Le syndrome de Médée ou l’art de sacrifier ses propres enfants pour se venger de son conjoint !

Ce dimanche 24 août 2025, dans le village de Kantène sis à moins de cinq (5) kilomètres de la commune de Ziguinchor, s’est produit un drame inouï et sans précédent, ayant défrayé la chronique et occupé les unes de tous les journaux de la place. Il s’agit d’un crime passionnel commis par un père de famille âgé d’environ cinquante (50) ans qui, sans être gêné aux entournures, a décidé de s’immoler par le feu avec ses deux enfants dans une des chambres de la maison. Ces derniers, une fille âgée de treize (13) ans et un petit garçon de trois (3) ans, ont péri dans cette entreprise maléfique à la suite d’importantes brûlures sur l’ensemble de leurs corps.
Ce bourreau de père, lourdement affecté et émotionnellement accablé par une demande de divorce formulée par sa douce moitié, et malheureusement n’ayant certainement pas bénéficié d’une prise en charge psychosociale adaptée, a commis un «crime de lèse-majesté» en emportant avec lui ses deux enfants. En effet, ce père indélicat pouvait bel et bien fignoler un suicide, à la cloche de bois, en mettant fin à ses jours tout en épargnant la vie de sa progéniture. Dans ce cas de figure, son acte aurait été interprété basiquement comme un suicide au sens premier du terme, et sa petite famille (sa femme et ses deux enfants) en serait peu ou prou affectée. A contrario, il a préféré commettre un filicide en s’immolant avec ses deux enfants. Ce deuxième élément (brûlures et mort des enfants) reste constitutif de la trame de la psychose suscitée par ce drame. Dès lors, la problématique qui se pose avec acuité est d’élucider les mobiles qui l’ont poussé à porter son choix sur ses enfants (infanticide) plutôt que sur sa femme (uxoricide ou conjugalicide). Mystère et boule de gomme !
A l’analyse, il s’avère qu’une réponse à cette énigme corroborerait la thèse selon laquelle ce bourreau a perpétré cet acte odieux pour atrocement faire mal à sa femme tout en échappant à la vindicte populaire et à la Justice. Ce modus faciendi n’est ni nouveau ni ex nihilo, il est aussi vieux que le monde, car assimilé au prodrome du «syndrome de Médée»!
Ce syndrome provient d’une rupture conjugale brutale, non négociée ou mal préparée. Il peut se manifester de plusieurs manières, parce que l’objectif du/de la conjoint(e) se caractérise par une volonté de faire mal à l’autre (son ex) par le truchement des enfants utilisés comme instruments de vengeance : rendre inaccessibles les enfants, les maltraiter ou les éliminer physiquement, utiliser la violence verbale pour éloigner le conjoint… Dans les familles polygames par exemple, une femme peut se transformer en bourrelle (marâtre) en usant de la violence exercée sur les enfants de sa coépouse dans une perspective vindicative… Souventes fois, les femmes s’illustrent de fort belle manière en ravissant la vedette aux hommes dans l’utilisation de ce modus operandi. Elles aiment se goberger et restent enclines à utiliser cette méthode vengeresse (le mythe de Médée).
Mais diantre ! Qui a été Médée ?
Une incursion dans la psychopathologie révèle que son portrait ou profil psychosocial est décrit par la mythologie grecque. En effet, par amour pour Jason, Médée décida de trahir son père (Eétés, roi de Colchide et fils du dieu Soleil, Hélios), de tuer son frère (Apsyrtos), avant de s’enfuir avec son amour (Jason) à Corinthe. Coup de massue ! Jason décida d’épouser une fille (Glaucé) du roi Créon (roi de Corinthe). Considérée sinon comme un rodomont, du moins comme affiliée à une race de pestiféré, Médée est exilée et confinée à la périphérie du royaume où elle vécut seule avec ses deux fils. Le roi Créon et Jason lui rendirent souvent visite, le premier pour des soucis de justice et d’humanité, le second parce qu’il se considéra comme le père de ses enfants.
Et après, adieu, veau, vache, cochon, couvée ! Médée réussit à éliminer la jeune fiancée (Glaucé) en lui envoyant des cadeaux empoisonnés (une robe et des ornements qui la brûlèrent), ensuite elle commit un régicide en tuant le roi Créon (qui se fut calciné en essayant de sauver sa fille Glaucé), avant d’égorger ses deux propres enfants nés de Jason son amant, uniquement pour faire souffrir ce dernier et détruire le dernier lien qui l’unit à sa famille ! En accomplissant cette entourloupe exécrable, elle devint l’une des membres du cercle œcuménique des ingénieurs du chaos.
Le syndrome de Médée, considéré à tort ou à raison comme une aporie, nous rappelle la nécessité d’être attentif, prévoyant et proactif à chaque fois qu’il y a velléité de séparation entre conjoints. Cette proactivité dans la prévention des violences fait la promotion de l’application de l’un des principes directeurs édictés par la Convention internationale des droits de l’enfant (Cide) : l’obligation de préserver la vie, la survie et le développement de l’enfant. Les acteurs communautaires de première ligne doivent obligatoirement prendre des mesures salvatrices et roboratives au profit des enfants dans des situations de rupture conjugale conflictuelle, pour parer au plus pressé et faire face à la diagonale du pire. Qui plus est, la conjugopathie semble la cause principale de la plupart des suicides et meurtres dans les couples, puisque dans ce contexte, les époux demeurent conjugicides (L’Encéphale, journal de psychiatrie, 1971). Quant aux juges, dans une démarche symbiotique, leur collaboration avec les travailleurs sociaux, véritables objecteurs de conscience (jouant le rôle de médiateurs familiaux), constitue une nécessité on ne peut plus avérée. En effet, le travail social, instrument de maîtrise de la sociologie et de la psychologie communautaires, propose une panacée contre l’éviscération familiale qui fait partir en vrille les droits des enfants. Ainsi, l’accent doit être mis sur une démarche socio-affective qui confère une présomption d’innocence à «l’Homme» au sens naturel du terme -l’homme est naturellement bon, il n’est pas né méchant, mais c’est la société qui l’a corrompu (J.J. Rousseau)-, contrairement à une approche pénaliste prompte à condamner, sanctionner et faire passer les fautifs au scalpel de la loi. Même si force est de constater qu’errare humanum est, perseverare diabolicum (Saint Augustin).
En prônant ces mesures de proactivité et de prévention, loin de nous l’idée de jouer les cassandres, mais plutôt d’anticiper les comportements abrasifs et spleenétiques qui caractérisent les sociétés défaillantes (Anton Tchekhov) et donnent de l’urticaire à l’ensemble des acteurs de la protection. Autrement, nous continuons de toujours jouer à la roulette russe au détriment de la cohésion familiale.
Serigne Mapathé SAMB
Educateur spécialisé
Docteur en gestion de projets
Chef du Service départemental de l’action sociale de Bignona
samb1976@live.fr