Je suis en train de relire pour la troisième fois les mémoires de Barack Obama, Une Terre promise. Dans beaucoup de passages fort inspirants, Obama donne des leçons de leadership que bien des managers seraient inspirés d’appliquer.
L’erreur permet à un manager et à son équipe d’apprendre
L’un de mes favoris est quand Tim Geithner, son secrétaire au Trésor, prononça son premier discours en tant que titulaire de cette fonction. De l’avis général, ce discours fut un désastre. Obama le blâma-t-il ? Non, il reconnut que c’était sa faute : «un échec de ma part à mettre ceux qui travaillent avec moi en position de réussir», et qu’il devait apporter des modifications à ses méthodes, comme «accorder une attention minutieuse au personnel affecté à tel ou tel projet, et soigner les détails, pas seulement sur le fond, mais aussi dans la mise en scène».
En cela, nous pouvons tirer des leçons comme l’importance pour un leader d’apprendre de ses échecs et erreurs, et de ceux de ses collaborateurs, afin de progresser et les faire progresser, d’endosser la responsabilité de leurs fautes, leur donner le crédit des réussites et ne pas s’approprier ces dernières.
Avec un meilleur management, une équipe peut accomplir tellement plus
En discutant avec maintes personnes, je me rends compte que peu d’entre elles sont réellement inspirées ou motivées par leur travail. Ces personnes accomplissent leurs tâches sans plus. Pourtant, elles auraient été capables de faire mieux ou plus avec un meilleur système de management ou avec des managers plus efficaces et empathiques.
Considérons ces statistiques que j’ai lues dans le livre de Ryan Gottfredson, Mental gagnant :
«44% des employés affirment que leur manager actuel ne les aide pas à être plus productifs.
60% des employés affirment que leur manager porte atteinte à leur confiance en eux.
(…) 82% des employés ne pensent pas que leur manager soit digne de confiance.»
Ces statistiques montrent un manager qui donne l’impression de n’être intéressé que par sa carrière. Cela se matérialise par l’utilisation systématique de «je», «moi», «mon». Il ne laisse aucune place aux autres. Les erreurs sont toujours critiquées, les succès passés sous silence. C’est aussi un manager qui te donne l’impression qu’il t’abandonnera dès qu’un problème surviendra. Finalement, cela crée un environnement où personne n’ose prendre des risques, un environnement où la peur domine.
Ainsi naît un cercle vicieux : plus nous avons peur, moins nous prendrons des risques. Nous nous contenterons de faire ce que nous avons toujours fait, en oubliant que le monde évolue vite et qu’il est nécessaire d’ébranler nos certitudes. Cela finit par entraîner des conséquences désastreuses, comme ces entreprises qui disparaissent soudainement après avoir dominé le marché pendant des années, des décennies.
La sécurité psychologique : un but ultime du manager
Dans son livre L’art de choisir ses erreurs, Amy Edmondson parle du concept de sécurité psychologique. Ainsi, elle écrit : «la sécurité psychologique permet aux gens d’appeler à l’aide quand ils sont dépassés, éliminant ainsi des erreurs évitables» ou encore : «La sécurité psychologique permet et est favorisée par le signalement sans représailles.»
C’est le rôle d’un manager d’instituer un tel environnement dans son service. C’est ce qui permet de créer les conditions propices à la prise de risque, à l’innovation.
J’ai l’habitude de demander à un manager quelle est son attitude quand un collaborateur commet une erreur. La réponse à cette question représentera un baromètre de l’environnement de travail qu’un manager a instauré ou veut instaurer.
La sécurité psychologique n’est pas synonyme de permissivité
Il ne s’agit pas d’être permissif, d’encourager le manque de rigueur. Il s’agit plutôt de comprendre que la meilleure manière de grandir est de commettre des erreurs, d’en tirer des enseignements, pour faire mieux. Quand les employés comprendront qu’ils évoluent dans de telles conditions, ils seront plus enclins à agir de manière audacieuse, à prendre des risques. Une telle entreprise connaîtra certainement plus d’échecs que la moyenne, mais aussi plus de succès, et ses réussites seront éclatantes, ce qui lui permettra de devenir leader de son marché.
Je lisais dans le livre de Michelle Obama, Devenir, comment Barack Obama avait refusé de changer les meubles de la Maison Blanche quand il est devenu Président en 2009. Pourquoi ? Parce qu’il estimait que les Etats-Unis vivaient une crise sans précédent, la crise des subprimes, et qu’ils devaient donner l’exemple. Avec une telle attitude, la population acceptera les sacrifices qu’on lui demandera parce que voyant que le sommet de l’Etat montre l’exemple. C’est pour cela que les pays les moins corrompus sont aussi les plus civiques, parce que le contrat social est simple : nous faisons confiance au gouvernement parce qu’il représente le bien commun et a à cœur l’intérêt général.
C’est ce système de management et de leadership, humain, juste, impartial et exemplaire, dont a besoin un pays, une entreprise, une famille. Les humains peuvent accepter l’autorité parce qu’ils n’ont pas le choix, mais le respect est quelque chose qu’une personne doit gagner. Quand ce respect n’existe pas, les gens n’en feront pas plus parce qu’estimant que ceux qui les dirigent ne le méritent pas.
Les collaborateurs prennent soin d’une entreprise qui prend soin d’eux
Le capital humain représente l’actif le plus important de toute entité, l’entité a intérêt à en prendre soin, ce qui entraînera une rétroactivité : le capital humain aussi prendra soin de la structure.
Aussi est-il important que les managers comprennent cela, c’est ce qui leur permettra de devenir des leaders. Cela exige plus que le titre, cela requiert des actions qui le reflètent. Etre manager juste pour le prestige ne sert pas à grand-chose, parce que les personnes subordonnées sont en fin de compte celles qui détiennent le pouvoir : ce sont elles qui permettront à l’entité de connaître le succès.
Posons-nous la question : avec notre système de management actuel, des bénévoles accepteraient-ils de travailler sous nos ordres ? En répondant honnêtement à cette question, nous saurons si nous devons changer des choses, en améliorer d’autres. Si des bénévoles n’acceptaient pas de travailler sous nos ordres, cela veut dire que nous sommes en train de gâcher le potentiel de notre entité, que nous ne créons pas les conditions pour que nos collaborateurs fassent plus et mieux.
Cela nous fera perdre doublement : nous gâchons le potentiel de nos collaborateurs et empêchons notre entité de croître. C’est le problème de ces Etats qui briment le talent de leurs populations en entreprenant des actions nocives qui empêchent leur éclosion. C’est le problème de ces entreprises dont les employés ne sont pas motivés et se contentent de faire leur travail, sans plus.
Il est possible d’y remédier en permettant aux collaborateurs d’évoluer, de grandir, d’apprendre, de les inspirer en donnant l’exemple. En agissant ainsi, une entité créera les conditions pour atteindre ses objectifs et se développer. Cela mérite qu’elle essaie cette nouvelle méthode de management basée sur la confiance, la tolérance aux erreurs et échecs pour faire mieux la prochaine fois, l’exemplarité des dirigeants.
Moussa SYLLA