Le populisme est un courant politique qui prétend incarner une opposition «peuple» contre «élite». Ce courant connaît une ascension fulgurante dans le monde depuis quelques années, au regard de changements massifs intervenus dans la configuration des rapports de force politiques. Des Etats-Unis à l’Europe, en passant par l’Amérique latine et l’Afrique, de nombreux leaders ont su tirer profit du mécontentement populaire pour accéder au pouvoir ou peser sur le débat public, incarnant ainsi une ligne populiste considérée comme proche du peuple et éloignée des centres de pouvoir médiatique, économique et politique.
La montée du phénomène populiste s’explique par plusieurs facteurs : la défiance croissante envers les élites politiques et économiques, les inégalités sociales persistantes et la montée des crises (économiques, migratoires, sanitaires). Exploitant ces frustrations, les figures populistes, qui peuvent être de Gauche comme de Droite dans l’échiquier politique, se présentent comme des alternatives au système établi, dénonçant la corruption et promettant un retour aux valeurs «authentiques» du peuple.
Les figures du populisme varient en fonction des contextes. Aux Etats-Unis, Donald Trump a incarné un populisme de Droite, axé sur le nationalisme et l’hostilité aux élites médiatiques et politiques.
En Europe, des leaders comme Marine Le Pen en France ou Viktor Orbán en Hongrie jouent sur des thèmes identitaires et le registre anti-immigration. En Amérique latine, des leaders populistes comme Jair Bolsonaro au Brésil ou Andrés Manuel López Obrador au Mexique s’appuient sur une rhétorique antisystème et une proximité avec les classes populaires pour fouetter l’ego du peuple et acquérir ainsi un dividende électoral.

Le populisme dans le Sahel : un rejet des élites et des partenaires
traditionnels
En Afrique, un courant populiste a émergé ces dernières années dans plusieurs pays du champ. Le mouvement populisme sahélien se manifeste principalement dans les discours de certaines figures politiques et militaires arrivées au pouvoir à la faveur de coups d’Etat, comme au Mali, au Burkina Faso et au Niger. Ces dirigeants adoptent une rhétorique nationaliste et souverainiste, souvent anti-occidentale, surtout anti-France, qui séduit une population lassée des politiques jugées inefficaces des gouvernements précédents et désormais ouverte à un changement radical de paradigme, d’alliance, de méthodes. La pauvreté galopante, le chômage endémique, l’insécurité grandissante sont autant de facteurs qui poussent les citoyens à «oser un moment populiste» et rompre ainsi avec le classicisme des anciens régimes.
Le discours populiste au Sahel repose sur une critique virulente des élites politiques et économiques, accusées de corruption et d’incapacité à assurer la sécurité et le développement. Ce rejet s’étend également aux partenaires internationaux, notamment la France dont la présence militaire dans la région (via l’opération Barkhane, désormais dissoute) est perçue par certains comme une forme de néocolonialisme. Pour preuve, trois pays du Sahel ont rompu avec l’ancienne puissance coloniale, chassé ses troupes et lancé une nouvelle doctrine d’alliance avec Moscou. Celle-ci n’investit pas en Afrique, mais exporte des armes et des mercenaires.
La dynamique qui a conduit aux décisions spectaculaires ayant trait à l’expulsion des forces françaises du Mali et du Burkina Faso, ainsi qu’à la remise en question des accords de coopération avec l’Occident au profit d’un rapprochement avec d’autres acteurs internationaux, notamment la Russie et la Chine, reconfigure la situation géopolitique dans le Sahel et génère des incertitudes pour le futur.

Le cas du Sénégal : un populisme en mutation
Au Sénégal, le populisme prend une forme particulière, nourrie par des conditions socio-politiques spécifiques au modèle démocratique que nous sommes. Depuis l’indépendance, le pays a connu plusieurs vagues de contestations populaires, souvent portées par des figures charismatiques dénonçant l’accaparement du pouvoir par une élite politique et économique.
Mais la compétition électorale a toujours arbitré les divergences, et ce fut encore le cas lors de la dernière Présidentielle, malgré la vive tension qui a régné dans le pays entre 2021 et mars 2024.
Ces dernières années, la montée du populisme s’est accélérée, portée par un rejet croissant des partis traditionnels et des institutions jugées déconnectées des réalités du Peuple. Des leaders politiques ont su capter cette dynamique en utilisant un discours anti-corruption, appelant à une refonte du système économique et à une plus grande souveraineté nationale. Ce discours, largement relayé sur les réseaux sociaux, séduit une jeunesse en quête d’opportunités et frustrée par le chômage et les inégalités.
Le populisme sénégalais se distingue par son ancrage dans une forte mobilisation citoyenne, comme l’ont montré les contestations de ces dernières années. Il repose également sur un usage intensif des nouvelles technologies pour contourner les médias traditionnels et toucher directement la population.
Mamadou CISSE
Journaliste