochaines années. De ce point de vue, la concertation menée par l’Etat, le 12 juin dernier sous l’égide du chef de l’Etat, n’a malheureusement pas permis une consultation sérieuse des différentes parties prenantes intéressées par cette question.
Même les acteurs qui y ont participé n’ont pas eu la chance de communiquer leurs contributions, d’échanger et de s’entendre sur des orientations phare. Le chef de l’Etat a juste entendu certaines propositions, recueil­lies au hasard, venant de personnes dans la salle de conférence du Cicad et qui ont eu la chance de prendre la parole.
Au total, cet exercice était largement symbolique et non une véritable concertation nationale. Au mieux, on pourrait considérer cette journée comme le lancement de la concertation nationale, si toutefois, un tel exercice devait continuer, comme beaucoup s’y attendaient, durant un temps suffisant pour faire le tour des questions importantes qui doivent être traitées avant d’arriver à un consensus et des livrables clairs.
Il ne faut pas se voiler la face. Il faut plutôt constater pour ensuite corriger que l’approche de concertation minimaliste et le pilotage unilatéral traduisent un choix de conduite des affaires pétrolières et gazières comme un domaine réservé au Président et son organe de conseil qu’est le COS Petro gaz. Ce n’est donc pas un hasard que sa concertation ait été  organisée dans un format qui n’en faisait rien de plus qu’une formalité pour entériner ses choix personnels et lui servir de faire-valoir avant d’édicter ses lois. Il est étonnant que le Président impose ses choix, sans pour autant avoir fait réaliser des études sérieuses complètes sur une question dont tous s’accordent à reconnaitre les enjeux multidimensionnels et  leur impact déterminant qui commande donc une approche prudente. Le pétrole et le gaz ne doivent pas être un domaine réservé du président de la République. Il faut corriger cette approche en mettant en place un cadre de concertation, avec un agenda sur 4 à 6 mois pour mener un processus de consultation qui donnera l’occasion d’échanger avec  tous les acteurs intéressés par la concertation. Le résultat sera un document consensuel à partir duquel seront adoptées les dispositions structurantes pour la gestion du pétrole et du gaz, dans ses différents aspects.
Même si le gouvernement a des propositions ficelées, elles feront partie de la corbeille des différentes propositions qui seront traitées durant ce processus. Du reste, ce serait une bonne chose d’alimenter la concertation avec des propositions de base. Mais, c’est la concertation qui devra produire les orientations nécessaires à l’élaboration des lois pour la gestion de nos ressources. De surcroit,  à 4 mois d’une élection présidentielle, il est plus prudent de ne pas faire dans la précipitation pour adopter des lois et mettre les populations devant le fait accompli sur des questions sensibles et hautement stratégiques qui auront un impact majeur sur notre développement pendant les 100 prochaines années. Ce temps électoral peut être mis à contribution par la Société civile pour mener les consultations et études sur le plan sectoriel, institutionnel, économique. Toutes ces  raisons fondent à ne pas se précipiter dans le passage en force de lois sur le pétrole et le gaz avant le mois d’octobre. Nos députes,  comme tous les acteurs politiques, sont plus préoccupés par la recherche de signatures de parrainage et la préparation de la campagne électorale que par une  prise en charge sereine et réfléchie des choix à faire sur le pétrole et le gaz. Le contexte de forcing tous azimuts ne s’y prête pas. Où est l’urgence ? Nulle part. Prenons le temps de bien faire, M. le Président. Laissons les Sénégalais orienter ces lois. Ils en sont les propriétaires véritables.
Même les ministères n’ont pas voix au chapitre. Conscients que cette affaire sous emprise de la plus haute autorité qui a mis en place son organe technique, ces ministères se tiennent tous à l’écart d’une question qui les intéresse tous. Il faut aussi les libérer pour qu’ils apportent leurs avis éclairés.
En particulier, il est intéressant de noter que le ministère de l’Economie et des finances est restée muette sur les enjeux financiers et économiques qui vont affecter  le Pse. Quel sera l’impact des nouveaux revenus sur le Pse ?  Quels changements de modèles économiques doivent être engagés pour avoir un impact maximal sur notre économie ?  Des questions tout aussi importantes se posent  sur les préventions environnementales en cas de catastrophes, surtout pour un pays qui n’a pas assez d’ambulances pour éteindre un incendie en plein centre-ville. Déclarer que l’Etat continuera de fonctionner normalement pour prendre en charge toutes ces questions, n’est pas la bonne réponse.   Nous devons avoir une approche à la mesure des enjeux qui se posent. Cela commence par une vraie concertation et non par le passage précipité en force de nouvelles lois pour entériner les choix personnels du Président. Malheureusement, le forcing semble être la méthode de gestion en vogue.  Il  ne serait donc pas étonnant que le gouvernement reste sur cette volonté de forcer ses lois en octobre.
Amadou GUEYE
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