Dans la forme, Macky Sall a battu son propre record du 3 avril 2012 en se limitant à 11 minutes. Dans le fond, c’est un discours qui diagnostique une citoyenneté «mise à mal», qu’il veut effective à tous les niveaux.
Son costume et sa cravate bleus ne font pas de lui un bleu. C’est un homme rodé à la tâche pour avoir honoré ce rendez-vous 7 fois en de pareilles circonstances. Le contexte post-Présidentielle n’a pas eu de place dans son discours. Et, naturellement, c’est parce qu’il l’avait déjà fait après la proclamation des résultats officiels. Dans son adresse à la Nation à l’occasion du 59ème anniversaire de l’Indépendance du Sénégal, le chef de l’Etat a usé des codes répondant au thème de cette année : Forces de défense et de sécurité : un exemple dans l’éducation à la citoyenneté et à l’unité nationale. La présence de ses pairs africains au Centre des expositions de Diamaniadio, puis celle de trois d’entre eux au défilé d’hier, dictaient l’angle d’attaque de son discours : le panafricanisme. Pour le reste et pour l’essentiel, en 11 minutes, Macky Sall a développé ce sujet par un long champ de citoyenneté et d’unité nationale. Le président de la République mise donc, pour la construction citoyenne, sur la jeunesse qui doit cultiver «l’amour de la Patrie, l’endurance dans l’effort, le culte de l’excellence dans le travail et la conscience de (ses) responsabilités futures dans la conduite des affaires de la Nation». Car, souligne-t-il à l’endroit des jeunes, «votre rendez-vous avec l’avenir commence dès aujourd’hui». Cette jeunesse, «priorité essentielle» de son mandat, doit d’abord commencer par le respect des parents.
«Citoyenneté mise à mal»
Cet appel à la citoyenneté doit être l’affaire de tous. Y compris les forces de défense et de sécurité. Il ne le dit pas, mais le contexte suggère un rappel à l’ordre après les derniers événements dans lesquels des militaires ont été impliqués dans un cambriolage d’une agence de Wafacash. Il les invite, «en tout temps et en tout lieu», à s’inspirer des règles de conduite du Jambaar. Mais il y a aussi cette tendance de soldats au grand déballage qui viole le fier sobriquet de «la grande muette». A ceux-là, il rappelle les valeurs de «l’obligation de réserve, le courage et la disponibilité à l’appel du devoir». Macky Sall constate que la citoyenneté est «aujourd’hui mise à mal». Surtout «quand l’honneur et la dignité de personnes innocentes sont mis à rude épreuve par la désinformation érigée en instrument de manipulation des consciences et de discorde sociale, quand l’espace public est occupé sans titre ni droit, au risque de poser de graves problèmes d’encombrement, d’insalubrité et de sécurité publique, quand, enfin, le bien commun n’est pas respecté et que les symboles de l’Etat, de la Nation et de la République sont ignorés». Un rappel de son appel du 2 avril à Diamniadio. Malgré tout, il estime que «nous ne pouvons-nous résigner face à cette situation». Il souligne, tout de même, que «la citoyenneté n’est pas que droits et libertés, mais des devoirs et responsabilités aussi». Et il le dit avec insistance par des groupes de mots : «promotion des valeurs citoyennes», «esprit citoyen», «intérêt général», «conscience citoyenne», «discipline nationale, individuelle et collective». Car, estime le chef de l’Etat, ces valeurs sont des facteurs de «compétitivité et de croissance économique». Dans la foulée, il annonce «la publication prochaine» des cinq premiers volumes de l’Histoire générale du Sénégal, des origines à nos jours. Une œuvre «monumentale de 25 volumes» dirigée par le professeur Iba Der Thiam. «Elle vient à son heure, parce que l’âme des peuples, ce qui fait leur force et leur grandeur, s’incarne dans leur histoire», se réjouit-il. C’est que, selon le Président Sall, «en faisant le récit authentique de notre passé, nous restaurons à la fois notre histoire et notre patrimoine culturel et civilisationnel».
11 minutes contre 15 en 2012
Macky Sall a ainsi battu son propre record de 2012. Lors de son premier message à la Nation de cette année, il avait fait 15 minutes pour marquer cette rupture. Même si les bilans et promesses du candidat en quête de second mandat avaient dû prolonger les lignes de ses discours. Peut-on lui reprocher de n’avoir pas évoqué les autres sujets ? Pouvait-il faire autrement d’ailleurs après avoir anticipé un message de 24 minutes lors de son investiture, mardi dernier. Il serait difficile de parler de bilan, celui-ci ayant été sanctionné positivement par le Peuple, le 24 février 2019. Non plus, il ne pouvait sortir une litanie de promesses puisqu’il en a déjà fait tout au long de sa campagne. Tout comme il serait redondant en appelant au dialogue. Au fond, la brièveté de son message suggère que le temps de la parole doit céder la place au «temps de l’action». C’est justement sur ce terrain qu’il est attendu.
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