Le système éducatif sénégalais, la montée vers l’échafaud

Miné par le virus des grèves cycliques, le système éducatif sénégalais s’affaiblit et devient peu performant de jour en jour. La grève est devenue un hymne qu’il faudra chanter chaque année scolaire, avec les mêmes refrains : débrayages, boycott des cours et évaluations, marches. Et cette chanson dure depuis des décennies, et elle semble toujours ne pas bercer et calmer le cœur des prestataires (enseignants) ou encore émouvoir le public (l’Etat).
Des lenteurs administratives, à l’épineuse question de l’équité dans le traitement des indemnités de logement, en passant par la formation des enseignants et la résorption des abris provisoires, les syndicats d’enseignants restent toujours sur leur faim et font face à un gouvernement méprisant, qui fait la sourde oreille et attend toujours la dernière minute pour sauver les meubles. Ainsi, depuis des décennies, la ruse du colmatage est employée pour sauver non pas l’éducation sénégalaise, mais des années scolaires. Et l’on se demande jusqu’à quand les enfants, grands perdants de ce traditionnel bras de fer, devront subir les affres d’une guerre dont ils sont toujours des victimes sans vouloir en être acteurs. Ils n’apprennent rien pendant des mois, mais ils se voient toujours décerné des diplômes à la fin de chaque année scolaire, suite au colmatage et au réajustement dans certains programmes. Des examens qui d’ailleurs ne cherchent pas à les évaluer sérieusement, mais plutôt à calmer la colère des parents tout en maquillant l’échec d’un système éducatif qui ne fait plus rêver. Ils (gouvernants) colmatent et maquillent un système éducatif qui ne forme pas leurs enfants, et par lequel transitent les milliards des bailleurs qui exigent tout de même des résultats. Tant que ces derniers sont contents, tout marche à merveille. Le Peuple sénégalais, qui a mandaté son éducation, sa santé au gouvernement, est traité avec dédain, alors qu’il paie son fonctionnement et le luxe indigne qu’il s’autorise.
Reconsidérer et revoir le système éducatif sénégalais est une nécessité urgente, si nous voulons prétendre à l’émergence qui demeure jusque-là, une lettre morte. Cette reconsidération devra commencer par revoir le contenu de nos programmes décadents et nos formations, qui n’installent aucune compétence utilisable dans le marché du travail à l’ère de la globalisation.
Décomplexer le savoir est une urgence et un intrant de développement réel. On aura beau louer le talent littéraire de Victor Hugo ou tomber sous le charme de la belle plume de Baudelaire, mais comme dit le proverbe bouddhiste, ‘‘inutile de réciter des poèmes à celui qui a faim.’’ En plus, ce talent littéraire avec des contenus plus utiles, se cache derrière les œuvres de Cheikh Ahmadou Bamba, El Hadji Malick Sy et autres. Se connaître d’abord ou encore s’enraciner avant de s’ouvrir à l’extérieur, participerait à lever le voile sur toute forme de complexe aux savoirs étrangers.
Les pays les plus développés ont des ressources humaines de qualité, produites par des systèmes éducatifs performants. Ainsi, le traitement de l’enseignant à la hauteur de la noblesse de sa mission, est un intrant fondamental de développement. On ne peut pas aspirer au progrès sans de bons acteurs, bien traités, bien formés et bien outillés. Le secteur de l’éducation, racine du développement, doit être épargné des calculs et jeux politiques cyniques, de l’invasion d’acteurs incompétents ou amateurs. Ainsi seulement pouvons-nous aspirer à devenir un pays émergent au vrai sens du terme.
Babacar Justin MBENGUE – Journaliste
Consultant en Communication et Relation Publique