C’est à se demander s’il n’y aurait pas un sosie de Ousmane Sonko déguisé en Premier ministre ce 28 novembre 2025 face aux députés avec son équipe gouvernementale. La semaine passée, sur un ton mesuré, «le meilleur Premier ministre de tous les temps» de Bassirou Diomaye Faye nous apprend qu’il n’y a pas l’ombre d’un pépin entre lui et le Président -même s’il ne travaille pas pour son patron mais pour le Sénégal-, avant de tenir des propos pleins de bon sens au sujet des magistrats et de nos Forces de défense et de sécurité. Serait-il intimidé par la solennité des lieux ? On découvre un parfait républicain…

En résumé, notre vénéré Premier ministre est méconnaissable.
C’est connu : chassez le naturel, il revient au galop. Il ne faudra pas longtemps au manitou de Pastef pour revenir à ses fondamentaux. C’est lors de la Journée des martyrs, au Grand Théâtre Doudou Ndiaye Coumba Rose, que l’on retrouve, enfin, l’original Ousmane Sonko. Devant un parterre acquis à sa cause, il nous apprend qu’il y a bel et bien un différend entre lui et Bassirou Diomaye Faye…
Conclusion hâtive : le Premier ministre raconte n’importe quoi, mais le président de Pastef est là pour le ramener dans le droit chemin.

Bien sûr qu’il faut nettoyer le Temple de Thémis : l’expurger de ses magistrats suspects et les remplacer par d’authentiques patriotes intègres et à cheval sur les règles de Droit, qui ne verraient aucun mal à sa candidature en 2029.
Bien entendu, il évoque les prochaines Locales et les Législatives pour faire joli : le Pmos n’oserait certainement pas lorgner le fauteuil de Abass Fall, arraché de si haute lutte à Barthélemy Dias, pour gérer un budget de cinquante milliards Cfa par an, encore moins le Perchoir de El Malick Ndiaye qui, lui, organise des téléconférences avec les grévistes ulcérés de l’Ucad…

Son dédain pour l’argent est proverbial, mais il faut bien qu’il en parle : depuis qu’il est Premier ministre, il ne touche pas à son salaire. Il préfère réserver un cadeau à cent millions de francs Cfa pour mars 2026 à ses militants. Comment il vit ? Sans doute d’expédients ou des cotisations de ses fidèles. Faut bien maintenir son standing, tout de même : il ne peut pas voyager en low cost, se nipper à Colobane, ou se balader en «Deuche»…

Ses ouailles se suicideraient en masse, s’il osait tomber de son piédestal !
Bref, Ousmane Sonko, après une éclipse d’une semaine, est de retour avec fracas pour répondre aux allégations du Premier ministre de la semaine précédente. Nous ne nous attarderons pas sur l’abrogation de la loi d’amnistie devenue taboue, ni sur les remarques mesquines qui fusent sur les réseaux sociaux scrutant à la loupe les prix du bolide dernier cri dans lequel il entre en scène, encerclé par sa garde prétorienne, ni sa veste et ses godasses du dernier chic qui volent la vedette à ses diatribes.

On voudrait qu’on n’en aurait pas même le loisir… Y’a donc pas moyen de s’ennuyer avec Pastef ?
Cette semaine-ci, c’est la ministre de la Famille et d’autres trucs, Maïmouna Dièye, qui est en haut de l’affiche, valsant d’énormités en énormités.
On peine déjà à oublier sa saillie à propos des accusations concernant Abass Fall dans la sulfureuse affaire de l’Aser à laquelle Thierno Alassane Sall consacre son temps, son énergie et tout son savoir. Maïmouna Dièye ne fait pas dans la dentelle pour défendre le camarade de parti soupçonné d’indélicatesse : même s’il est coupable, «(mô) tèye !», nous crache-t-elle à la figure.

Avant cela, à la mairie de la Patte d’Oie, elle laisse derrière elle un imbroglio avec ses conseillers de neuf millions de francs Cfa, à propos des soutiens aux familles catholiques à Pâques. Puis, il y a cette affaire de sinistrés de Bakel, qui devraient siffloter gaiement depuis l’an dernier : huit milliards d’authentiques francs Cfa leur auraient été distribués selon le ministre de l’Hydraulique Cheikh Tidiane Dièye, par les services du ministère de la Famille et d’autres machins, comprenez sous la férule de Maïmouna Dièye. Ben non, un maire des environs, entre autres, après avoir demandé à ses administrés, est catégorique : pas trace du moindre fifrelin. Je soupçonne ses électeurs de lui faire des cachotteries pour bouffer à plusieurs râteliers…

Quoi qu’il en soit, jusqu’à présent, mystère et boule de gomme.
Si ce n’était que ça… La semaine passée, dans l’euphorie de la journée des «martyrs» de Pastef, devant le parterre des militants enflammés de la rupture révolutionnaire en marche, la bonne dame s’épanche pendant que le président de son parti, Premier ministre à ses heures perdues, regarde fixement le bout de ses belles godasses : c’est dans le budget du ministère que madame la ministre puise pour voler au secours de l’armée d’éclopés que sont devenus les farouches défenseurs de cette arlésienne appelée depuis 2014 «Le Projet».
Madame la ministre de la Famille etc. a des relations psychédéliques avec l’argent.

Bien entendu, le sang des puristes de la bonne gouvernance ne fait qu’un tour. Ben, parti comme c’est, avec Maïmouna Dièye comme ministre de la République, on n’a pas fini de passer par toutes les émotions, vous pouvez me croire.

Elle se défendra avec aplomb devant les députés quelques jours plus tard, prévoyant même une descente en règle de la Cour des comptes qu’elle attend de pied ferme.

Défense de ricaner !
Le clou du spectacle de la semaine a toutefois lieu devant les députés : Maïmouna Dièye, dans un bel élan de miséricorde et de compassion à l’endroit des Sénégalais, pour justifier la distribution d’indemnités à ses militants dans le besoin, s’autoproclame «la maman de tous les Sénégalais».

Je ne sais pas vous, mais pour moi, perdre sa mère est déjà pénible ; s’il faut ensuite entendre à la télé cette bonne femme haute en couleurs nous annoncer que c’est elle maintenant qui en revendique la place, ça n’a pas de nom…

On se sent insulté pour moins que ça.
Ceci dit, au moment de ces agapes autour des martyrs, j’ai une pensée triste pour les deux jeunes filles mortes brûlées vives dans un bus attaqué par des assaillants encagoulés qui, après avoir rançonné les passagers, ont jeté un cocktail Molotov dans le véhicule et se sont enfuis.

Je suis persuadé que personne à Pastef n’ose encore aller rencontrer leurs parents pour partager avec eux l’indicible douleur.
Ce serait trop monstrueux ?
Par Ibou FALL