Posts très courts, de quelques lignes à peine sur les réseaux sociaux, qui prennent les allures de communication sensationnelle ou de révélations messianiques, teintés de pseudo-science non maitrisée, voilà ce dont sont friands les manipulateurs de masses. Cela n’est pas de la science, c’est la rhétorique des pervers ou de psychopathes. L’approche scientifique d’un phénomène nécessite, pour être correctement appréhendée, un long travail de recherche et d’écriture. Notamment lorsqu’il s’agit de démonter un ramassis de mensonges éhontés qui mettent en danger des vies humaines. Un article précédent, publié par le site Seneplus et signé par moi-même, concernant le fait que l’avortement médicalisé doit être autorisé au Sénégal, faisait déjà une mise au point et démontait très rapidement certains points totalement faux et des emprunts au racisme d’extrême droite française visant la fécondité des Africaines, énoncés par des personnes malveillantes et assez mal informées. Notre présent article, s’inspire d’écrits, lus et révisés par plusieurs scientifiques qui interviennent dans le champ de la santé mentale et qui prennent en charge sur le plan clinique et de la recherche ces questions. Il vise une nouvelle fois à démontrer que l’argumentaire pseudo-islamiste et pseudo-scientifique est faux.
Dans leurs supports de communication, il est mentionné un «syndrome abortif» qui n’existe que pour les activistes anti-avortement complétement délirants et hors réalité, des années 80. Or entre temps la science a évolué et des méta-analyses sur le sujet ont été menées. La conclusion à laquelle la plus importe d’entre elles est arrivée est que ce «syndrome» n’existe pas et c’est pourquoi on ne le retrouve ni dans le DSM V (Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux, 5ème édition), publié en 2015 par l’American psychiatric association, ni dans la CIM 11 (Classification statistique internationale des maladies et des problèmes de santé connexes, 11ème version), publiée en 2019 par l’Oms, et qui rentre en vigueur en 2022. Ce sont les deux bibles scientifiques qui font référence mondialement dans le classement statistique des symptômes et syndromes psychiatriques pour l’établissement de diagnostics et qui donnent la norme internationale pour l’évaluation de la santé mentale. Toute la communauté scientifique internationale a rejeté non seulement l’existence d’un tel syndrome et encore davantage le rapprochement qui voudrait être fait entre ce pseudo-syndrome et le syndrome de stress post-traumatique qui, lui, existe bel et bien, notamment en matière de viol et d’inceste.
C’est aussi dans cette perspective que le rapport «santé mentale et avortement», de 2008, de la Task-force de l’Amercian psychological association (TFMHA), composée de membres tous de niveau PhD minimum (plus haut degré de diplomation universitaire), devait répondre à quatre principales questions. Ces questions sont les suivantes :
– L’avortement nuit-il à la santé mentale des femmes ?
– Quelle est l’ampleur des problèmes de santé mentale chez les femmes qui ont avorté aux Etats-Unis ?
– Quel est le risque relatif de problèmes de santé mentale associés à l’avortement par rapport aux autres solutions (autres mesures qui pourraient être prises par une femme enceinte dans des circonstances similaires) ?
– Existe-t-il des éléments prédictifs de la variation individuelle des expériences psychologiques des femmes après l’avortement ?
Les conclusions dudit rapport indiquent que pour la première question, elle n’est pas scientifiquement testable d’un point de vue éthique ou pratique. Ainsi donc on ne peut répondre ni par oui ni par non de manière décisive car l’élément fondamental à prendre en considération est que l’avortement n’est pas un événement unitaire, mais englobe une diversité d’expériences. Et c’est dans cette perspective qu’une revue complète de littérature a été menée, sur des articles scientifiques à comité de lecture (niveau de validation scientifique par les pairs le plus élevé dans le monde scientifique universitaire), de la période 1990 à 2007, pour statuer sur ces questions. Il en ressort, parmi les études dont la méthodologie est la plus rigoureuse, que par rapport aux femmes qui ont accouché, les femmes qui ont subi un avortement avaient des taux plus faibles de décès directement liés à la grossesse ainsi qu’un risque très largement réduit de développer des troubles psychiatriques. Cependant, en Finlande notamment, on retrouve un taux plus élevé de mort violente (y compris les accidents, les homicides et les suicides) chez les femmes ayant avorté par rapport aux femmes ayant accouché. Cette constatation corrélative est cohérente avec d’autres données. En effet, il existe un risque de violences plus élevé dans la vie des femmes qui ont avorté et souligne l’importance de contrôler l’exposition à la violence dans les études sur la santé mentale. Toutefois, les études ont démontré la nécessité de prendre en compte le désir ou le non-désir des femmes de mettre au monde un enfant, comme facteur aggravant de problématiques psychologiques voire même de problématiques de lien avec l’enfant. Ainsi, 90% des grossesses qui sont interrompues ne sont pas désirés contre seulement 31% de celles menées à terme. De plus, le risque d’avortement unique ou multiple est concomitant avec des problèmes de santé mentale mais sans doute aussi avec des problèmes psychosociaux parmi lesquels des violences systémiques contre les femmes. Ainsi retrouve-t-on un pourcentage de 22% de dépression chez les femmes tout venant en 1992 contre 23% chez les femmes ayant avorté une seule fois. Ce chiffre monte à 31% mais se relativise par les conditions de vie des femmes qui, d’une part, provoquent des atteintes psychiques de type syndrome anxio-dépressif et qui, de l’autre, se retrouvent avoir la nécessité de plusieurs avortements au cours de leur vie, notamment en raison de leur exposition à des violences à caractère sexuel (viols, incestes, etc.).
En tout état de cause, la Tfmha n’a pas obtenu de preuves suffisantes pour soutenir l’affirmation selon laquelle il existerait une association observée entre les antécédents d’avortement et les troubles mentaux. Comme il a été observé tout au long dudit rapport, les grossesses non désirées et les avortements sont liés à des conditions préexistantes (ex : la pauvreté), à des circonstances de vie (exposition à la violence, abus sexuels), à des comportements problématiques (ex : la consommation de drogues) et à des caractéristiques de la personnalité (ex : le style d’évitement pour faire face aux émotions négatives) qui peuvent avoir des effets négatifs profonds et durables sur la santé mentale. Les différences de prévalence des problèmes de santé mentale ou des comportements problématiques observés entre les femmes qui ont subi un avortement et celles qui n’en ont pas eu peuvent s’expliquer principalement par ces différences préexistantes et permanentes entre les groupes.
Les études les plus solides sur le plan méthodologique ont montré que les préoccupations interpersonnelles, notamment les sentiments de stigmatisation, le besoin perçu de secret, l’exposition à des manifestations anti-avortement et le faible soutien social perçu ou anticipé pour la décision d’avorter, affectent négativement le vécu psychologique des femmes après l’avortement. Les spécificités psychologiques constitutionnelles de la femme permettent également de prédire des expériences psychologiques plus négatives après un avortement du premier trimestre. Il s’agit notamment des antécédents de problèmes de santé mentale, des facteurs de personnalité, une faible estime de soi et un faible contrôle perçu sur sa vie, le recours à des stratégies d’évitement et de déni, une ambivalence à l’égard de la décision d’avorter, une faible perception de la capacité à faire face à l’avortement avant qu’il ne se produise, ainsi que l’utilisation de stratégies d’évitement et d’intimidation extérieures. Plus généralement, dans l’ensemble des études, la santé mentale antérieure est apparue comme le facteur prédictif le plus fort des réactions post-avortement (Major et al., 2000). Le type de procédures d’avortement, du moins celles utilisées au premier trimestre, ne semblent pas être liées au bien-être psychologique ou à la qualité de la santé mentale. Enfin le rapport conclu qu’il est important de travailler sur des recherches qui permettent de comprendre davantage les conditions de ces grossesses non désirées et d’améliorer l’accès à l’avortement légal et médicalement encadré et surtout d’améliorer les conditions de vie des femmes.
De plus, le taux d’avortements volontaires en Europe est parmi les moins élevés au monde, sans doute aussi lié à une politique de contraception extrêmement bien menée et une ligne de crédits suffisante pour que toutes et tous puissent y avoir accès sans entrave. Ainsi, «la Suisse, la Belgique, la Hollande et l’Allemagne ont des taux d’avortement parmi les plus bas du monde, c’est-à-dire en dessous de 10 pour 1000 femmes en âge de reproduction» Bianci-Demichelli, 2007, «Conséquences psychiatriques et psychologiques de l’interruption de grossesse», in Revue médicale Suisse, n°98, ISSN: 1660-9379. Sur les 46 millions d’avortements annuels au monde, 78% ont lieu dans les pays en voie de développement et 22% dans les pays développés. Même sur la thématique de l’avortement nous étalons notre misère à la face du monde et nos médias donnent en plus du crédit à des menteurs et des haters. Triste Sénégal ! Dans ces pays développés, dans lesquels la procédure est légale, le taux de mortalité due à une interruption de grossesse (IG) est de 0.2 à 1.2 décès pour 100000 IG. Dans les pays sous-développés le ratio est estimé à 330 décès pour 100000 IG. «Environ un tiers des femmes qui subissent des avortements à risques développent des complications, alors que moins de la moitié reçoivent des soins.» (Idem) De plus, de nombreuses recherches pointent le fait que dans les pays où l’avortement n’est pas légalisé, le nombre d’abandons d’enfant est très important : entre 12 et 17% des enfants nés. Ici au Sénégal, se rajoutent, aux enfants abandonnés voire en errance dans les rues (qui est une forme d’abandon par les parents, manne énorme pour les esclavagistes d’enfants et violence d’Etat à leur endroit car l’Etat leur doit la protection), ceux que l’on jette à la poubelle : 18 fœtus ont été ramassés dans la plus grande décharge à ciel ouvert du Sénégal, Mbeubeuss. A cela se rajoutent encore d’autres enfants sacrifiés sur l’autel de la haine. Sur 420 cas d’abus sexuels sur mineur, le Cegid (Centre de guidance maternel et infantile) a recensé en 20101, 30% d’enfants mineurs ayant contracté une grossesse dont 10 à 15% ont dû subir une césarienne du fait de l’immaturité de leur bassin ne pouvant laisser passer la tête du bébé. Ce qui veut aussi dire que 63 de ces filles mineures n’avaient pas plus de 15 ans, c’est-à-dire physiologiquement et psychologiquement encore des bébés elles-mêmes.
De plus, les recherches ont démontré qu’il existe un degré plus important des manifestations psychopathologiques du fait de la grossesse que de l’avortement. La grossesse étant un facteur de stress plus important pour l’éclosion de problématiques psychopathologiques ou aggravant celles déjà existantes. Les 10% de femmes pouvant souffrir de troubles psychopathologiques après un avortement, sont celles qui soit en avaient déjà avant, soit ont aussi subi des violences ou vivent dans des conditions précaires soit ont eu un rapport ambivalent avec l’avortement du fait de tous les éléments mentionnés par le rapport de la Tfmha, cités plus haut. Par ailleurs, il apparaît en fonction des études que 15 à 69% des femmes ont pu souffrir d’anxiété, de dépression ou de détresse psychologique avant avortement. Lauzon et coll. ont démontré dans leur étude que 46% des femmes anticipaient la douleur ce qui majorait leur anxiété. Alors que dans le même temps, les garants de la morale hétéronormative, c’est-à-dire les hommes, s’occupaient davantage de leur dilemme moral dans 39% des cas, quand leur venait l’idée d’accompagner la femme qu’ils ont mise enceinte, ce qui reste exceptionnel. Les hommes n’étant pas réputés prendre leurs responsabilités dans ce genre de situation. La loi au Sénégal dédouane même les pères incestueux et donne aux violeurs la possibilité de vivre le reste de leur vie en paix sans risquer d’être recherchés même par leurs enfants. La recherche en paternité est interdite au Sénégal.
La majorité des études effectuées depuis les années 90, concernant les manifestations psychopathologiques péri-avortement objectivent par des tests psychologiques et psychiatriques la chute des niveaux de stress, d’anxiété ou de dépression entre l’hospitalisation pour IG et la reprise de la vie quotidienne. Le stress post-traumatique (se caractérise par des symptômes plus ou moins graves et handicapants qui révèlent le débordement des capacités psychiques d’un sujet pour se relever d’un évènement traumatisme) est quant à lui davantage présent avant l’avortement qu’après. Dans les semaines qui suivent on remarque que 55% des femmes ont une hausse de l’estime de soi quand seulement 39% la perde en tout ou partie. Cela dépend notamment de l’étayage familial ou social qu’elles reçoivent. A plus long terme, ce sont 76% des femmes qui ressentent des émotions positives et des sentiments de soulagement quand seulement 17% peuvent vivre les choses négativement. Il n’y a que 1% des femmes qui sont encore coincées dans un psychotrauma associé à l’avortement. Bien moins que celles qui ont dû accoucher : entre 3 et 19% selon les facteurs de risque. A cela se rajoutent toutes les modifications psycho-affectives qui mobilisent une femme qui accueille son nouveau-né. Celles-ci peuvent s’aggraver des vécus d’horreur et de rejet lorsqu’un viol ou un inceste en est l’origine ou davantage encore quand la mère est immature affectivement du fait de son jeune âge.
On peut donc conclure très clairement, qu’après toutes ces recherches et études, l’avortement volontaire ou pour cause de viol ou d’inceste n’est pas à l’origine de risques particuliers ou accrus de problématiques psychiques chez les femmes. Ainsi donc faut-il être véritablement porteur de multiples tares incurables et d’une duplicité sans borne pour oser énoncer autant d’absurdités en public dans un domaine qu’on ne maîtrise ni de près ni de loin. Se rajoute à cela cette tendance pour le moins dérangeante d’être particulièrement attiré par la sexualité des jeunes gens et ce qui se passe dans l’appareil génital des femmes et des petites filles ainsi que dans leur utérus. Ce qui est pour le moins répugnant et qui pose sérieusement question à des psys avertis. Enfin, soutenir la culture du viol et de la pédophilie en enfonçant ces petites filles et ces femmes dans les abîmes d’une violence sexuelle sans limite et sans issue donne à voir toute l’étendue de la haine et de la cruauté. Tout ce qu’il faut pour être qualifié en psy de pervers ou de psychopathes. Une hypothèse explicative : une fixation à la matrice originelle maternelle qu’elle vous a agitée sous le nez pour mieux vous la refuser ? Eh oui c’est vrai, comme le disait Freud : «L’objet nait dans la haine.» Surtout lorsqu’on se sert de vous comme un bouche-trou c’est pour cela que vous fécalisez vos femmes et que vous obscénalisez ce qui ne va pas chez vous dans nos médias ? La promiscuité incestuelle (l’incestuel est au psychisme ce que l’inceste est au corps) empêche l’individualisation du sujet tout en le laissant croire à son pouvoir fétichisé et éblouissant d’incarner un idéal absolu de jouissance. Or la jouissance n’est pas le plaisir. L’illusion de pouvoir n’est pas un pouvoir. Quand on est vide de tout y compris de bribes de connaissances c’est encore plus atroce, j’en conviens. Cepen­dant, malheureusement, impossible, à l’heure actuelle et en l’état actuel de la science de traiter les perversions et les psychopathies cliniquement au Sénégal. Pour autant, elles sont susceptibles d’être prises en charge et contenues socialement : en prison… Là où demeurent encore les vraies victimes qui purgent des doubles ou triples peines par la faute de ces menteurs et manipulateurs de masses.
Ndèye Khaïra THIAM
Psychologue clinicienne, spécialiste du psychotrauma
Criminologue et féministe radicale sénégalaise
1 https://www.nouvelobs.com/rue89/rue89-monde/20131203.RUE0605/l-avortement-interdit-au-senegal-combien-de-bebes-dans-les-decharges-publiques.html