Le nouveau ministre de la Culture et de la communication vient de vivre son premier «revers» avec des acteurs du secteur… les musiciens. «Revers», d’’autant qu’à l’issue de leur audience en présence de l’équipe dirigeante de la Sodav (Société du droit d’auteur et droits voisins), nouvelle structure de gestion des droits des créateurs qui a remplacé le défunt Bsda et objet de leurs griefs, une partie aura récusé son autorité et décidé de s’en référer, directement au président de la République.
Le ministre qui se voit désavoué par une frange, congrue certes, de ceux qui sont ses interlocuteurs directs, au moment où il arrive. Cependant, nous sommes tenus de reconnaître des circonstances atténuantes pour le ministre Abdoulaye Diop, d’autant qu’il vient d’arriver, et que «le revers» qu’il vient de subir est le résultat d’un malaise plus profond, auquel il est totalement étranger…
La loi sur les droits d’auteur et droits voisins (loi 2008-09 du 25 janvier 2008), l’une des rares lois portées par les acteurs de la culture ces dernières décennies, a mis en place la Sodav, une société de droit privé consacrant de nouveaux droits que sont les droits voisins. La Sodav est venue remplacer le Bsda qui était une société parapublique.
Je dois préciser que cela fut certes l’expression d’une volonté politique, mais également et surtout le résultat d’un combat de longue haleine, fait d’engagement et de militantisme des acteurs de toutes les corporations du secteur, même s’il faut avouer que les acteurs de la musique se sont mieux illustrés dans ce processus.
La loi sur les droits d’auteur et droits voisins a fait faire au Sénégal une avancée notable ; en effet au moment où le Bsda ne s’occupait que des auteurs, la Sodav gère, en sus de ces droits, de nouveaux droits appelés «droits voisins» qui rétribuent désormais les interprètes et les producteurs qui n’étaient pas pris en compte par l’ancienne loi qui avait mis en place le défunt Bsda.
«Le développement des technologies, notamment numériques, a bouleversé l’équilibre entre les intérêts des titulaires de droits et ceux des consommateurs. La multiplication des copies permise par les lecteurs de cassette, puis par les magnétoscopes et désormais par une gamme étendue d’appareils et de supports numériques qui se sont substitués aux matériels analogiques a considérablement accru le manque à gagner des auteurs et autres ayants droit. C’est la raison pour laquelle la loi a instauré une rémunération juste et équitable visant à compenser financièrement le préjudice subi par les auteurs et les titulaires de droits voisins» (Cf. Les Tic une chance pour l’Afrique).
Ces nouveaux droits seront gérés au sein de la Sodav par deux (2) Commissions administratives que sont, la Rémunération équitable et la Copie privée.
La rémunération pour copie privée est fixée forfaitairement pour chaque support, en fonction de la durée ou de la capacité d’enregistrement qu’il permet et de son usage.
La téléphonie mobile est devenue la «la vache à lait» légale, je devrais dire, des auteurs, des «voisins» et de la société de gestion des droits. Et comme l’a reconnu Didier Awadi, «…nous n’avons pas vu venir, et les dalal tone de musique religieuse reçoivent désormais plus d’argent que nous…».
Mais l’autre intérêt de cette «jacquerie» contre la Sodav, c’est qu’elle nous permet de reconnaître que certains de nos acteurs, et pas des moindres, concernés par la loi 2008-09 du 25 janvier2008 n’en comprennent ni les tenants ni les aboutissants. Ce que le directeur-gérant a reconnu et promis de rectifier.
Les «musiciens» se sont tout de même signalés ; certes de manière peu orthodoxe, même si prêcher le faux pour connaître le vrai est une technique bien usitée, mais cela aurait eu le mérite d’une part de faire percevoir aux gestionnaires de la Sodav que leur instrument de travail est un outil qui leur a été confié par les acteurs qui ont donc la latitude de leur demander des comptes, et d’autre part permis à certains de ces acteurs de savoir que le Bsda appartient désormais à la préhistoire et qu’avec la Sodav, il entrent de plain-pied dans une gestion moderne et autonome de leurs droits.
A contrario, combien d’acteurs des arts plastiques connaissent ce qu’est «le droit de suite» ? Combien de danseurs-interprètes sont à même de dire ce que leur rapportent les droits voisins et comment faire pour gagner plus d’argent ? Les comédiens, idem…
Toujours est-il que la Sodav a emmené un plus dans le cadre de la lisibilité de notre politique culturelle et est appelée à jouer encore pour longtemps un rôle déterminant dans la gestion des droits d’auteur et droits voisins, en attendant de voir l’avénement d’une société de gestion par discipline artistique.
Mamadou Ciré CISSE
Dit Dano Consultant