Le Cadre de réflexion et d’action sur le foncier au Sénégal (Crafs) plaide pour le maintien des fondamentaux de la loi sur le domaine national, c’est-à-dire la loi 64-46 du 17 juin 1964, qui régit l’essentiel des terres au Sénégal. Ce consortium d’organisations de la Société civile est en train de revoir les propositions législatives foncières qu’il avait faites dans le cadre des précédentes tentatives de réformes foncières, pour les adapter au contexte actuel, où les nouvelles autorités parlent de réformes sur les fonciers urbain et rural.Par Dialigué FAYE –

Le maintien des fondamentaux de la loi sur le domaine national, c’est ce que recommande le Cadre de réflexion et d’action sur le foncier au Sénégal (Crafs). Comme fondamentaux, Kader Fanta Ngom, expert foncier, qui restituait les propositions législatives foncières de ce consortium, a invoqué les droits d’usage sur le foncier, pour éviter ce qu’on appelle «un marché foncier», la compétence de la gestion foncière aux collectivités territoriales, entre autres. Sur ce dernier point, le consultant considère que c’est ça la décentralisation foncière, mais également et surtout que c’est ce qui renforce le pouvoir des communautés locales dans le processus de la gouvernance foncière.

Le Crafs s’inscrit ainsi dans cette mouvance qui est de maintenir ces fondamentaux.

«Dans les autres pays africains qui ont initié la privatisation des terres, ils sont en train de le regretter. En Afrique du Sud, au Zimbabwe, par exemple, le foncier s’achète. Si vous avez de l’argent, vous achetez. En Afrique du Sud, 8% de la population accaparent ainsi plus de 80% de l’espace foncier. Dans ces conditions, vous ne pouvez pas avoir la paix sociale. Les autorités sud-africaines, depuis plus d’une dizaine d’années, tentent de revenir sur ces droits réels. Mais c’est difficile de le faire. Au Sénégal, nos autorités ont été très prudentes au lendemain des indépendances, en mettant en place la loi sur le domaine national avec des droits d’usage et non pas avec des droits réels. Les droits d’usage sur les terres cadrent avec notre droit coutumier foncier. Mais si on veut faire de la révolution foncière, on risque de créer du désordre en zone rurale», prévient l’expert.

Aussi appelle-t-il à la prudence dans les réformes sur le foncier.
«Pour réformer ce foncier, il faut être très prudent. Non seulement il faut une prudence, mais il faut également une démarche participative, itérative, inclusive, et prendre le temps qu’il faut pour réformer le foncier.
Malheureusement, nos régimes qui se succèdent, c’est comme sur un marqueur, avant telle période, on doit faire une réforme. Le foncier ne se réforme pas comme ça. Pour réformer le foncier, il faut prendre le temps qu’il faut», recommande M. Ngom. Avant de rappeler que «l’élaboration de la loi de 1964 a démarré en 1957, c’est-à-dire qu’on a pris plus de sept ans pour réfléchir, concevoir et bâtir ce dispositif juridique».

Réactualisation des propositions
Ainsi estime Marième Sow, conseillère stratégique à Enda Ponat, c’est le moment de faire des propositions claires et nettes, en tenant compte de toutes nos réalités. «On ne peut pas aller vers une réforme sans pour autant revoir un peu quelle politique agricole nous devons avoir. On ne doit plus produire n’importe comment. On est obligé de tenir compte des changements climatiques, qui affectent notre agriculture, notre élevage et même notre pêche. Ce sont des fondamentaux qu’il faut arriver à considérer», suggère Mme Sow.

Analysant cette proposition du Crafs, Arona Bâ, directeur des Collectivités territoriales, a indiqué que «le maintien de l’esprit de cette loi qu’il propose, renvoie à la consolidation des principes de l’inaliénabilité et de la gestion communautaire des ressources foncières».

Et souligne-t-il, «une certaine opinion estime que des modifications de cette loi par la suppression de certaines dispositions devenues anachroniques et le rajout de nouvelles dispositions plus conformes à la modernisation du secteur agro-sylvo-pastoral, au développement territorial participatif et à la justice sociale sont nécessaires».

Pour rappel, le nouveau régime a récemment annoncé des réformes sur le foncier et conduit certaines dynamiques, notamment la révision de la Loi d’orientation agro-sylvo-pastorale (Loasp). Ce qui nécessite de larges concertations.

C’est ainsi que les organisations de la Société civile membres du Crafs ont jugé nécessaire de mettre à jour leurs propositions de réformes foncières.

Babacar Diop, président de ce consortium, renseigne que «ces propositions de réformes foncières ont été élaborées par le Crafs depuis 2019 avec l’appui d’un pool d’experts juristes, géographes et sociologues, et sur la base des expériences collectées au niveau des acteurs locaux. Avec les mutations contextuelles, le Crafs a travaillé en 2024 sur la mise à jour de ses propositions».
Le cadre réactualise ses propositions pour les adapter au contexte actuel.
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