Le sommet Afrique-France, qui s’est tenu cette semaine, est une grande première dans l’histoire des relations franco-africaines. C’est pour la première fois dans les annales de l’histoire africaine qu’un Président français fait face à une jeunesse africaine, lui tend une oreille attentive patiemment et s’adonne à de fructueux échanges sur un éventail de sujets d’actualité. Ainsi, du colonialisme à l’esclavage en passant par la brûlante question monétaire du Cfa et les interventions de la France en Libye et au Mali, presque tout était sur le menu. Nonobstant le scepticisme, les appréhensions et les spéculations qui vont faire feu de tout bois dans les réseaux sociaux ces semaines, mois ou années à venir, nous jugeons que le jeu de série de questions en valait la chandelle des réponses directes et parfois réfléchies. Cela va sans dire que tout sommet d’une ancienne puissance coloniale et son ancienne colonie peut faire l’objet de levées de boucliers, de balivernes, de quiproquos qui tiennent parfois lieu de l’état psychologique de la profondeur des blessures coloniales vécues. A travers cette contribution, nous ne nous étendrons outre-mesure sur le contenu de ce sommet, mais nous essayons plutôt d’en donner un sens et en tirer un très court bilan.
Quel sens donner à ce sommet Afrique-France ?
Nous ne devons pas perdre de vue que la France, plus que l’Afrique, avait besoin d’un sommet d’une telle envergue pendant très longtemps. Pour la simple raison qu’avant, durant et après 1960, beaucoup d’eau avait coulé sous les ponts dans les relations entre l’Afrique et la France. Par exemple, de politiques intérieures d’immigration forcées déportant pas mal d’Africains vers leurs pays d’origine, de discriminations d’Africains dans l’emploi et dans l’habitat sur le sol français, jusqu’aux massacres de noirs sur le même sol français, la France était déjà entrée dans une phase de dépression très aiguë. En sus, avec la recrudescence de politiques extérieures d’ingérence et d’invasion d’Etats souverains en l’occurrence la Lybie, le Mali, la République française était presque au bout de la schizophrénie. Elle avait fondamentalement besoin de ce sommet comme une sorte de séance thérapeutique digne de Freud pour exorciser les blessures psychologiques de la colonisation et de l’esclavage qui pèsent lourdement sur sa conscience historique. Pour ce faire, il fallait avoir un jeune charismatique du nom de Emmanuel Macro pour s’acquitter de cette tâche au nom la France et un brillant intellectuel africain du nom de Achille MBembé pour plaider pour le continent africain. Timidité ou volonté délibérée de ne pas décevoir ses pairs, ce refus catégorique de Achille MBembé de ne pas vouloir tenir le crachoir pour partager avec l’audience le peu de choses concoctées dans le rapport soumis au Président Macron en dit long sur la complexité qui entoure la relation Afrique-France. Tout compte fait, il faut cependant reconnaître à ces deux hommes leur témérité et leur volonté d’écrire de nouvelles pages dans cette relation Afrique-France. Au regard des projecteurs et de l’enthousiasme de l’audience, tout porte à croire que ce dialogue semblait être facile pour le chef de l’Etat français, mais au tréfonds de sa conscience, le poids historique pesait très lourd sur ses épaules frêles. Autrement dit, le poids d’écouter l’Afrique, à travers sa jeunesse, de refouiller les poubelles de l’histoire coloniale française pour ensuite croiser le fer avec cette armée de jeunes femmes et d’hommes qui osaient dire des choses que la plupart des dirigeants africains ne diraient jamais publiquement fut une difficile pilule à avaler. Jamais un chef d’Etat français n’a-t-il eu ce courage, cette témérité et cette capacité d’écoute très rare chez les puissances mondiales. Ne serait-ce que sur le plan symbolique, l’homme Macron aura déjà inscrit son nom dans les annales de l’histoire africaine et celle-ci le jugera plus positivement que tous les autres présidents français.
N’en déplaise au qu’en-dira-t-on, il nous semble que ce sommet fut également une séance thérapeutique pour l’Afrique pour avoir chargé à une partie de sa jeunesse d’exprimer sa colère contre la France et nommer les maux auxquels l’Afrique a eu à faire face depuis fort longtemps. Il nous semble que nommer les choses est un acte à caractère thérapeutique pour l’Afrique pour mieux se soigner des séquelles des blessures psychologiques du colonialisme exacerbées récemment par le discours raciste prononcé par Nicolas Sarkozy à Dakar en 2008.
Quel bilan faut-il en tirer pour ce sommet ?
A bien l’analyser et à bien le comprendre, ce sommet Afrique-France a été une belle réussite sur le plan de la forme. Au fond, malgré tous ces efforts consentis pour réclamer de nouveaux paradigmes dans la relation Afrique-France, ces jeunes africains se sont malheureusement trompés d’interlocuteur dans une illusion d’optique. Ils ont certes bien mené leur barque de revendications à bon port, mais il se trouve que cette barque navigue souvent dans des eaux troubles d’appareil judiciaire et de règlementations étatiques qui échappent souvent au contrôle du chef de l’Etat français, Macron. Comme Obama d’Amérique, le Macron de cette République française est bon et veut faire du bien avec l’Afrique pour le compte de la France, mais il n’as pas le pouvoir car le vrai pouvoir, ce n’est pas le pouvoir, mais ce sont les forces qui entourent le pouvoir.
Pour faire simple, les propos de l’ancien chef d’Etat français, Charles de Gaulle, tombent comme un couperet et semblent trahir cette volonté pour la France de repartir sur des nouvelles bases : «Les Etats n’ont pas d’amis ; ils n’ont que des intérêts.»
La question est de savoir si ces propos qu’on attribuerait à Charles de Gaulle résisteraient au test du temps ou non pour enfin valider cette volonté pour la France de repartir sur de nouvelles bases avec l’Afrique ?
A word to the wise !
Dr. Moustapha FALL,
Enseignant-Chercheur,
UGB