Je ne parle pas de dossier judiciaire ou administratif. Je parle plutôt de la politique : la gestion et l’organisation de la «cité». Quand j’entends des universitaires reprocher à ce régime de ne faire que du «dénigrement» ou de la «chasse aux sorcières» en con­cluant : «ils sont incompétents», je me demande s’ils sont sérieux. Si ce sur quoi porte le dénigrement n’est pas fondé, il faut saisir la Justice (l’appareil judiciaire). Aujourd’­hui, nous avons une vraie Justice. En fait, la question qui mérite d’être posée est la suivante : le Peuple a-t-il le droit d’être informé sur ou de la manière dont les institutions qu’il a générées sont gérées ? Le droit d’être informé revient au Peuple et le devoir d’informer le Peuple incombe aux mandataires de ce même Peuple : l’Exécutif, le Législatif et le Judiciaire. Il convient de rappeler que le seul mandant, c’est le Peuple ; c’est-à-dire le corps politique et social. Ces mandataires doivent utiliser tous les canaux ou supports de communication pour informer le Peuple. Que signifie choisir pour celui qui ne comprend pas ? Après avoir choisi, malgré tout, que signifie pour lui suivre, contrôler ou évaluer ? A quoi sert l’information, la donnée ou l’élément de connaissance ? Elle sert à éclairer la décision et l’action. Or, le vrai décideur, c’est le Peuple.

Quant à la «chasse aux sorcières», permettez-moi de prendre cela au pied de la lettre comme un simple d’esprit. Une sorcière, on ne doit pas se contenter de la chasser ; il faut la tuer. La chasser serait déplacer le problème ; car on lui donne la possibilité par rapport au temps et à l’espace, de sévir encore et encore. A titre d’exemple, Macky Sall est au Maroc, mais sa capacité de nuisance, certes d’une moindre acuité, est encore là. Ces gens-là sont tout simplement des nécrophages ; en atteste la gestion du «fonds Covid». Où est l’éthique, l’équité ou en un mot, la morale dans le comportement de ceux qui ont géré notre pays ? Avec Abdou Diouf c’était l’arrogance ; avec Wade, la médiocrité, avec Macky Sall, les deux antivaleurs à la fois : incompétence et arrogance sur le socle du complexe. Le complexe, faut-il le rappeler, il est double : supérieur et inférieur, et il a comme corolaire la déchéance qui également est double : morale et intellectuelle. Macky est complexé et inculte. Il faut cependant lui reconnaître le mérite d’avoir provoqué de manière dialectique et sans le vouloir, l’avènement du Jub-Jubal-Jubanti.

Hegel (La Raison dans l’histoire) nous enseigne que le monde ou l’histoire marche par bonds à partir des contradictions (toute contradiction engendre création). Il fallait tomber aussi bas pour rebondir. C’est cela que nous vivons. Avec Macky, le Sénégal a atteint un niveau de déchéance sociale et politique qui s’explique par son déterminisme (origine et évolution sociales). Toute organisation ou système repose sur la Justice (la fonction et l’organe). La fonction est morale dans son fondement et sa finalité ; l’organe renvoie à ceux qui portent la fonction : les juges, les procureurs, le Garde des sceaux, ministre de la Justice, ainsi que le président de la République. Ce qui a manqué au Sénégal avec Macky, c’est l’équité pour la fonction et une éthique de l’équité pour l’organe.

L’équité et l’éthique, c’est justement ce que ces nouveaux dirigeants ont apporté ; c’est cela l’élément nouveau. Le Sénégal n’a jamais manqué d’esprits brillants (Thierno Souleymane Baal, Cheikh Ahmadou Bamba, Cheikh Anta Diop, Léopold Sédar Senghor, Mamadou Dia, Amadou Makhtar Mbow, Abdoulaye Wade, Ndatté Yalla, Aline Sitoé Diatta, Souleymane Bachir Diagne, Mamadou Diouf, Felwine Sarr…). Ce qui nous a manqué, c’est une organisation sociale et politique propice à l’éclosion du génie du Peuple. Tout peuple est un «peuple élu de Dieu».

Parlant du Peuple juif, Roger Garaudy affirme qu’il n’y a pas de peuple élu de Dieu. Moi, je crois au génie de chaque peuple. Le fondement et la finalité des connaissances, de la loi et de la religion sont d’ordre moral. Pour paraphraser Rabelais, je dirais que science, loi et religion sans conscience ne sont que ruine de l’âme. Le fondement du Sénégal, comme celui de toute forme d’organisation ou de système, est d’abord moral. Ce n’est pas une affaire de professeur (Senghor), d’administrateur civil (Abdou Diouf), d’avocat (Wade), d’ingénieur (Macky), d’inspecteur des Impôts (Diomaye/Sonko), de Rabin, de prêtre ou d’imam. Jub-Jubal-Jubanti.

Emmanuel KABOU
Ancien Officier Aiea (Ministère de la recherche scientifique)
Ancien Directeur du Cndst (Ministère de la recherche scientifique)
Retraité de l’Ecole supérieure polytechnique