Il est venu gravir les marches du «Quotidien» avec la souplesse du technicien, mais aussi avec la raideur du politicien qui se demandait si, en passant à table, c’est lui qui allait faire partie du menu ou si au contraire, allait lui être servie une décoction spéciale produite par l’esprit des journalistes. Néanmoins, le scientifique, qui a inventé la machine à décortiquer le fonio, un élément qui a transformé la vie de plusieurs populations dans le Sud et l’Est du pays, a retrouvé sa rigueur et son enthousiasme quand il s’est agi d’expliquer et de démontrer l’utilité de la structure qu’il lui est donné de diriger, et à laquelle il a donné depuis lors une grande visibilité.
Néanmoins, nul ne peut affirmer que ce n’est pas un calcul retors de politicien ou une innocence de novice, qui l’ont incité à lâcher, au détour d’une question, la phrase-clé, qui certainement, va déterminer dans les semaines à venir, ses relations avec ses camarades de parti dans son terroir koldois. Sanoussi Diakité a en effet, déclaré ses ambitions pour sa ville.

Est-ce que la mise en place de l’Onfp entre dans le cadre de l’augmentation de la création d’emplois ?
La formation professionnelle est au cœur de la problématique de l’emploi. D’ailleurs, on dit que la formation professionnelle est le passeport pour l’emploi. On ne peut pas parler d’emploi si l’on ne parle pas de formation professionnelle, ce n’est même pas possible.
On parle de l’emploi non formel, cela ne demande pas nécessairement de formation
Si. Tout emploi demande une aptitude, que l’on soit dans l’auto-emploi ou dans l’emploi salarié. Tout emploi demande une aptitude, mais l’aptitude n’est pas innée, elle est installée, notamment par le biais de la formation. Et quand on n’a pas l’aptitude d’exercer une fonction de travail, on peut avoir l’intelligence, on peut avoir des prédispositions, on peut avoir de la créativité, de l’imagination, on peut avoir du talent, c’est la formation professionnelle toujours, qui fait du talent une force productive. Quand on se met au travail sans en avoir la formation, on n’a pas le revenu qu’il faut et on ne peut pas conformer le geste professionnel à une règle, à une norme. Et quand ce n’est pas conforme à une norme, ça ne peut pas produire le résultat attendu et si le résultat n’est pas là, le revenu non plus ne sera pas là. Parce qu’il y a un lien entre la qualité du geste professionnel qu’on pose et le niveau de revenu. C’est à cause de ça qu’on dit qu’avec l’auto-emploi, on est plutôt installé dans la précarité. Et des études ont montré qu’en fait, c’est le manque de qualification qui fait que le revenu est faible pour l’auto-emploi.
Quel est l’impact de l’Ofp dans la politique de création d’emploi ?
Un impact qu’on peut assimiler à celui du secteur d’accompagnement. La formation professionnelle est pour l’emploi, les secteurs d’activité, ce que l’électricité est pour les secteurs d’activité. C’est un impact d’accompagnement. La formation professionnelle n’existe pas pour elle-même ; elle existe pour renforcer les questions d’emploi, mais aussi les questions de productivité de travail, pour contribuer à la compétitivité des entreprises. C’est une fonction de la formation professionnelle. Donc, par rapport à question de l’emploi, c’est un rôle important qu’on joue, à travers l’accompagnement de grands programmes d’investissement de l’Etat. Je prends l’exemple des chantiers du Mca (Millenium challenge account. Ndlr) à Kolda, ou bien du port de Foundiougne. Ça demande une main d’œuvre qualifiée. Et il faut préparer les jeunes à acquérir ou capter les opportunités d’emplois. Il faut qu’on les qualifie. C’est pourquoi on dit que l’Onfp crée l’emploi par la qualification professionnelle. C’est parce que les gens sont qualifiés qu’ils seront aptes à occuper des emplois. Et tous les grands emplois que vous voyez nécessitent cet accompagnement, si on veut traduire la volonté des autorités en faits. C’est-à-dire, quand un investisseur vient, on lui dit, ‘’votre usine c’est combien d’emplois’’, il dit ‘’voilà ce que ça peut générer comme emploi’’. Mais ce que ça peut générer, c’est un potentiel qu’il faudrait traduire en réalité. La réalité, on la traduit justement en préparant les jeunes à capter ces opportunités. C’est ce que nous avons fait à Djogo, à Matam, autour des phosphates de Ndindori. C’est ce que nous avons fait à Foundiougne par rapport au port, à Kolda. C’est que nous faisons dans les métiers à passations de marchés par exemple, dans les métiers du numérique… tout cela, dans la perspective de s’insérer dans un créneau porteur d’emplois. Donc, la formation professionnelle prend de la valeur avec ces résultats, c’est l’indicateur d’efficacité de la formation professionnelle, qui est l’insertion. C’est vrai qu’il n’y a pas que l’emploi salarié. L’essentiel au Sénégal, ce n’est pas l’emploi salarié. L’emploi salarié ne représente environ que 15% de l’emploi.
En 2017, vous aviez dit qu’au Sénégal les travailleurs qualifiés ne représentent que 6% de la population. Est-ce un scandale pour vous que ce ne soit que 6% qui soient formés ?
Je ne dis pas 6% de la population, mais 6% de la force de travail. Parce que la force de travail dans un pays, c’est la force qui porte la production. Il y a une tranche d’âge qui détermine la force de travail, c’est entre 15 ans et 60 ans, c’est une norme du Bit. On a dénombré le nombre de travailleurs qualifiés, pas le nombre de travailleurs. On a dit que le nombre de travailleurs qualifiés représente 6% de la force de travail. Cela veut dire que l’essentiel de la force de travail, en produisant, ne conforme pas son geste professionnel à une norme. Ça ne veut pas dire que les gens ne travaillent pas, que les gens ne prennent pas d’initiatives pour produire.
Ce n’est pas un scandale pour vous ?
Non c’est un état de fait, sur lequel il faudrait travailler. C’est pourquoi on dit que nous allons contribuer à accroître ce chiffre.
Et qu’est-ce qui a été fait dans ce sens ?
C’est tous les programmes que nous sommes en train de faire. Juste la part de l’Onfp, qui est un instrument à côté d’autres, nous avons formé 48 757 personnes, dont 27% sont qualifiés, ont un titre de qualification.
En combien de temps ?
De 2012 à maintenant.
Quel est le taux d’insertion ?
Sur le taux d’insertion, nous avons des cas illustratifs, nous n’avons pas de cas exhaustif. Pour les cas illustratifs, qui sont des cas témoins d’une situation globale, vous prenez Diogo par exemple, où on a eu 70% d’insertion, et à Kolda environ 75%.
Quand vous dites 70%, c’est à Gco ?
Oui, exactement, parce que nous avons créé les conditions pour cela. Et puis, on peut dire sans se tromper que le taux d’insertion est toujours très élevé. Parce que nous ne travaillons pas que pour l’emploi salarié, nous travaillons pour l’auto-emploi. Alors, toute personne qui vient pour être formée, doit venir avec un projet professionnel. C’est ça qui justifie nos formations. Et si la personne n’a pas de projet, elle n’est pas éligible à nos formations. Donc toute personne formée correspond à une situation d’insertion déjà prédéterminée. C’est cela qui est le propre de l’approche de l’Onfp en matière de formation professionnelle. On peut donc dire sans pour autant donner de chiffre exact que le taux de réinsertion se situe toujours autour de 70%.
Ne devrions-nous pas réformer notre enseignement au lieu de continuer à former des bataillons de littéraires ?
Il ne faut pas qu’on oppose la formation professionnelle à l’enseignement général. C’est la manière dont on les a articulés qui n’est pas suffisamment bonne. On les a mal articulés, parce que quand on a parlé de la formation professionnelle au niveau scolaire comme étant un moyen de résorber les échecs scolaires, cela n’est pas une fonction de la formation professionnelle. Et quand on la positionne comme ça, ce n’est pas attractif, les gens considèreront qu’ils vont en formation professionnelle parce qu’ils ont échoué. Or la formation professionnelle est d’abord dans le secteur du travail. L’enseignement général prépare à rentrer dans la formation professionnelle parce que, en fonction du niveau scolaire, on peut accéder à tel ou tel niveau de qualification. Donc, c’est nécessaire.
Le président de la République a dit : «Je veux que 30% des sortants du cycle fondamental puissent aller en formation professionnelle.» Le cycle fondamental au Sénégal, ceux qui viennent après la 3e, dans un premier temps, un objectif de 30% c’est énorme comme chiffre. Et cela veut dire créer des infrastructures, former des formateurs, équiper des centres pour pouvoir accueillir l’ensemble. Et tout cela au regard des besoins du marché du travail. La deuxième erreur qu’on a souvent faite à propos de formation professionnelle, c’est qu’on a voulu la planifier sur les données de population et non sur les données de marché du travail.
Est-ce qu’il ne faudrait pas changer de méthode ? C’est-à-dire planifier et anticiper, comme avec les hydrocarbures…
Je suis tout à fait d’accord avec vous, c’est ce qu’il faut faire. Aujourd’hui, le ministre Mamadou Talla a obtenu un appui de la Bad pour créer un centre sectoriel dans les métiers du pétrole et du gaz. L’Onfp a déjà engagé des formations qualifiantes dans ce domaine. Il y a un ensemble d’initiatives qui sont prises pour pouvoir préparer la main d’œuvre à capter les opportunités de ce secteur des hydrocarbures. D’ailleurs, il y a une initiative sur l’Inpg. Mais la vision de l’Inpg c’est au niveau supérieur. Il y a des niveaux de base, des qualifications de base et celles intermédiaires que la Bad va aider à mettre en place, pour former des techniciens, techniciens supérieurs et ou­vriers. Et on a besoin de beaucoup de métiers dans le domaine du pétrole et du gaz et dans les différents segments. Il ne faut pas dire que le Sénégal est producteur de pétrole, et que c’est maintenant qu’on devrait s’occuper de la formation professionnelle, non. De tout temps on devait s’occuper de cela parce qu’il y avait une activité pétrole et gaz au Sénégal, ça a toujours existé. La nouveauté, c’est la production.
C’était pourtant ça, l’idée du Président Wade quand il parlait du programme Bac moins. C’est-à-dire tous ceux qui ont échoué au Bac et qui n’arrivent pas à accéder à l’enseignement supérieur… ?
Je ne pense pas que c’est comme cela que ça s’est dit. Mais ce qui est le plus important, c’est de dire qu’on a un programme de formation, et quels sont ceux qui ont les prérequis pour y rentrer. Et on doit envisager tous les niveaux de formation. On ne doit pas dire qu’on n’est lié à la formation professionnelle que quand on a atteint un certain niveau. A tous les niveaux, on doit pouvoir y accéder. Mais si on y accède à un niveau bas, on ne peut prétendre qu’à être ouvrier. Quand on y accède à un niveau de Bac, on peut aspirer à être un technicien supérieur, quand on y accède après le Bac, on peut dire que bon voilà on peut aller vers ingénieur, etc. C’est une nomenclature qui existe et qui est normée, qui est standardisée. Donc, la formation professionnelle prépare aux métiers mais chacun selon son potentiel peut accéder à l’emploi, à quelque niveau que ce soit et ça il faut l’encourager. Et ça aussi ça part du besoin du marché du travail. C’est-à-dire que quand le marché du travail a besoin d’ouvriers, si vous dites, on ne va former que des ingénieurs, vous allez être en déphasage. C’est ce qui d’ailleurs arrive au Sénégal, toutes les études montrent qu’on a une pyramide renversée. C’est le sommet qui est plus large que la base alors que c’est la base qui devrait être plus large. On a plus de cadres et on cherche des ouvriers, des cadres intermédiaires dans certaines filières parce que tout le monde croit qu’il faudrait arriver au plus haut niveau pour pouvoir compter dans la société. Alors que pour l’insertion professionnelle, il faut entrer et c’est ça un peu le système anglo-saxon. Je rentre, et je monte, au lieu de monter pour entrer.
Pour le secteur des hydrocarbures vous avez déjà enclenché la formation. Aujourd’hui est-ce qu’on peut avoir la statistique du nombre de jeunes qui sont formés ?
923.
Dans quels domaines ?
Pétrole et gaz. On a formé dans 4 métiers, indiqués par les professionnels à travers l’Association sénégalaise des professionnels du pétrole (Asp) et l’Organisation des professionnels du pétrole. Ce sont des organisations professionnelles qui regroupent des compagnies. Elles se sont prêtées à une collaboration extrêmement constructive. Elles ont accepté même de mettre à notre disposition des plateaux techniques sur lesquels nous avons pu faire les formations. Donc, là les 4 métiers dont il s’est agi c’est, le métier de pompiste, graisseur-laveur, agent de sécurité de site pétrolier et gestionnaire de dépôt de gaz. Et je précise que tous ces 4 métiers-là, sont ceux du pétrole et du gaz mais sont du segment qu’on appelle la distribution. Mais avant la distribution, il y a la transformation, avant la transformation, il y a la production. Donc, on était à l’aval du processus, et maintenant le Sénégal va entrer dans une phase où on va être à l’amont. C’est-à-dire au niveau de la production. Ça va nécessiter encore de la main d’œuvre mais beaucoup plus dans la transformation et dans le contenu local. Ce contenu local qui va être le champ d’évolution de l’essentiel de la main d’œuvre qu’on doit former dans les métiers de pétrole et du gaz.
Près de 7 ans après, vous avez formé environ 50 mille personnes alors que l’objectif du gouvernement était d’insérer environ 500 mille personnes. Aujourd’hui le Président, avant même de prendre fonction, a fixé ces objectifs au double, à un million pour le nouveau quinquennat. Est-ce que vous pourriez tenir le rythme…
…Ce que je dis là, c’est juste l’Onfp tout court.
…Qui est un maillon très important.
Maillon très important oui, mais c’est l’Onfp tout court. Je ne parle pas de tous les organes, je ne parle que des formations de l’Onfp.
Oui mais tous les autres organes dépendent quelque part de l’Onfp…
Non, ils ne dépendent pas tous de l’Onfp, ils ont leur propre programme. Nous, nous sommes dans la formation dite qualifiante. Nous préparons à des titres professionnels. Nous ne préparons pas un Cap, un Bep, ou un Bts, non. On prépare à des fonctions de travail. Mais les données statistiques montrent qu’on est déjà à 100 mille dans la formation. On a atteint le 100 mille alors qu’en 2012, on était à 26 mille. Ça, ce sont des formations scolaires débouchant sur des diplômes. Mais il y a beaucoup d’autres qui font la formation, elle est disséminée à travers beaucoup de structures. Il y a énormément d’acteurs qui échappent aux statistiques. Ce qui fait qu’on ne capte pas tout cela. Mais il est clair qu’il y a encore du chemin pour atteindre ce que le Président Macky Sall a annoncé en matière de qualification.
Est-ce qu’il y a une parfaite cohésion entre les dispositions mises en place et les différents program­mes par­ce qu’il y a l’Onpt, il y a les 3fpt. Est-ce qu’il n’y a pas un doublon?
Ce n’est pas un doublon. Le fonds est un financeur. L’Onfp en tant qu’office, est délégataire de pouvoir en matière de qualification. On délivre des parchemins qui reconnaissent à l’individu une aptitude à assurer une fonction de travail. Donc la fonction certificative est importante au niveau de l’Onfp. Cela ne l’est pas au niveau des 3fpt. Mais la mobilisation du financement pour irriguer le système de formation professionnelle oui, cela c’est le fonds. Mais la cohérence existe parce que tout cela se retrouve sous la supervision du ministre, qui distribue, selon une orientation préétablie. Donc, il n’y a pas de problème.
L’Onfp a-t-il assez de moyens pour accompagner le secteur privé à avoir suffisamment de main d’œuvre ?
Oui on a les moyens pour cela. Vous savez, dans des questions de ce genre, ce ne sont pas seulement les moyens humains ou matériels ou financiers, c’est la manière dont on les met en œuvre qui conditionne la capacité à traiter les problèmes. On peut avoir de très grands moyens mais si on n’a pas les bonnes stratégies, on n’arrivera pas à optimiser. Mais quand on a une bonne organisation avec des petits moyens, on arrive à régler des problèmes. Ce qu’il faut comprendre sur le contenu local, c’est qu’on dit que la production de pétrole va être destinée pour l’essentiel à l’exportation. Il y a une partie qui va rentrer dans notre pays et cette partie-là, le Président veut qu’elle atteigne les 20%… Cette partie-là pourrait être de la matière première pour des entreprises dans le cadre de la raffinerie, du transport, de la fabrication de produits dérivés tels que l’engrais, l’huile, etc. Donc, les entreprises vont s’installer parce que disposant de cette matière première-là et cela va créer de l’emploi. Une entreprise qui est dans le transport ou la transformation, la raffinerie, va avoir besoin de main d’œuvre déterminée. Celles qui sont dans la distribution vont avoir besoin d’autres, etc. Et c’est seulement ça qui va faire vivre notre économie, parce que pour l’essentiel, pour faire de de la croissance économique, il faut de l’emploi, c’est l’emploi qui permet de consommer. Et l’emploi permet de consommer les produits d’autres entreprises qui vont grâce à cette consommation-là, pouvoir vivre, et ça fait tourner l’économie. Donc l’emploi est essentiel, l’initiative privée va être importante mais c’est quand ça va générer de l’emploi que cela va avoir un impact sérieux dans l’économie. Sinon ce serait juste les impôts des firmes qu’on va prendre pour faire des choses. Mais si on veut que ça entre vraiment dans le pays, c’est par l’emploi que ça passe.
Est-ce qu’on sera prêt d’ici 2 ans ?
Il faut plutôt se poser la question si les entreprises seront là d’ici 2 ans pour faire un contenu local. La production va démarrer en 2021. Mais pour que le contenu local se mette en place, il faut des investisseurs. C’est pourquoi on appelle les opérateurs nationaux à se préparer déjà. Nous on les accompagne. Ils diront, on aura besoin de main d’œuvre de tel et tel profil, nous nous plierons à leur ordre pour former les jeunes et la population active de manière générale, afin qu’ils puissent avoir l’emploi.
Vous estimez à combien le nombre de jeunes ou le nombre d’emplois qu’il faudra créer d’ici 2021 sur le marché dans le secteur du pétrole ?
Je n’ai aucune idée.
Est-ce qu’il y a déjà un travail qui s’est fait dans ce sens. Est-ce qu’il y a un dialogue entre vous et le secteur privé ?
Oui on l’a engagé. Je l’ai déjà dit. Nous sommes en relation avec les organisations professionnelles au sein desquelles les entreprises sont en activité. Nous dialoguons avec elles. Et d’ailleurs elles viennent de terminer une convention collective pour les métiers du pétrole et du gaz, qui étaient jusque-là gérés par plusieurs conventions. Ils ont fait une convention collective vraiment spécifique. Et nous considérons que c’est intéressant. Ce dialogue est à maintenir. Et à l’Onfp, notre crédo c’est de dialoguer avec les branches…
Est-ce qu’il n’y a pas de risque de concentrer tous les efforts d’emploi uniquement sur les hydrocarbures et oublier les autres secteurs ?
Non ! On ne doit pas oublier les autres secteurs. L’agri­culture demeure le secteur socle de notre croissance. Ce n’est pas le pétrole et le gaz. C’est l’agriculture. Et les hydrocarbures doivent être au service de la croissance de l’agriculture. Il y a beaucoup de choses à faire dedans. Mais on ne se trompera pas de vision. Ceux qui se sont trompés ont payé les pots cassés. Il peut y avoir une situation de rente, une richesse superficielle, mais quand ça ne repose pas sur une activité économique largement diversifiée, il n’y a pas une redistribution de cela à travers les différents segments de l’économie. Ça peut créer après des problèmes.
Que devient la machine Sanoussi, la décortiqueuse ?
Elle se développe. Elle va suivre son bonhomme de chemin. Et la machine contribue aujourd’hui à repositionner le fonio dans des stratégies alimentaires dans notre pays, dans la sous-région. Et c’était ça le but. Le but n’était pas d’enrichir Sanoussi, mais de trouver une solution pour une céréale et lui permettre de jouer son rôle compte tenu de son potentiel, de sa richesse.
Vous en avez multiplié combien ?
On peut aujourd’hui estimer entre 200 et 250.
Au Sénégal ?
Pas seulement au Sénégal.
C’est peu. Pourquoi ne cherchez-vous pas à vous allier à un industriel ?
Je ne cherche que cela. Et cela est d’autant plus vrai que je ne suis pas un homme d’affaires. Il faut un homme d’affaires pour s’occuper des affaires. J’ai mis au point, j’ai fait des recherches. Je me plais bien dans cela.
La production à grande échelle avait commencé. Est-ce que ça s’est poursuivi ?
C’est un projet financé par le Fonds national de recherche agricole et agroalimentaire (Fnraa), intitulé diffusion à grande échelle. C’est un projet au travers duquel 80 machines ont été fabriquées et mises à la disposition de producteurs dans 4 régions que sont Kédougou, Tamba, Kolda et Sédhiou. Et dans le but d’encourager les producteurs à se relancer dans la production de fonio dès lors que la solution mécanique de décorticage était disponible. Voilà l’objectif du projet. Et cela s’est réalisé correctement. Le lycée Delafosse a fabriqué les machines et on les a placées dans les différentes localités. 80 localités. Les machines sont en train de travailler.
Vous travaillez sur d’autres projets d’invention ou maintenant c’est uniquement la qualification professionnelle ?
Je continue à travailler sur des projets d’invention.
Sur quoi ?
J’ai mis au point une moissonneuse de criquets.
C’est pour les Sérères ? (Rires)
C’était pour lutter contre le fléau des criquets. Parce qu’il y a une année où cela avait envahi les champs et détruit les récoltes. Et les gens utilisaient des pesticides, qui avaient un effet désastreux sur les cultures. Au lieu d’utiliser ces moyens chimiques, j’ai pensé à un moyen plutôt mécanique qui a la possibilité de préserver l’environnement. Cette moissonneuse est une puissante machine qui aspire dans un canal, les criquets et les broie. On obtient une matière pâteuse qu’on peut utiliser dans la pisciculture, l’aviculture… De sorte que, du danger, on va vers une opportunité.
Il est déjà au point ?
Il n’est pas au point malheureusement. Parce qu’il faut fabriquer le prototype, le tester. Une machine, ça suit un processus très rigoureux. On ne décide pas comme ça… Je vous ai annoncé son principe. J’ai testé le principe. Maintenant il faut passer à l’échelle de fabriquer le prototype, passer sur le terrain ainsi de suite.
Qu’est-ce qui vous a fait migrer de la conception scientifique vers la politique ?
La politique est un moyen de transformation sociale à l’échelle de la société. Lorsqu’on introduisait la machine à fonio dans le Boundou, dans le département de Goudiry, les populations avaient abandonné la culture de ce produit depuis 40 ans et le fonio est revenu dans cette localité parce que la machine était là. Cela a provoqué un changement social. A Vélingara, il y a une économie locale qui se développe autour de la machine. C’est ça aussi le changement social. Si la politique est le moyen pour élargir cela au maximum, tant mieux, il faut faire la politique.
Nécessairement la politique partisane …
Non, je parle de politique publique.
Mais la politique publique se traduit désormais sur le terrain par politique partisane…
Non. Le parti n’est qu’un cadre d’élaboration des programmes et d’actions. On n’est pas au service du parti mais du développement. On ne s’attache pas à un parti qui commande le développement. Le parti aide à aller vers le développement. Nous considérons qu’il y a plusieurs voies pour le développement. Les gens cherchent les voies les plus adéquates. Au sein d’un parti, les gens ont une convergence de vues dans le but d’avoir une voie à emprunter pour aller vers le développement.
Cela ne vous empêche-t-il pas d’inventer ?
J’invente dans la politique. Il faut continuer à faire des innovations sociales dans la politique. A Kolda par exemple, j’ai mis en place un dispositif qui aujourd’hui a pu créer beaucoup d’emplois, mais justement, par des innovations sociales. Cela s’appelle Initiatives insertion professionnelle (2Ip). Je suis venu à la conclusion que l’emploi est un processus et non quelque chose qu’on décrète. Ce n’est ni soudain ni spontané. Cela se construit à travers un processus dans lequel on prépare l’individu, les conditions nécessaires à l’emploi parmi lesquelles il y a la formation professionnelle et d’autres facteurs aussi. On a mis en place un dispositif pour accompagner les jeunes sur le trajet de l’insertion à travers l’identification de leurs besoins, au regard de la question de l’insertion. Aujourd’hui, plus de 1500 femmes ont obtenu leur financement, leur accompagnement sur leurs activités. Cela les a largement autonomisées. Plus de 140 jeunes ont obtenu un emploi salarié sur un chantier parce qu’on a fait la démarche d’aller vers le chef de chantier et lui demander la possibilité de recruter des jeunes. Il a dit oui tout en ciblant les métiers dans lesquels il a des besoins. On a recruté les jeunes par profil. On les a encadrés, amenés dans l’entreprise et aujourd’hui ils travaillent. La plupart du temps, les jeunes des zones périphériques manquent d’informations sur les opportunités, ou n’ont pas les aptitudes à saisir ces opportunités. Donc, si on les accompagne, ils auront la possibilité de créer un emploi.
Si vous avez fait ça, vous pourrez réclamer la mairie de Kolda…
Très certainement.
Vous ferez face à Bibi Baldé ?
Je ne m’occupe que de ce que je peux apporter à ma communauté. Je suis au service de ma communauté. Je ne nie pas l’existence de l’autre. Au contraire, je considère que nul ne peut empêcher la volonté de Dieu de s’exprimer ou de rivaliser avec quelqu’un. Donc, je dois rester sur mon chemin, sur ma communauté en essayant de trouver le maximum de solutions à mettre en œuvre. C’est ça qui est important.
Etes-vous candidat pour la mairie de Kolda aux Locales du 1er décembre 2019 ?
Oui, je suis candidat à la mairie de Kolda.
Quelle que soit la bannière, même si le parti ne vous investit pas ?
Le parti va m’investir.
Vous oubliez Bibi Baldé ?
Non, on n’est pas dans une démarche exclusive. Le Président est inclusif.
Vous en avez parlé au Président, de votre candidature prochaine ?
Si j’en ai parlé ? Par votre biais… Parce que ce n’est pas le moment d’en parler. C’est tout. Vous m’avez posé la question aujourd’hui, je vous ai répondu.
Quelles sont vos relations avec M. Bibi Baldé ?
Elles sont bien, cordiales, respectueuses. On se respecte quand on se voit. Tout va bien.
Pourtant, il ne répondait pas à vos invitations, à vos appels. Lors du meeting de l’unité, comme on a eu à le dire…
…Oui, il n’a pas répondu, pour des raisons qui lui sont propres, mais cela n’a pas entaché nos relations.
Il n’y a aucune rivalité ?
Si vous dites qu’expression des ambitions égale rivalité, alors c’est vous qui le traduisez comme ça.
Vous voulez lui prendre la mairie, ne cherchez-vous pas à l’écarter également du gouvernement ?
Moi misérable de la terre, est-ce que je suis capable d’écarter quelqu’un du gouvernement ? (rires).
C’est possible ?
Je ne peux pas. Ne prenez pas les choses de manière exclusive. Pourquoi Kolda n’aurait droit qu’à un seul ministre ? Pourquoi vous dites ça ?
On ne le dit pas. Mais si le Président vous choisit, vous dites oui. Il n’y a pas de problème….
Moi, j’ai été choisi par le Président pour être dans la fonction de Directeur général de l’Office national de formation professionnelle. J’ai assuré cette fonction et j’espère que c’est à sa satisfaction. Parce que c’est lui qui est seul juge du travail que j’ai effectué à l’Onfp. Parce que c’est lui qui me l’a confié. Maintenant, une autre fonction qu’il me destinerait, je serai toujours prêt à y répondre. Evidemment, j’y vais avec la volonté de pouvoir contribuer à la réussite de son programme, à la réussite de ses ambitions. C’est tout ce qui est important à dire. Et ça ne se fait jamais, ni contre quelqu’un ni pour quelqu’un. Je suis aux côtés du Président au service du pays. Voilà, le Président trace une voie. Il a une ambition. On lui a fait confiance pour qu’il dirige le pays. On lui a fait confiance pour qu’il mette le Sénégal sur des rails. On doit l’accompagner pour qu’il puisse réaliser les ambitions pour lesquelles le Peuple lui a fait confiance.
Vous êtes candidat, faites-nous le bilan de Bibi Baldé ?
Non, pas du tout. Demandez à M. Bibi Baldé de vous faire son bilan. Il faut lui poser la question.
Si vous êtes candidat, quelle serait votre ambition. Quel serait le plus que vous pourrez apporter à la population.
Non ! C’est trop tôt. Je ne vais pas décliner cela maintenant.
Alors qu’est-ce que vous avez réalisé jusqu’à présent pour votre terroir pour que vous sentiez que les gens de Kolda pourraient vous faire confiance ?
J’ai énuméré quelques exemples tout à l’heure. Il y en a plein d’autres. Mais je peux vous dire qu’il y a des problématiques sur lesquelles je souhaiterais apporter ma grande contribution à Kolda. Kolda est une ville traversée par un fleuve, le fleuve Casamance. Et par définition, à travers le monde, vous-mêmes, vous le vérifiez, toutes les villes qui sont traversées par un fleuve sont des villes riches. Donc Kolda est potentiellement riche. Mais le fleuve s’est ensablé. Or, Kolda peut vivre autour de son fleuve et par son fleuve.
Et vous avez un programme pour désensabler le fleuve ?
Oui mais je ne vais pas le dire.
Quel bilan tirez-vous de la Présidentielle ?
Ah ! Très satisfaisant.
Là, vous faites le bilan de la Présidentielle et vous ne faites pas le bilan de la mairie ?
Parce que je suis partie prenante de ce qui s’est réalisé. Je suis comptable de ce qui s’est réalisé en termes de résultats à la Présidentielle.
Vous avez votre part quantifiable ?
Non, je ne vais pas avoir cette prétention. Et personne ne peut avoir cette prétention de quantifier son apport dans la victoire. Je considère modestement que j’ai contribué. Et je dis simplement, je peux parler des efforts que j’ai faits. Mais je ne peux pas dire, je ne peux pas quantifier les résultats que ces efforts-là ont générés. Mais c’était vraiment bien.
Quels arguments avez-vous présentés pour convaincre les gens de voter pour votre candidat ?
On a montré aux gens le bilan du Président à Kolda. Il a fait des réalisations sur lesquelles on peut poser l’œil. Il a fait des réalisations très concrètes. Kolda aujourd’hui, a 10 km à l’intérieur de la commune, de routes bitumées. Cela a carrément changé la physionomie de la ville.
Il y a de nouveaux acteurs qui vont entrer en jeu, vous, vous avez votre ambition pour votre commune mais vous risquez d’abord d’être en lutte avec des membres de votre mais aussi des opposants et même des alliés comme Fabouly Gaye…
Moi, je suis sur un créneau, il y a des problèmes dans ma commune, j’y vois des solutions et je veux avoir le moyen institutionnel de le faire c’est tout. Aux Koldois de juger. Je ne peux pas dire qu’ils sont pour moi exclusivement, mais j’ai l’ambition de mettre en œuvre ce que j’ai vu comme solutions pour Kolda. Et je sais que je peux apporter grandement si je dispose de ce moyen institutionnel. Que quelqu’un d’autre ait l’ambition, c’est tout à fait normal. La compétition va être là mais c’est tout à fait normal.
Elle sera honnête, transparente et fair-play ?
Vous pouvez revoir mes déclarations, je ne suis jamais dans l’invective. Je ne suis jamais dans les attaques crypto-personnelles. Je veux être dans le traitement et on a suffisamment à faire sur les problèmes. Si on est courageux, on doit le montrer sur les problèmes, si on est guerrier on doit le montrer sur les problèmes mais pas sur des personnes. Si on est guerrier c’est sur les problèmes qu’on doit les montrer, les affronter et les résoudre.
La politique se joue également sur les petites phrases, les piques, et les coups ?
Oui mais je suis plus dans l’action politique que le jeu politique…
Vous êtes peut-être un mauvais politicien ?
Si c’est ça que vous appelez mauvais politicien oui, je le revendique, je suis un mauvais politicien. D’ailleurs, moi, je me considère comme homme politique, mais ce qu’on entend comme politicien je ne suis pas dedans. Je préfère être quelqu’un qui conçoit des actions qui peuvent générer des changements sociaux que j’organise, et mets en œuvre. Dieu sait qu’à Kolda on a initié tellement de choses comme ça. Par exemple, les audiences foraines pour l’obtention d’extraits de naissance, on les a organisées à Kolda, c’était une opération inédite. On a pu avoir plus de 1200 cas réglés.
Combien avez-vous gagné jusqu’ici avec votre invention la décortiqueuse ?
Rien.
Vous avez cédé vos droits d’auteur ?
Non, je n’ai rien gagné…
Pour une invention brevetée ?
Si vous parlez des retombées financières, je n’ai rien gagné. Mais j’ai gagné énormément d’autres choses. Je suis le premier Africain à gagner le prix Rolex. Je suis le premier à avoir Tech Awards en 2008 à Silicon Valley ; c’est la machine que me l’a valu. Innovation à impact social en 2013, la Médaille agricole française, c’est la machine qui me l’a valu. Donc il y a eu des retombées énormes mais la plus grande satisfaction, c’est de voir que le fonio est en train de reprendre dans le Boundou. C’est de voir que les femmes peuvent décortiquer leur fonio et préparer le même jour. C’est de voir qu’il y a des unités de transformation qui sont nées grâce à ma machine. Cette richesse-là elle est sans commune mesure avec l’argent.