Le moment d’intimité avec le sort de la République qu’aura été l’élection présidentielle du 24 mars 2024, fut plein d’enseignements. Ceux-ci méritent d’être soulignés pour que la respiration démocratique et le jeu de nos institutions soient davantage viables afin de permettre à la voix des citoyens de se faire entendre.
Pour l’emploi le plus exigeant du pays, le Sénégal aura fait l’option de l’aventure en portant Bassirou Diomaye Faye à la tête de la magistrature suprême. De tous les profils et parcours, beaucoup d’analystes n’auraient pas misé de pièces sur lui. Mais, le Peuple, détenteur de la légitimité ultime, aura décidé de lui faire confiance. C’est un message qui est envoyé et qui méritera d’être décodé sous tous ses aspects par les acteurs de notre vie publique et tous les politiques qui voudront à l’avenir faire des offres et propositions de projet dans la gouvernance de la cité à nos compatriotes.
Avec dix-neuf candidats sur la ligne de départ, le scrutin a eu des allures de référendum entre deux bulletins, ceux de Bassirou Diomaye Faye et Amadou Ba, représentant deux façons de voir l’Etat et deux projets de société que peuvent réconcilier deux points dans leurs professions de foi respectives : l’objectif d’améliorer les conditions de vie des Sénégalais et celui de les réconcilier. Par contre, les méthodes de ces visions sont bien différentes !
En prenant ce postulat d’un référendum entre deux approches, on peut aisément comprendre pourquoi des candidats sérieux comme Idrissa Seck de Rewmi, Khalifa Sall de Taxawu Senegaal et Aliou Mamadou Dia du Pur ont pu être relégués dans la course alors qu’ils auraient pu, par leur pedigree et le poids de leurs appareils politiques, gruger des suffrages aux locomotives Diomaye Faye et Amadou Ba.
Les Sénégalais ont donc fait un arbitrage entre une continuité d’un programme de développement socio-économique bâti sur un temps long et une rupture totale avec un «Projet» qui veut remettre à plat tous les fondamentaux que ce pays connait. A plus de 2 millions et 400 mille voix, le pays, dans sa majorité, aura décidé de sauter dans cette aventure avec un candidat de substitution qui finira par devenir le premier des Sénégalais à partir du 2 avril prochain. Il a été fait fi des exigences du poste, des implications qu’aurait le choix, aussi risqué qu’il puisse être. Les Sénégalais ont voulu d’une rupture et ont appelé le changement à souffle coupé, ils choisiront un Président qui sort de loin, de l’ordinaire. C’est une appréciation de la gouvernance Macky Sall au plan immatériel qu’ils ont portée en voyant Amadou Ba comme celui qui allait perpétuer cette œuvre, en opposition à un projet de société frôlant l’utopie, où tout ce qui existe doit être secoué ou remis en cause avec Bassirou Diomaye Faye comme fer de lance par procuration de cette avalanche anti-establishment et anti-système.
Le Peuple sénégalais, dans sa maturité, a pu tenir le scrutin sans violence, et jusqu’à la communication des résultats par les autorités habilitées, il a été noté peu d’écarts et de conduites répréhensibles pouvant troubler l’unité nationale ou être des menaces à la cohésion. Les urnes ont parlé et leur verdict est accepté par tous, mais les leçons restent têtues.
On nous aura appris que toutes les pratiques populistes peuvent mener au Palais avec un discours violent, agressant la République et fragilisant toutes ses institutions. Personne ne trouvera de mots à dire, car dans sa volonté de changement, le Peuple, dans sa grande majorité, absout tout.
On aura su que le parrainage citoyen est plutôt une supercherie, quand une dizaine de candidats qui ont franchi ce filtre au niveau du Conseil constitutionnel peinent à réunir 20 000 voix en leur nom propre. Des efforts sérieux devront être faits pour le réformer et un intérêt particulier sera à accorder à la protection des données personnelles. On pourrait croire que beaucoup de gens ont parrainé des candidats à leur insu.
L’Administration sénégalaise, chahutée à tout-va, aura montré sa rigueur et son caractère républicain pour tenir une élection dans des délais serrés et montré à la face du monde toute une machine transparente. Ceux qui criaient au bourrage des urnes et au manque de sincérité du scrutin auront vite déchanté.
Un jour nouveau se lève, au Président élu de montrer qu’il sera à la hauteur de la tâche. L’activisme de son parti dans notre vie publique jusqu’à sa conquête du pouvoir aura été marqué d’actes anti-républicains, de pratiques insurrectionnelles et minant le vivre-ensemble. Maintenant qu’il détient les pleins pouvoirs de cette République, il a une chance de s’absoudre. Il y va de la survie du Sénégal.