La mémoire collective du Peuple sénégalais travaille à oublier les naufragés du Joola. Elle ne peut pas supporter le souvenir des pleurs, des cris de détresse, des lamentations, de la lutte pour la survie dans les derniers instants avant la mort des naufragés. Elle a du mal à gérer la solitude, la dislocation et le combat pour la reconnaissance des familles des victimes du Joola.
Elle a aussi du mal à faire face à elle-même, pour se regarder en face, telle qu’elle est dans toute sa laideur, c’est-à-dire dans sa lâcheté, sa légèreté, son irresponsabilité, son laxisme et son ingratitude dans tout ce qui est arrivé au bateau Le Joola la nuit du 26 septembre 2002 au large des côtes gambiennes. Car pour se voir, il faut se regarder dans un miroir. C’est pourquoi elle préfère renvoyer cette catastrophe maritime, qui hante son sommeil, dans la pénombre de son subconscient… aux oubliettes.
Elle préfère plutôt s’éclipser dans l’obscurité nocturne, au fond de l’océan, que de jaillir dans la lumière, en plein jour, comme une source d’eau. Notre mémoire collective est amnésique. Elle a du mal à se souvenir du passé et à se projeter dans l’avenir, parce qu’elle refuse de tirer les leçons de l’histoire et de changer elle-même radicalement.
La négligence, le laxisme, l’irresponsabilité, l’indiscipline et l’impunité au sein de la société sénégalaise continuent à faire leurs lots de victimes (morts et blessés) dans les accidents de la route, les négligences médicales, les incendies, dans l’Océan atlantique et dans une sorte d’insécurité galopante et presque généralisée.
En réalité, les leçons tirées du naufrage du bateau Le Joola ne sont pas sues par le Peuple sénégalais, pour ne pas dire qu’aucune leçon n’a été tirée. Ainsi, nous sommes dans un cercle vicieux et un éternel retour au mal ; ce mal qui ronge tant la société sénégalaise sans encore de solutions sérieuses…
Ngor DIENG
Psychologue-conseiller
ngordieng@gmail.com