Lectures d’Hivernage / Partage 1 : Rwanda : Historique d’un génocide… et «Francophonie».
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Mes lectures m’ont conduit à ce 1er partage et à quelques libres réflexions. D’autres suivront avant les récoltes de nos paysans à qui nous souhaitons un bel hivernage et des greniers pleins de promesses.
Lisons d’abord les extraits qui suivent ! Ils sont révélateurs d’une Afrique qui se construit et se déconstruit avec, toujours pas loin, l’œil des Grands Blancs, comme aimait à les appeler Senghor. Et pourtant, les temps changent.
«Derrière les tragédies africaines auxquelles François Mitterrand fut confronté à la fin de son second mandat : le Rwanda. Il était extrêmement furieux qu’on lui prêtât une responsabilité dans le génocide des Tutsi qu’il avait, au contraire, voulu éviter.
Comme le Zaïre et le Burundi, le Rwanda ne faisait pas partie de l’empire français. Après l’Allemagne et la Belgique – qui avaient administré le pays jusqu’à la fin des années 1950 avec les minorités tutsi, propriétaires de troupeaux -, c’étaient les Hutu, agriculteurs sédentaires qui exerçaient le pouvoir depuis l’indépendance.
Le Président rwandais Habyarimana – un Hutu -, au pouvoir depuis 1973, se tourna vers la France, seule des ex-puissances coloniales à maintenir une aide destinée à l’Afrique. Il semblait un homme de bonne volonté, hostile aux extrémistes hutu et tutsi. Quand François Mitterrand arriva au pouvoir, Habyarimana y était encore, colosse débonnaire et brutal, qui me sembla toujours soucieux d’éviter les problèmes avec ses voisins du Burundi, de l’Ouganda et du Zaïre. A la fin des années 1980, nombre de Tutsi fuirent en Ouganda, d’où ils cherchèrent à ‘’reconquérir’’ le Rwanda. En octobre 1990, le Front patriotique du Rwanda qui les regroupait, sous la direction de Paul Kagamé – Tutsi, membre de la famille royale du Rwanda, réfugié depuis son enfance en Ouganda -, tenta de reprendre le pays en franchissant la frontière ougandaise. Les exactions commencèrent. François Mitterrand voyait là avant tout une lutte d’influence entre francophonie et anglophonie et entre la France et les Etats-Unis. Les Tutsi lui paraissaient avoir choisi, majoritairement, le camp américain, m’expliqua-t-il un jour : ‘’Il y a des massacreurs chez les Hutu comme chez les Tutsi, et en plus, Kagamé est l’homme des Américains. Les Tutsi veulent, par les Grands Lacs, détruire notre influence en Afrique centrale.’’ Il expédia un détachement pour protéger et évacuer les ressortissants français. Puis, il maintint ses troupes sur place et poussa à un accord entre les belligérants. Le 30 janvier 1991, il écrivit au Président rwandais Habyarimana : ‘’Le conflit ne peut trouver de solution durable que par un règlement négocié ou une concertation générale dans un esprit de dialogue et d’ouverture.’’ Le conflit parut en passe de s’arranger : cessez-le-feu, nouvelle Constitution, neuf partis politiques en lice et, en avril 1992, un gouvernement de transition. Mais les extrémistes des deux camps ne désarmèrent pas. En février 1993, le Front patriotique du Rwanda lança une nouvelle offensive à parti de l’Ouganda ; le Conseil de sécurité des Nations unies déploya quatre-vingts observateurs ‘’à la frontière entre l’Ouganda et le Rwanda pour vérifier qu’aucune assistance militaire (n’était) apportée aux factions en lutte’’.
Les troupes françaises étaient toujours présentes au Rwanda. Le 21 août 1993, grâce à l’assistance de la France – qui venait de passer en cohabitation -, des accords de paix furent signés à Arusha, en Tanzanie, entre le Front patriotique du Rwanda et les Forces armées rwandaises. Ils organisaient le partage entre les deux camps et préparaient le retour à Kigali d’une partie des exilés tutsi. Le président du Front patriotique du Rwanda, Paul Kagamé, adressa à François Mitterrand «ses remerciements les plus sincères pour le rôle joué par la France».
Mais la situation demeura tendue entre les communautés. Les Tutsi du Rwanda étaient considérés comme des collaborateurs par le Front patriotique et comme des traîtres par le gouvernement rwandais. Des armes continuèrent à circuler en vue de renforcer les deux factions. Les civils s’armaient pour se protéger. Le 27 septembre, François Mitterrand, très inquiet de la tension entre ces communautés, écrivit au nouveau Président américain Bill Clinton : ‘’Si la communauté internationale ne réagit pas rapidement, les efforts de paix risquent d’être compromis.’’ Le 5 octobre, le Conseil de sécurité créa une mission des Nations unies pour l’assistance au Rwanda, composée de deux mille cinq cent cinquante casques bleus appartenant à vingt-trois pays différents, ce qui permit à la France, conformément aux accords d’Arusha, de retirer ses propres troupes du Rwanda.
Le 6 avril 1994, l’avion transportant le Président Habyarimana explosa à l’atterrissage à Kigali. La responsabilité de cet attentat n’est pas encore clairement établie : des Tutsi voulant se venger ? Des Hutu souhaitant un prétexte pour déclencher le massacre ? Le lendemain, commença un véritable massacre des Tutsi, en présence d’une mission des Nations unies réduite à l’impuissance. Pour inciter les paysans hutu à massacrer leurs voisins tutsi, les autorités leur promettaient les terres de leurs victimes. Près d’un million de Tutsi périrent ainsi entre avril et juillet 1994. Des Hutu furent également massacrés un peu plus tard, en représailles, quand Paul Kagamé prit le pouvoir au Rwanda. La communauté internationale resta comme paralysée pendant deux mois. François Mitterrand et le gouvernement Balladur tentèrent d’obtenir des Nations unies qu’elles s’interposent. Après trois mois de discussions vaines, l’opération Turquoise, décidée en juin 1994 avec l’aval du Conseil de sécurité de l’Onu et mise en œuvre en août avec la participation de cinq mille militaires français et cinq cents militaires africains, créa une ‘’zone humanitaire sûre’’ à partir du Zaïre. Cela permit de sauver quelques milliers de vies. Mais le mal était fait : le génocide avait eu lieu ; son ombre ternissait injustement le gouvernement de Edouard Balladur et la fin du second mandat de François Mitterrand qui enrageait qu’on lui fît porter la moindre responsabilité dans cette tragédie.
Au même moment, une pièce similaire se jouait sur un autre théâtre : celui de l’Europe divisée, car la désagrégation des dictatures en Afrique faisait écho à celle qui commençait en Europe de l’Est, puis dans les Balkans. Elle allait réaliser, beaucoup plus vite que prévu, les prévisions de François Mitterrand : l’Allemagne allait être réunifiée, la Yougoslavie se démembrer et l’Union soviétique disparaître de la scène de l’histoire.»
Voilà donc ce que Jacques Attali nous raconte dans son ouvrage C’était François Mitterrand, publié aux éditions Fayard, en octobre 2005.
Voilà le Rwanda et l’histoire «courageusement» racontée de son génocide.
La question demeure sur les sempiternelles responsabilités engagées ou non de la France. Vous tirerez votre propre réponse de ce que vous avez ici lu.
Le Rwanda, malgré ce drame sans nom, mais avec des visages, s’est relevé et se construit pas à pas avec succès, exigence, mais surtout autorité – l’autorité peut ne pas être synonyme de dictature, mais méditons toujours cet échange : «Il n’y a rien» – «Tu n’as pas regardé assez longtemps», lui répondit-il.
Paul Kagamé, sec et charismatique, aura pour le moment brisé l’obstacle de la division. Son mérite est immense. Il y réussira encore plus en ne quittant pas des yeux le rétroviseur et en ayant toujours le courage d’être juste et équitable. Mieux encore, le courage d’être pauvre. Sinon, la paix, la stabilité, le progrès rebrousseront chemin. L’histoire avec. Il n’existe pas de plus beau lever de soleil qu’un Peuple amoureux de son Président. Mais à ce dernier de toujours se souvenir du proverbe qui dit : «Même assoiffé d’amour, on n’embrasse pas le porc-épic». Savoir également que l’on ne reste pas en tant que chair. On reste en tant qu’esprit. La probité, le travail sont l’avenir d’un chef d’Etat.
Quant à la candidate du Rwanda pour le poste de secrétaire général de la Francophonie, pourrait-elle ramener de nouveau, un jour, ce pays «lustré» et aujourd’hui tant chanté, dans le giron de l’espace francophone, déserté avec audace et fracas ? L’Union africaine aurait béni Louise Mushikiwabo, en n’oubliant pas les «trahisons internes» à venir, et le Président Emmanuel Macron, avant tous, et certainement pas en faisant la sieste, a très tôt salué et apporté son soutien au Rwanda. Les chemins de la politique sont impénétrables.
La bonne formule serait de voir un jour – qui ne viendra sans doute jamais – le sommet des chefs d’Etat de la Francophonie qui élisent en conclave le secrétaire général en s’étripant souvent, innover enfin, en sortant de la politique et du copinage pour désigner par un appel à candidatures libres, avec un haut jury et un cahier des charges élevées, un patron de l’Organisation internationale de la Francophonie (Oif) pour mener à bien ses missions, d’abord et ensuite au service des Peuples, avant celui des politiques, que l’on sait incontournable. Ils feront longtemps encore «la pluie et le mauvais temps». C’est changer qui est difficile. Le confort ne fait pas suer. L’Oif doit changer de «peau». Elle a fait son temps avec les si chétifs impôts des Peuples du Sud. Et pas même un visa. Quant aux contributions du Nord de moins en moins riches, elles «tournent de l’œil», comme on dit. Ni suffisantes ni pérennes. Bref, l’enthousiasme s’est enfui. Sauve qui peut, ou presque !
A bientôt pour le «Partage 2» de nos lectures d’hivernage.
Amadou Lamine SALL
Poète
2 Comments
Poète oui mais analyste politique très décevant après lecture de cet article. Merci Monsieur de mieux vous documenter avant d’ecrire la suite ! Dossier complexe et grave ! Merci
Poète oui mais analyste politique très décevant où il parle d’un dossier qu’il ne maîtrise pas du tout ou très mal informé !