Ils disent partout qu’ils sont «sûrs de gagner au premier tour». Et cependant, tout leur comportement et les actes qu’ils posent trahissent une inquiétude diffuse, un manque de sérénité et de confiance dans leur camp.
Des comportements indignes
Le comportement de leur mandataire lors du dépôt des dossiers de parrainage illustre bien ce manque de confiance du camp du Président sortant. Comment comprendre que des gens, «sûrs» de gagner, puissent se précipiter au siège du Conseil constitutionnel à l’aube pour déposer leur dossier les premiers ? Et surtout quand c’est une ancienne Première ministre qui s’enorgueillit d’un tel «exploit», comme une lavandière qui nargue les autres d’avoir été la première à la berge du fleuve pour avoir la meilleure place ! Cette précipitation au siège du Conseil constitutionnel et le parrainage, imposé dans les conditions que l’on sait, font partie de manœuvres indignes et honteuses utilisées par le camp du Président sortant pour éliminer des adversaires.
En vérité, la politique consistant à éliminer les opposants a commencé avec Karim Wade, seule victime de la liste dressée par la Crei, ressuscitée par le régime de Macky Sall. Elle s’est poursuivie avec l’arrestation et la détention arbitraire de l’ancien maire de Dakar, Khalifa Ababacar Sall, dont tout le monde sait que le procès est purement politique.
Mais toutes ces manœuvres risquent de se refermer comme un piège sur le candidat sortant. En effet, on peut éliminer certes Khalifa Ababacar Sall et Karim Wade par l’instrumentalisation de la justice, mais on n’a pas pour autant éliminé leurs électeurs. Au contraire, les humiliations qu’on a fait subir à leurs leaders pourraient les inciter davantage à se mobiliser pour faire tomber le candidat sortant. Quant au parrainage, il aura réussi à créer la solidarité entre candidats de l’opposition, les recalés comme ceux qui ont été admis.
Parallèlement à ces manœuvres honteuses, une vaste pêche aux transhumants est engagée dans le but d’affaiblir davantage l’opposition. Il en est ainsi du «gros poisson» des Parcelles Assainies, du maire de Ziguinchor, de madame le maire de Podor ainsi que des transfuges du Pds et d’autres gibiers prêts à se faire prendre contre des espèces sonnantes et trébuchantes. Et d’ailleurs, les achats de conscience se sont intensifiés sous la forme de «projets» tous azimuts financés par les tenants du régime en direction surtout des jeunes et des femmes et des financements de la Direction de l’entrepreneuriat rapide ou plutôt Direction de l’enrichissement rapide (Der). Et ces achats de conscience vont s’accélérer au fur et à mesure qu’on s’approchera de la date du 24 février.
Un autre comportement répréhensible du camp du candidat sortant est celui du Premier ministre qui n’a plus que l’invective et même l’insulte à la bouche contre tous ceux qui critiquent le régime ou élèvent la voix contre les dérives dictatoriales de celui-ci. Dans son zèle à défendre coûte que coûte son Président, le Premier ministre s’est discrédité au point qu’un journal l’a surnommé «talentueux insulteur». Il a ainsi troqué son manteau de Premier ministre au service de la République contre le titre «d’insulteur talentueux» de la République.
La peur au ventre
Le but de tous ces comportements indignes est la recherche d’un second mandat, coûte que coûte. Quitte à faire le forcing par une fraude massive et peut-être même à marcher sur des cadavres. La réalité est que le camp présidentiel a la peur au ventre. La peur de perdre le pouvoir et d’avoir à rendre compte de sa gestion qui n’a été ni «sobre» ni «vertueuse». Le refus de nommer un «Monsieur Election» neutre, à la place du ministre de l’Intérieur, renforce le sentiment que le régime n’est pas sûr de lui. Surtout quand on sait que ce ministre a perdu toute crédibilité en avouant publiquement avoir pour seul objectif la réélection du candidat sortant.
L’incertitude du scrutin pour ce candidat se justifie amplement par son bilan peu reluisant. Le Président lui-même reconnaît qu’il a échoué dans sa politique de l’emploi et promet de «mieux faire» s’il est réélu. Malgré tout, dans son discours du 31 décembre 2018, il dit que 491 mille emplois ont été créés. On notera au passage que 9 000 emplois manquent à l’appel sur les 500 mille qui étaient promis. Ensuite, dans ces 491 mille, quelle est la part d’emplois permanents et celle d’emplois temporaires ? Un autre passif du bilan est le contrôle des secteurs-clés de l’économie par des entreprises étrangères, sous couvert de financement du Pse.
Le passif du septennat se décline également en grèves répétées dans les secteurs vitaux de l’économie du pays, la santé et l’éducation, du fait des accords passés avec les travailleurs de ces secteurs et non respectés par le gouvernement. L’Etat, pourtant supposé être «liquide», selon le ministre de l’Economie, des finances et du plan, est incapable de faire face à ses obligations. La réalité est que ce ministre vit dans le mensonge permanent et le maquillage des chiffres. Il a fallu que le Fonds monétaire international (Fmi) attire l’attention sur les «tensions financières» pour qu’il le reconnaisse enfin, après l’avoir nié pendant des mois face aux alertes d’honorables députés et d’anciens Premiers ministres et hauts fonctionnaires.
A cela, il faut ajouter une «gouvernance» caractérisée par une gestion clanique, le népotisme, la corruption et le pillage des deniers publics. Des scandales financiers à foison ont émaillé le septennat finissant. On peut citer celui du Prodac, impliquant un ministre à la tête vide et qui n’a que l’insulte à la bouche. Ou encore celui du Coud, signalé dans le premier rapport de l’Ofnac. On peut citer d’autres pillages, comme celui de la Poste, etc. Un tel bilan ne peut que susciter des inquiétudes pour le candidat sortant et ses soutiens.
En vérité, la sérénité et la confiance ne sont pas dans leur camp. C’est plutôt une grande angoisse devant la montée des périls, avec la prise de conscience d’une impopularité grandissante et la détermination de l’opposition et de l’opinion à obtenir des élections transparentes.
Les fanfaronnades de l’Armée mexicaine et de ses mercenaires ne visent donc qu’à se donner du courage face à une échéance de plus en plus incertaine, en dépit de tous les subterfuges et manigances. Mais le Peuple sénégalais n’est pas dupe. La «victoire au premier tour» est une illusion et même une chimère. Ceux qui le font croire feraient mieux de revenir sur terre et de regarder la réalité en face.
Demba Moussa DEMBELE
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