Par Mohamed GUEYE

Les autorités sénégalaises ont tout le temps, jusqu’au début de la campagne électorale, pour se féliciter de l’entrée en service de la route Ila Touba qui relie par autoroute (à péage ?) la capitale du Mouridisme aux grandes agglomérations du littoral, en passant par Thiès. Cette offre de mobilité, diront-elles, vient s’ajouter au Train express régional (Ter) qui également devrait être bientôt livré. Il ne s’agit pas dans cet article d’énumérer toutes les voies de communication réalisées sous le magistère de Macky Sall, mais plutôt de montrer que les efforts accomplis en matière de dotation en infrastructures auraient été plus porteurs s’ils avaient été poursuivis en termes de communication également.
L’un des domaines où la communication de l’Etat a grandement besoin d’être corrigée et réorientée est celui de la production agricole, en particulier celui du riz. A toute occasion, le gouvernement tympanise ses interlocuteurs pour leur assurer qu’il a quasiment réalisé l’autosuffisance en termes de production rizicole, en citant des statistiques impressionnantes. Malheureusement sur ce point, la réponse à ceux qui lui font remarquer que cette forte production déclarée n’a pas permis de changer les habitudes de consommation des Sénégalais, tout simplement parce qu’ils ne voient pas ce riz, n’est pas bonne.
Si les détracteurs ne sont pas accusés de mauvaise foi, on les traite d’opposants poursuivant des objectifs cachés. Cela aurait pu passer si, à côté, de manière pragmatique, le gouvernement s’intéressait de manière efficace aux failles de son système. Il est tout de même assez surprenant que l’Etat mette des milliards de francs Cfa, notamment dans le Programme national d’autosuffisance en riz (Pnar), ainsi que dans le Pracas, et qu’il ne s’inquiète pas que la majorité des citadins sénégalais continuent de consommer du riz importé. Cette vérité est indéniable et s’illustre par les statistiques des importations de riz qui ne cessent de croître d’année en année.
La réalité est bien là. Les chiffres de production du riz, notamment dans la Vallée, ont dépassé les 500 mille tonnes de riz décortiqués. Même les producteurs le reconnaissent. Et il est vrai également que lesdits producteurs n’ont quasiment pas de soucis pour écouler leur marchandise, mais tout cela se fait au dos de l’Etat et du contribuable sénégalais.
Le riz sénégalais est fortement subventionné dans sa production, comme tout le monde le sait. Le gouvernement a mis en place des facilités pour l’obtention des engrais, pour la fourniture en semences de qualité, et même pour réduire la facture d’énergie en ce qui concerne les périmètres irrigués. Mais tous ces efforts n’ont pas eu de pendant dans la distribution et la commercialisation. Les incitations pour encourager les gros commerçants à privilégier le riz local dans leur distribution n’ont eu qu’un effet des plus marginaux. Conséquence, une très grande partie du riz local sénégalais se vend sur les marchés mauritaniens, maliens et même gambiens. Ce qui est tout à fait explicable. Avec toutes les subventions qui l’on allégé, ce riz est sur ces marchés plus compétitif que le riz de Siam ou de Chine, de qualité nutritive bien moindre. Et il s’arrache chez les voisins du Sénégal. Et les consommateurs sénégalais, sevrés, continuent de se gaver du riz bas de gamme des pays asiatiques, en continuant de creuser son déficit de la balance commerciale.
Si le gouvernement sénégalais avait une politique commerciale aussi volontariste que sa politique agricole, ses résultats économiques seraient tellement palpables qu’il n’aurait pas besoin de s’entourer de nombreux communicants, dont on se demande tous les jours à quoi ils lui servent, au vu des résultats de leurs prestations.
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