Les statistiques sur les accidents lors d’un éclatement de pneu ont prouvé partout à travers le monde que ces accidents sont souvent meurtriers comme c’est le cas de ceux de Richard-Toll (le 5 mars 2017), de Goudomp (le 11 avril 2017), Waounde Kissourou, à 90 km de Linguère (le 25 octobre 2017), de Sikilo, à quelques kilomètres de Kaffrine (le 8 janvier 2023), de Yamang, à quelques kilomètres de Koungheul (le 25 avril 2024), etc.
Récemment, un autre accident mortel s’est produit, le samedi 3 août 2024 sur la Route nationale 1, à hauteur du village de Wengui, dans la commune de Sagna, région de Kaffrine. Il s’agit de la voiture du sous-préfet de Dianké Makha, département de Goudiry, qui s’est renversée après l’éclatement d’un pneu.
Lorsque qu’un pneu éclate en pleine vitesse, le conducteur peine à maîtriser son volant.
Au Sénégal, les statistiques ont donné 6% environ le taux d’accidents causés par un éclatement de pneu. Les mêmes statistiques ont donné le chiffre annuel de 700 morts dans des accidents de la route. Cette année 2024 est partie pour battre tous les records avec une série interminable d’accidents très meurtriers.
C’est pour cette raison que nous allons nous intéresser aux pneus qui, qu’ils soient neufs ou d’occasion, peuvent présenter des défauts de fabrication plus ou moins perceptibles. Ces défauts peuvent faire que le pneu ne réponde pas aux normes exigées pour une bonne conduite et ne peut pas résister à certaines causes d’accidents que nous allons essayer d’énumérer.
Ces causes pouvant être à l’origine de l’éclatement d’un pneu sont entre autres : le gonflage à une pression excessive du pneu ; le défaut de fabrication du pneu ; la surcharge du véhicule ; l’impact d’un objet projeté ou se trouvant sur la chaussée ; la sous-pression à moins de 80% de la pression recommandée ; la perte des propriétés mécaniques du pneu due à la chaleur et l’âge ; l’usure importante de l’enveloppe caoutchoutée : le déjantage accidentel et soudain du pneu ; l’usure anormale ; le montage initial incorrect du pneu ; l’incompatibilité des pièces de la jante (cas des bus et des gros porteurs) ; les dimensions du pneu non conformes.
Lorsque la température du pneu augmente, celle de l’air contenu à l’intérieur augmente également. L’augmentation de la température entraîne aussi celle de la pression sur les parois intérieures du pneu. L’enveloppe doit forcément céder à partir d’une certaine valeur de la température ou de la pression comme les deux vont ensemble.
Nous ne saurions terminer notre réflexion sur ce bandage déformable et élastique monté sur une jante pour faciliter le roulement du véhicule sans parler des caractéristiques fournies par les fabricants. Son aspect extérieur laisse apparaitre des sculptures antidérapantes pour faciliter l’arrêt du véhicule en cas de freinage sur la chaussée. La plupart des conducteurs considèrent le pneu comme un élément plus ou moins sans importance. La plupart d’entre nous pensent que l’essentiel est de mettre de l’air dans les chambres à air ou directement pour les tubeless et faire avancer le véhicule sans tenir compte d’un minimum de sécurité.
Le choix d’un pneu dépend de plusieurs facteurs dont le climat, la nature de la route, la vitesse, la charge et le type de véhicule. C’est pourquoi les pneus sont identifiés par leurs désignations qu’ignorent beaucoup d’usagers et que nous allons expliquer.
Exemple : 285 75 R 16 122 S
285 : indique la largeur du pneu en mm
75 : Rapport hauteur/largeur en %
R : Orientation des fils métalliques ou textiles utilisés pour le renforcement de la carcasse symbolisée par une lettre R, B ou D :
R : Carcasse Radiale ;
B : Carcasse «Biais» ;
D : Carcasse Diagonale ;
16 : Diamètre de la jante aux pouces ;
122 : Indice de charge maximale autorisée ;
S : cette lettre indique la vitesse maximale autorisée pour ce type de pneu. La lettre S indique la vitesse maximale de 180 km/h. A côté de cette lettre S, il existe d’autres comme L qui indique une vitesse maximale de 120 km/h, la lettre Y indiquant une vitesse maximale de 300 km/h et les lettres YR indiquant une vitesse supérieure à 240 km/h.
la mention M+S, M&S ou MS, ajoutée à cette désignation, indique que le pneu est adapté à la conduite sur boue et sur neige.
L’âge du pneu est également indiqué. Il s’agit d’un nombre de quatre chiffres dont les deux premiers indiquent la semaine de fabrication et les deux autres l’année de fabrication (Exemple : 1518 : 15ème semaine de l’année 2018). D’autres informations très utiles figurent sur une étiquette collée sur un pneu neuf : l’indice de consommation matérialisé par une lettre de A à G ; l’adhérence du pneu en cas de chaussée mouillée matérialisée par une lettre de A à G également ; l’indice de bruit indiqué en décibels.
L’ignorance et la négligence de ces facteurs, et la cupidité des vendeurs de pneus neufs peuvent conduire aux mêmes effets, c’est-à-dire l’éclatement de pneus et la recrudescence des accidents.
En Afrique et plus particulièrement au Sénégal qui ne dispose pas d’usine de fabrication de pneus, le produit neuf ou d’occasion vient d’Europe ou d’Asie. Malheureusement, nous n’avons pas la culture de bien choisir les pneus pour nos véhicules afin de respecter la conformité avec les recommandations du fabricant. Le phénomène est plus grave avec les pneus d’occasion qui ont déjà servi ailleurs, dans des conditions différentes de celles qui existent chez nous. Les pneus d’hiver démontés en Suède ou en Finlande peuvent terminer leur vie au Sénégal. Des pneus dont la vitesse maximale est de 120 km/h sont montés sur des 4×4 qui roulent sur nos routes à plus de 160 km/h.
Quand on sait que la durée de vie d’un pneu est de 10 ans environ même s’il n’est pas utilisé ou sous utilisé, le phénomène de dégradation poursuit son cours. Ce pneu peut provoquer un accident en cas de surcharge, de surchauffe, de surpression, de grande vitesse ou en cas de route dégradée.
Tous matériaux se dégradent au fil des ans et se dégénèrent, y compris le caoutchouc et les fils métalliques ou en coton qui constituent le pneu. Au-delà de la période autorisée, le pneu ne doit plus assurer avec sécurité le transport de personnes.
Au regard de nos stocks de pneus en provenance d’Europe ou d’Asie avec des centaines de conteneurs débarqués tous les mois, nous imaginons le danger auquel nous sommes exposés. Les vendeurs de pièces vont jusqu’à reprendre les sculptures et peindre les pneus en noir afin de leur donner un aspect neuf. Cette pratique altère bien évidemment la structure et la résistance du pneu. En freinant, le conducteur agit sur un disque en acier solidaire à la roue. Pour la dissipation de la chaleur provenant du freinage brusque, il est utilisé des garnitures en fibre de verre, de céramique, appelées communément «ferodo». Avant 1997, date d’interdiction de son utilisation, l’amiante était le principal élément de la composition de la garniture à cause de ses propriétés lui permettant de résister à la chaleur surtout. L’amiante est aujourd’hui considérée comme un matériau cancérigène ; ce qui a réduit son utilisation dans la construction. Pourtant les plaques en fibres d’amiante déjà utilisées ou rejetées en Europe continuent d’inonder nos étalages. Un bon système de freinage dépend en partie de la qualité des pneus, des disques et des plaquettes (coefficient de frottement sol/pneus et plaquettes/disques).
En se limitant essentiellement à ces deux éléments, c’est-à-dire les pneus et les freins, nous nous rendons compte que les risques que nous encourons avec nos véhicules sont énormes. La plupart de nos véhicules roulent avec des pièces usagers et revendus sur le marché local. Cependant, il sera très difficile d’éradiquer le fléau car le Sénégal ne fabrique pas de voitures et les pièces de rechange d’origine coutent cher ou restent introuvables sur le marché. Vouloir interdire l’utilisation des pièces usagers venant d’Europe reviendrait à immobiliser la quasi-totalité des véhicules âgés de plus de 5 ans. Ceux qui pensent que les causes des accidents mortels se limitent à l’état des pneus et du système de freinage se trompent lourdement. Il est impossible de trouver une solution dans l’immédiat, tellement que le mal est profond. Aujourd’hui, les Sénégalais peinent à s’accorder sur les causes véritables du drame routier. Les médias ont souvent relayé des propos cités comme causes éventuelles des accidents de la circulation. Le dernier accident de l’axe Kaolack-Tambacounda a relancé le débat sur les accidents. En dehors des pneus et du système de freinage, d’autres causes d’accidents liées aux facteurs humains sont notées. Il s’agit de : la non-maîtrise des principes de base de la mécanique ; l’usage d’alcool ou de drogue ; la fatigue ou le manque de sommeil ; l’excès de vitesse ; le défaut d’éclairage ; l’usage du téléphone au volant ; le non-respect des règles de signalisation sur la route. A cela s’ajoutent les défaillances techniques qui peuvent surgir au niveau des autres organes achetés sur le marché des pièces détachées remises pour une seconde ou énième vie. Nous ne saurions terminer sans évoquer les conditions de transport des passagers au Sénégal. Le Sénégalais voyage très mal : route dégradée, des dos d’âne à l’entrée et à la sortie de tous les villages traversés, des véhicules non conformes et des personnels arrogants et irrespectueux. En Europe, pour remplacer les calèches à attraction animale, des types de véhicules ont été fabriqués. C’est le cas de nos «cars rapides» et «Ndiaga Ndiaye». Cependant, au moment où l’Europe s’apprêtait à abandonner la fabrication de ces cars, le Sénégal a procédé à leur modification pour en faire des véhicules de transport en commun alors que leur destination première était le transport de marchandises. La fourgonnette Saviem devenue Renault est appelée «car rapide» et les fourgonnettes Mercedes 508 dont la dernière de la chaîne de fabrication est sortie en 1986, c’est-à-dire il y a 40 ans de vie au moins, sont appelées «Ndiaga Ndiaye» du nom d’un ingénieux transporteur reconnu dans leur transformation en véhicules de transport de personnes. Les pickups monocarbonés de toutes marques ont également été transformés en véhicules de transport de personnes sans aucun respect des normes sécuritaires.
Afin d’éradiquer le phénomène des accidents sur les routes, l’ex-Premier ministre M. Mouham-mad Boun Abdallah Dionne avait présidé un Conseil interministériel consacré à la sécurité routière, le jeudi 9 février 2017. A l’occasion de ce conseil, une demi-douzaine de recommandations fortes ont été dégagées. Il s’agissait de : renforcer le contrôle axé sur la sécurité routière et les sanctions à infliger ; appliquer la réglementation sur la circulation des véhicules dans toute sa rigueur en veillant surtout sur : la surcharge de passagers et de bagages ; la règlementation des horaires de circulation ; la circulation des deux roues et le maraudage ; les transports clandestins notamment les «war gaïndé»… mettre en place un centre de formation pour les métiers de la route ; instaurer le permis de conduire à points ; réformer le Code de la route ; réformer les conditions d’ouverture et d’exploitation des auto-écoles.
Enfin, il a été décidé de mettre en place un dispositif de suivi/évaluation de ces recommandations.
A la suite d’une série d’accidents mortels, un Conseil interministériel sur la sécurité routière s’était tenu le lundi 9 janvier 2023. A l’issue de la rencontre, 22 recommandations ont été dégagées.
Dans cette étude, il me semble important de rappeler les recommandations n°3, n°5 et n°9 dont les contenus sont les suivants : n°3 – Le linistère en charge des Transports terrestres de prendre, dans les 72 heures, un arrêté portant limitation de la durée d’exploitation à 10 ans pour les véhicules de transport de personnes, à 15 ans pour les véhicules de transport de marchandises ; n°5 – Le ministère en charge des Finances, le ministère en charge des Transports et le ministère en charge du Commerce de soumettre au gouvernement, dans 15 jours, un projet de texte interdisant l’importation des pneus usagés (pneus d’occasion) ; n°9 – Le ministère en charge des Transports terrestres de prendre un arrêté, dans les 72 heures, interdisant toute transformation de véhicules destinés au transport de marchandises en véhicules de transport de passagers. Au regard de ces 22 recommandations sorties du Conseil interministériel du 9 janvier 2023, la nécessité de la tenue d’une énième rencontre ne se justifie guère. Il suffit tout simplement d’appliquer sans complaisance les recommandations du dernier Conseil interministériel afin d’éviter l’éternel recommencement.
De 2017 à ce jour, le phénomène des accidents tragiques s’est accentué, démontrant ainsi que l’éradication des maux dans le secteur du transport au Sénégal n’est pas pour demain. Au-delà des chauffeurs et des véhicules, la mafia sur le transport est maintenue par des personnes loin du bruit des cars et des bus qui ne sont pas prêts à lâcher les avantages tirés du secteur.
La modernisation du transport, envisagée depuis le Président Wade avec les bus «Tata», ensuite le Président Macky Sall avec les minicars Toyota, a encore du chemin à faire. Le seul fait que le Sénégal ne dispose pas de firmes de fabrication de véhicules et d’autres équipements automobiles constitue un blocage à l’accès aux moyens de transport de qualité.
Très sincèrement, notre système n’est pas adapté à un transport rentable. C’est pourquoi d’ailleurs les chauffeurs se rabattent sur le surnombre, le transport des bagages et la multiplication des sièges pour combler le déficit. Les chauffeurs, les apprentis, les «coxeurs», les rabatteurs, les chefs de garage se nourrissent du ticket du voyageur. Nous ne saurions terminer cette étude sans ajouter aux différentes recommandations issues des conseils interministériels, les suggestions suivantes. Il s’agit de : la formation des agents de la circulation en mécanique automobile ; le contrôle des pneus neufs et d’occasion à mettre sur le marché ; l’interdiction de l’importation des vieux organes usagés déjà vieillis en Europe avant d’atterrir au Sénégal ; la privatisation surtout de la visite technique et son attribution à des garages agréés qui seront responsables de tous manquements ; l’organisation, le regroupement des transporteurs dans un système formel où les chauffeurs seront recrutés conformément au Code du travail.
Malick FALL
Ngohé – Diourbel
fallmalik@yahoo.fr