Faut-il vraiment épiloguer sur la déclaration de guerre du nouveau régime à la presse qu’il considère comme hostile ? Ça fait bien longtemps que Pastef insulte la presse… Déjà, quand Ousmane Sonko publie un bouquin sur le pétrole il y a de cela des années, l’explication qu’il fournit est frappée au coin du bon sens : la presse corrompue ne faisant pas son travail, il se fait un devoir d’y remédier…

Et puis arrive le temps des «affaires» : à part quelques supplétifs qui défendent l’indéfendable, les journaux normaux relatent et commentent les faits… Crimes abominables !

Et puis arrive Pastef au pouvoir par un tour de prestidigitation de Macky Sall, qui file après à Marrakech, sans demander son reste. Le Président Bassirou Diomaye Faye, qui ne daigne pas même répondre aux demandes d’audience du président du Conseil des diffuseurs et éditeurs de la presse sénégalaise, le Cdeps, préfère recevoir la Convention des jeunes reporters (Cjrs) pour leur expliquer à quel point les patrons de presse sont de vulgaires malfrats qui arrosent leur couscous avec la sueur des pigistes…

Le ministre de la Communication ne fait que suivre benoitement la voie indiquée par ses patrons. Il tient à son maroquin, qu’alliez-vous bien croire ?
Allez, passons aux choses sérieuses…

Comme prévu, pour cette législature, la rentrée est d’une inquiétante banalité… Personne ne monte sur les tables ni ne confisque les urnes, aucune femme n’est tabassée ; bien au contraire, il y en a une qui préside son groupe parlementaire, une première ; on voit même Amadou Ba poser avec le sourire à côté de l’honorable Bara Ndiaye… Tout le résumé de cette législature : imaginez d’ici l’analyse du budget d’un inspecteur des Finances, devenu Directeur général des Impôts et domaines, ministre des Finances, ministre des Affaires étrangères, puis Premier ministre présidentiable, qui va devoir croiser le verbe sur cette épineuse question avec un marchand de gris-gris…

A quelque chose malheur est bon : ça peut croire que durant cette législature, aucun député de l’opposition n’exhibera son caleçon…

Allez, un peu de glamour, avec l’entrée remarquable de l’honorable Anta Babacar Ngom, députée non inscrite, tout de blanc vêtue, traversée par l’écharpe, qui pose pour l’immortalité en lissant délicatement sa coiffe… Amy Sarr Fall, l’icône féministe du développement personnel, s’en remettra-t-elle un jour ?
Sans doute une belle illustration de la «rupture» : c’est le Premier ministre Ousmane Sonko, et non le Président Bassirou Diomaye Faye, qui l’annonce le jour de l’installation de la nouvelle Assemblée… Le président de Pastef reste à la Primature parce que le Président Diomaye aurait encore besoin de lui à ses côtés. Le Pmos, qui aime vivre dangereusement à n’en pas douter, doit se sentir bien confiant pour céder un mandat de cinq ans à l’Assemblée nationale, histoire de garder le poste qui ne le met pas à l’abri d’une saute d’humeur présidentielle.

Je dis ça, je dis rien…
Certes, le score de son hétéroclite liste aux Législatives du 17 novembre 2024 conforte l’idée la plus répandue : c’est Ousmane Sonko qui fait élire Diomaye en mars 2024… Même si le camp présidentiel perd quatre-cent mille voix en sept mois, le raz-de-marée au sein de l’Hémicycle noie ce détail devenu aussi insignifiant que la menue monnaie des caissières d’Auchan, rendue via un minuscule bout de papier avec le logo de la maison.

Au final, un Bureau de l’Assemblée monocolore, malgré les protestations pleines de courtoisie de Aïssata Tall Sall, présidente du Groupe parlementaire Takku Wallu au sein duquel la tête de liste Macky Sall ne siègera pas.
Robert Bourgi, certainement dans le secret des dieux, nous apprend d’ailleurs que l’ancien Président est nostalgique de son pays natal. Macky Sall va-t-il nous jouer la tragédie du Président errant à la Mobutu ?

Dans la foulée, Bourgi révèle son entretien récent avec Amadou Ba, qu’il tentera de persuader de se retirer de la politique et se mettre au service de son pays «en accompagnant ses petits frères». Comprenez le tandem Ousmane Sonko et Bassirou Diomaye Faye, ses anciens étudiants. C’est si touchant, mais allez expliquer aux élèves qui rétament aux élections leur prof deux fois de suite en une seule année qu’ils ont encore besoin de ses lumières…

Nous voici donc dans une République dont le Président occupe manifestement à contrecœur le Palais, parce que son Premier ministre, après coup, en décide ainsi, alors qu’ils se trouvent tous deux au fond d’une geôle, que leur parti est dissous, que leurs avocats n’espèrent plus les sortir de ce traquenard…

Et le miracle survient.
C’est toujours Robert Bourgi qui nous éclaire : Macky Sall, illuminé par la Pierre Noire de la Kaaba, et sans doute entendant les voix de quelques archanges arabophones, a un flash… Ces braves messieurs de Pastef, qui lui réservent le sort de Samuel Doe au plus fort de leurs délires, seraient d’innocents patriotes follement amoureux de leur pays, des démocrates invétérés injustement accusés des péchés d’Israël par les faucons de son entourage, qu’infiltrent les charognards impatients de le dépecer à la fin de son règne.

Macky Sall, dans un moment de sainteté absolue, donc, prépare depuis le fond de sa cervelle bénie le fameux protocole du Cap Manuel dont tout le monde parle mais que personne ne voit jusque-là.

En clair, tous les fanfarons qui se targuent d’être la source du miracle de l’avènement de Pastef et se font des films d’honneur pour ce quinquennat peuvent remballer leurs bobines : le miracle du 24 mars 2024 est l’affaire du seul Dieu tout-puissant qui remet le Sénégal dans le droit chemin.

C’est ainsi qu’une autre guéguerre commence : les lobbyistes amateurs du genre Machin Yara et Truc Atépa devront faire de la place à une icône de la Françafrique, Robert Bourgi, prospère avocat parisien dont la, euh, sénégalité ne fait aucun doute, un virtuose de l’influence qui tutoie du chef d’Etat depuis plusieurs décennies…

Tout ça est dernière nous : pendant que El Malick Ndiaye s’installe au Perchoir, et que Ousmane Sonko continue de prendre ses aises au Petit Palais, le président Bassirou Diomaye sort de sa torpeur pour demander aux p’tits soldats français de remballer leurs paquetages et retourner d’où ils sont venus, au nom de la souveraineté du Sénégal. Faut-il s’inquiéter de l’identité du pays qui nous fournira armes et munitions pour conserver intacte l’intégrité de notre territoire et maintenir l’ordre dans les rues sénégalaises ?

C’est vrai que quand vous sentez le pétrole et le gaz, ce ne sont pas les pompiers qui vont manquer pour voler à votre secours et vous fourguer des armes à feu.

Et c’est à l’occasion de la commémoration du massacre de Thiaroye, le 1er décembre 1944, c’est-à-dire une affaire franco-française, que le Président sénégalais choisit d’exprimer le choix souverain du Sénégal. En un mot comme en cent, le Sénégal veut voir déguerpir les bidasses français, exige que la lumière soit faite sur cette page sombre de l’histoire de France qui a le chic de se dérouler en territoire conquis.

Bien entendu, sous peu, les Sénégalais auront quelque peine à obtenir un visa pour la France, surtout quand il s’agira d’aller se faire soigner ou d’envoyer ses enfants poursuivre leurs études supérieures. Et si les coucous qui emmènent vers l’Hexagone les derniers représentants de l’occupation nous ramènent par charters surchargés nos émigrés, il faudra comprendre que c’est aussi cela la souveraineté : exiger que les enfants du pays ramènent leurs fesses pour arroser le baobab Sénégal 2050. Et défense de ricaner !

Vous voulez mon avis ? Je vous le donne quand même : cette semaine, le Président Bassirou Diomaye Faye vient de convaincre les Français encore hésitant de voter Marine Le Pen à la prochaine Présidentielle. Jean-Luc Mélenchon, le pote au Pmos, va adorer…