Est-il réellement juste de dire que les urnes ont rendu leur verdict de la Présidentielle du 24 février 2019 ? Ou bien la vérité ne voudrait-elle pas qu’on dise qu’on leur a fait rendre un verdict qui a été décidé de longue date et minutieusement conduit dans toutes ses dimensions  ? Notre profonde conviction est que ce verdict traduit un hold-up de la part de ceux qui avaient la charge de la préparation, de l’organisation et de la conduite de l’élection.

En nous inspirant de la méthode de la boîte noire en usage dans la pratique de la navigation aérienne, et en l’appliquant au scrutin du 24 février, nous interrogeons les faits, et les faits seulement, pour établir la verité du 24 février 2019.

La boîte noire, appelée encore enregistreur de vol, est un dispositif installé à l’intérieur de l’avion qui sert à enregistrer toutes les informations de l’appareil en vol, de son décollage à son atterrissage.

En cas d’accident, c’est l’analyse de cet enregistrement qui permet d’en déterminer les causes.

Dans la pratique, il existe deux types de boîtes noires : les boîtes enregistreuses phoniques destinées à enregistrer les conversations du cockpit et celles, dites enregistreuses de paramètres, chargées d’enregistrer les données techniques du vol.

En cas de nécessité, ce sont ces deux boîtes noires qui sont remises aux autorités chargées de la sécurité aérienne pour effectuer leur examen devant conduire à l’explication des causes de l’accident. En France, c’est le Bureau d’enquêtes et d’analyse (Bea) qui s’en charge.
En appliquant cette pratique à notre sujet, on peut bien identifier les deux boîtes noires en la personne du Président sortant, candidat à sa propre succession et à son ministre de l’intérieur.
Le Président sortant, candidat à sa propre succession, incarne la boîte phonique et son ministre de l’intérieur celle des paramètres.

Le Président sortant, candidat à sa propre succession, a été ministre de l’Intérieur, Premier ministre et grand manager de la campagne électorale de Abdoulaye Wade en 2007 réélu dès le premier tour. Ces propos qu’il a eu à tenir depuis le début de son mandat présidentiel sont plus que révélateurs de ce qu’il avait comme objectif pour l’échéance du 24 février 2019 : un second mandat dès le premier tour, comme en 2007.
Sans état d’âme, il prévenait clairement en proclamant : «La présidentielle, j’en fais mon affaire.»
«Je ferai tout pour réduire l’opposition à sa plus simple expression.»
«L’opposition doit subir ma politique, que ça plaise ou pas.»
C’est le président de la République qui parle avec toutes les prérogatives que lui donne la Constitution, de surcroit dans le cadre d’un régime présidentiel hypertrophié.

Les dispositions constitutionnelles font qu’il détermine la politique de la Nation, préside le Conseil des ministres, nomme aux emplois civils, est le Chef suprême des Armées et nomme à tous les emplois militaires et dispose de la force armée, il nomme le Premier ministre et met fin à ses fonctions, sur proposition de ce dernier nomme les ministres, fixe leurs attributions et met fin à leurs fonctions, peut prononcer par décret la dissolution de l’Assemblée nationale. Il préside aussi le Conseil supérieur de la Magistrature.

A cela s’ajoutent, d’une part, un budget annuel que lui vote l’Assemblée nationale, sous forme de loi de finances, dont celui en cours fait plus de 4000 milliards de francs Cfa avec une allocation de 8 milliards à titre de fonds secrets et, d’autre part, un patrimoine foncier, baptisé domaine national, qu’il attribue à la pelle sans justification.

Telles sont les caractéristiques de la première boîte noire du processus électoral, incarnée par le Président sortant, candidat à sa propre succession.

La seconde boîte noire sera celui qui à la charge de l’organisation de l’ensemble du processus et qui n’est rien d’autre que le ministre de l’Intérieur, en la personne de Aly Ngouille Ndiaye, membre de l’Alliance pour la République (Apr), parti politique du Président candidat, responsable politique de la coalition Benno bokk yaakaar du département de Linguère, maire de la ville du même nom.
Répondant aux directives de son camarade Président sortant candidat -la boîte noire phonique- il se charge des paramètres de la deuxième boîte noire.
Sur le plateau de l’émission «Cartes sur table» de la chaine 2STV présentée par Pape Alé Niang le dimanche 25 février 2018, soit à un an du scrutin du 24 février 2019, il déclare sans ambages : «J’ai la ferme intention de travailler pour que le Président Macky Sall gagne au premier tour. Pour cela d’abord, je ferai inscrire tous ceux qui veulent voter pour Macky Sall. Je m’emploierai pour qu’ils récupèrent leurs cartes d’électeur et je les aiderai à aller voter pour Macky Sall.» C’est clair, limpide comme l’eau de roche. Les motsclés comme ferme intention, travailler, gagner au premier tour, faire inscrire ceux qui veulent voter pour Macky Sall, récupérer les cartes d’électeur, aider à aller voter pour Macky Sall, sont autant de paramètres qui vont transformer le ministère de l’Intérieur en une usine de fabrique de la victoire dès le premier tour pour Macky Sall. Avec les machines que vont lui donner la Direction de l’administration des fichiers (Daf), la Direction générale des élections (Dge) et le commandement territorial visiblement politisé, placés sous sa responsabilité directe.
Une usine en dehors de tout contrôle extérieur mise en marche pour fabriquer et faire sortir la marchandise de mar que «gagner au premier tour» à livrer au soir du 24 février 2019, selon la volonté du candidat et sous la haute direction du maître de céans, le ministre de l’Intérieur, avec sa feuille de route clairement défi nie : «Ferme volonté, gagner au premier tour, faire inscrire tous ceux qui veulent voter pour Macky Sall, leur faire récupérer leurs cartes et les aider à aller voter.» En usant et abusant à satiété des matières premières dont ils détiennent le monopole exclusif sur le marché à savoir : le fichier électoral, les résultats de ses différentes révisions annuelles et la Carte électorale et en s’entourant de garanties par les mesures d’accompagnement prises comme la corruption des structures de supervision et de contrôle du processus tels la Daf, la Cena, la Cour d’appel et le Conseil constitutionnel, en les transformant en planques de retraités payés à coups de millions ; l’interdiction systématique des manifestations pacifiques de l’opposition en invoquant à chaque fois l’«arrêté Ousmane Ngom». La loi sur le parrainage avec l’utilisation de ses fiches comme des niches de promesses ou d’intentions de vote qui ont servi de guide pour leurs campagnes de proximité et de porte-à-porte, moments privilégiés de distribution des enveloppes bourrées d’espèces sonnantes et trébuchantes et de sacs de riz.
L’arbitre du jeu, le ministre de l’Intérieur, l’avait promis avec fermeté et à haute et intelligible voix  : son candidat, le chef de son parti, Président sortant, candidat à sa propre succession, a gagné au premier tour, mais, comme le montrent les révélations des «deux boîtes noires», tout a été fabriqué de main de maître, à l’insu de ceux qui devaient se déplacer le 24 février pour aller voter.
Les résultats sortis des urnes ont ainsi été préfabriqués, parce que minutieusement préparés et consciemment mis en œuvre. Les manipulations ont été de tous ordres. Le Cadre de concertation sur le processus électoral, la Mission d’audit du fichier électoral 2018, la Mission d’observation et d’imprégnation de certaines expériences de parrainages, le Comité national de suivi électoral et les 5000 observateurs, nationaux comme internationaux du jour du scrutin, n’y ont vu que du feu. Quand le processus se déroulait à l’Est, ils ont tous été orientés vers l’Ouest. Thomas Boni Yayi, ancien Président du Bénin, chef de mission d’observation du jour du scrutin de la Présidentielle du 24 février, vient d’être rattrapé par l’histoire, quand de retour dans son pays, il assiste, impuissant, aux manœuvres tendant à écarter son parti des élections législatives avant le jour du scrutin, scrutin qui rendra le verdict qu’aura voulu, décidé et officialisé son successeur de Président, Patrice Talon.

Quant aux responsables de la majorité présidentielle qui se crêpent le chignon en voulant s’approprier la victoire de leur mentor dans telle ou telle zone, ils gagneraient à faire preuve de beaucoup plus de modestie car ils n’ont servi que de faire-valoir. Macky Sall, Président sortant candidat à sa propre succession, et son ministre de l’Intérieur, Aly Ngouille Ndiaye, maître d’œuvre de la conduite de tout le processus électoral, savent d’où provient la victoire sortie des urnes et validée par le Conseil constitutionnel.

A tous ceux qui bombent le torse et revendiquent cette vic
toire, on peut leur opposer ces propos absolument justes de Mame Adama Guèye : «Les chiffres, c’est ce qui ressort du décompte du jour du scrutin, mais c’est le résultat de tout un processus… le jour du scrutin est le processus d’achèvement de tout un dispositif de fraudes, de manipulations, et de tripatouillage pour parachever un hold-up.» L’étude et l’analyse de nos deux boîtes noires le confirment parfaitement.