Il n’aura pas fallu attendre longtemps pour que la «merde du diable» et ses dérivés, découverts en des quantités sérieuses au Sénégal, avec une exploitation des ressources pétrolières et gazières prévue pour l’année 2024, ne sèment le trouble. Certains de nos très aptes compatriotes, qui ne cessent de clamer partout leur ambition à nous diriger et surtout de nous mener à une terre promise où tous nos rêves et idéaux seront des réalités palpables, se sont déjà fait des agents commerciaux pour servir au plus offrant nos ressources.
D’aucuns diront que je ne suis jamais tendre avec l’enfant gâté de notre République, à savoir Ousmane Sonko, mais le gus ne cesse de sauter pieds et mains joints dans les abîmes en nous entraînant malheureusement et malgré nous, à chacun de ses sauts fous. Comme dirait Ibou Fall, la chair étant faible et l’amour obsessionnel des «authentiques Sénégalais» pour l’argent qui s’érige en aphrodisiaque pour chacun de nous, peuvent tout expliquer. C’est seulement de cette façon qu’on peut s’imaginer qu’un des meilleurs d’entre nous, à savoir Saint-Ousmane, se joigne aux péchés des impurs pour prendre de l’argent indû et surtout l’utiliser pour mettre le pays, qu’il clame tant aimé, sens dessus-dessous.
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Depuis une semaine, un flot de révélations sur des fonds qataris reçus par Ousmane Sonko pour inonder le jeu politique sénégalais avec comme objectif une déstabilisation du pays et à terme une remise en cause de certains accords sur les hydrocarbures du Sénégal, fait l’actualité. Tout a commencé avec les déclarations du député Matar Diop à l’Assemblée nationale, suivies de révélations des journalistes, Madiambal Diagne et Cheikh Yérim Seck, donnant des pistes sérieuses sur des fonds indus que le «patriote en chef» aurait reçus. Ces fonds, reçus de bailleurs peu commodes et qui ne s’accommodent pas de ses niaiseries, sont à l’origine d’une situation trouble pour sa famille et lui, au point de le pousser à demander protection et bienveillance au chef de l’Etat. Un tel débat, beaucoup ont voulu sciemment l’éviter, le disqualifier par du désintérêt et surtout chercher des faux-fuyants. Dans un pays où médias et Société civile ne cessent à longueur de journées de prêcher des obligations de transparence, de reddition des comptes et d’une probité dans la vie publique, on aura beau chercher à fuir la farandole d’actes graves sur le lit de l’exploitation des ressources pétro-gazières du Sénégal, mais l’incongruité de l’affaire ne cessera de rattraper au pas pressé.
Société civile ou un ballet de «groupies» encartées ?
La posture d’une certaine société civile qui ne cesse d’empiler les fautes (sans s’absoudre), depuis qu’elle a trouvé en un camp politique son bélier pour défoncer les portes du pouvoir, est à regretter. Deux de nos plus illustres chantres des bonnes vertus et de la transparence, Birahim Seck et Alioune Tine, ont voulu détourner des questions qu’on pourrait considérer comme gênantes pour Ousmane Sonko. Ils ont invité, pour Birahim Seck, les journalistes à jouer leur rôle pour investiguer et éclairer les lanternes. Pour Alioune Tine, le goût du cirque et de l’enfumage poussera à convoquer la plus grande question du financement des partis politiques et éluder toutes les interrogations et faits compromettants qui renvoient à son protégé.
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Quand on prend fait et cause pour un politicien de façon aveugle et quand on fait de Twitter (X) un bureau pour penser impacter la vie publique et la marche d’une démocratie aux moyens de réflexions plates sur le bon fonctionnement des institutions, en professant des exigences dont on n’a point la hauteur, on peut comprendre la gêne que pose une exposition d’un héros politique comme un vulgaire vendu à la solde d’intérêts étrangers. J’ai relu avec beaucoup d’amusement les «Marches du Quotidien» en date de septembre 2018 où Alioune Tine professait sur la démocratie, la transparence, les libertés publiques, la sobriété dans la vie publique, la rationalisation de la politique et l’indépendance de la Justice. Que le temps peut corrompre et mettre les hommes devant leurs contradictions. Ceux qui sont prompts à appeler à des enquêtes et auto-saisine de la Justice se sont faits des carpes.
Birahim Seck, qui se voulait franc-tireur sur tous les sujets où un doute pouvait planer, ne nous a pas habitués à être aussi lent dans la détente. Pour quelqu’un qui a crié partout et n’a ménagé aucun effort pour de la transparence dans la gestion du foncier ou la distribution de l’eau en milieu rural, entre autres combats, il est évident que la protection de ressources naturelles comme le pétrole et le gaz afin d’éviter d’en faire des sources de tensions doit être une motivation suprême. De surcroît, si la vie politique risque par l’intrusion de mains étrangères d’être chamboulée. Nos saints patrons de la Société civile n’ont-ils de verve que pour les questions électorales ? Leurs coups et tirs ne sont-ils tournés que dans un seul sens du vent ? Ne se soucient-ils pas d’avoir un Sénégal souverain, sans aucune forme d’ingérence sur la gestion de ses ressources, pour penser confier le pays à des mains à la solde de quelconques intérêts ?
La contradiction des fonds «qataris» avec le discours populiste du parti Pastef
Le fait que Ousmane Sonko, leader du parti dissous Pastef, se révèle être un sombre Picsou, après plusieurs dossiers dans lesquels il est question de gros sous, trahit grandement toute la rhétorique populiste sur laquelle son camp a pu prospérer. De façon théorique, le parti Pastef s’est mis dans une logique commune à tous les populistes afin d’opposer un «Eux» et un «Nous», en s’identifiant un «peuple-Un» pour reprendre une des explications de Pierre Rosenvallon. Ce Peuple d’intègres et de vaillants «Monsieur Propre», Alioune Tine aura le toupet de clamer dans un tweet la probité angélique de Ousmane Sonko durant toute sa carrière dans la Fonction publique sénégalaise, est fait de gens de valeurs et nourris d’un souci du juste qui les met en opposition radicale avec une «élite», une «oligarchie» et une «caste» de vendus et de sorciers du fric qui se gavent goulûment des richesses de tous. Un petit rappel à Alioune Tine, son champion, inspecteur des impôts de son état, n’avait-il pas obtenu sa maison de Keur Gorgui, après une mission qu’il menait à la Sicap ?
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Ces héros des bonnes vertus tombent malheureusement dans les mêmes travers que les «porcs» qui se goinfrent d’argent public, comme ils aiment les présenter au Peuple souverain dont la vertu et l’imprégnation aux souffrances de tous ne souffrent de nul doute. Dans leur entreprise de convocation des affects pour s’assurer la sympathie du «peuple-Un», ils n’ont cessé de faire de la disqualification morale leur arme. Maintenant que tout ce qui était prêché tout haut se révèle être un vulgaire mensonge, il revient à tous de leur retourner leurs insuffisances et de les suivre jusqu’au bout pour que la mise à nu soit totale. On ne peut anticiper des conclusions des enquêtes et de l’issue des procédures contre Ousmane Sonko et tous ceux qui ont collaboré de près ou de loin à son aventure insurrectionnelle, mais le plus grand des souhaits serait qu’au bout du compte tous les ennemis domestiques du Sénégal et toutes les impostures soient mis hors d’état de nuire.
Un chantre des bonnes vertus qui vend l’avenir de son Peuple pour une fortune en banque et ne voit comme objectif ultime dans une éventuelle ascension au pouvoir qu’une spoliation des richesses et une jouissance à outrance des ors du trône est le pire des vendus. Sa meute d’insulteurs et son cercle d’obligés dans tous les secteurs de la vie publique (dont l’allégeance s’est négociée à fort billets de banque pour certains) peuvent se boucher le nez et fermer les yeux, mais leur champion pue la fraude et sa cupidité perce tout œil pour peu lucide. Le démasquer avec ses complices ne sera qu’œuvre de salut public.
Ces questions qui nous bouillonnent
Cette histoire nourrit certaines questions sur plusieurs actes posés ça et là ces dernières années, à propos du Sénégal et qui doivent pousser à plus d’éclairages. N’y a-t-il pas un média international appartenant à des pays du Golfe qui se plaît à caricaturer le Sénégal sous tous les angles et à le saigner à toute occasion ? Des reportages hostiles aux enquêtes téléguidées en passant par les saillies d’humoristes, rien n’est trop gros à jeter à la figure du Sénégal. Un autre îlot gazier du continent africain, ne voit-il pas déjà en nous un concurrent avant l’heure, qui pourrait réduire son carnet de commandes ? Plusieurs acheteurs du gaz n’hésiteraient pas à faire affaire avec le Sénégal plutôt que d’opter sur eux. Leurs accointances avec des politiciens sénégalais restent connues, bien que pour l’heure aucun acte hostile ne soit encore posé. Des sociétés militaires privées (Smp) ne sont-elles pas dans notre pays avec des équipes de veille ? Pourquoi leur présence et qui sont les clients de ses bras qui ne sont pas payés au petit jeton ?
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Un coup de poker aurait été tenté sur un temps par Ousmane Sonko et ses affidés, dopés par des fonds qui rendraient confiants tout bon joueur de hasard, ils se sont vus aux commandes et prêts à tout pour récompenser leurs bailleurs. Des lièvres commencent à sortir sur l’ampleur du complot contre le Sénégal. Comme l’enfant gâté de la République n’a pas hésité un moment et fait tapis pour l’atteinte de son objectif ultime, l’Etat sénégalais auquel aujourd’hui, plus que jamais, je fais entièrement confiance a l’obligation de jouer les cartes jusqu’au bout et de battre à blanc tous les ennemis du Sénégal, qu’ils soient ici ou ailleurs. Un enfant gâté de notre République s’est vu un destin à la Prométhée pour voler du feu (hydrocarbures) et le donner aux hommes, que la sanction de son acte foireux soit à la hauteur de sa gravité. En bon malade imaginaire, il trouvera une parade pour s’évanouir avant que son foie ne puisse être dévoré par un aigle pour s’éviter le supplice de Prométhée.
Par Serigne Saliou DIAGNE – saliou.diagne@lequotidien.sn