Les marchés de nos différents quartiers (Tilène, Gueule tapée, Thiaroye, Grand-Dakar, Fass, etc.) sont le plus souvent créés pour répondre à des besoins financiers locaux, en utilisant les espaces disponibles pour offrir des produits et services. Ils peuvent être des installations spécifiques ou de simples zones commerciales aménagées dans la rue, selon les besoins. Ils servent à la fois de lieux de vente, de stockage et de réexpédition, de marchés de gros et de détail, et de centres d’emploi pour de nombreux artisans et commerçants. Par ailleurs, ils jouent un rôle crucial dans l’économie locale, soutenant les activités des artisans et des producteurs, et favorisant la diffusion des produits dans le cadre de l’intégration sociale et économique.

Les activités informelles qui s’y déroulent, bien qu’essentielles, peuvent cependant créer des conflits avec d’autres usages des rues, comme la circulation, ce qui crée un paradoxe intéressant dans l’aménagement de l’espace urbain (Marché Tilène, Marché Zinc).

Avant l’indépendance, la propreté des villes sénégalaises variait selon les zones, avec une ségrégation marquée entre les quartiers européens et les quartiers africains. Les villes administrées par les Européens comme Dakar ont connu des travaux d’assainissement comme les égouts, l’adduction d’eau et des rues empierrées, mais la cohabitation avec des quartiers peu équipés et surpeuplés créait des problèmes d’hygiène et favorisait la propagation des maladies.

Depuis l’indépendance, la responsabilité de la salubrité au Sénégal a été principalement assurée par le ministère de la Santé et de l’action sociale à travers le Service national d’hygiène (Snh), et par les collectivités locales pour la gestion des déchets. La législation a évolué vers le développement de politiques de santé communautaire et l’implication des acteurs locaux, comme les conseils de quartier, pour aborder la problématique de l’insalubrité.

Malgré l’existence de nombreuses structures chargées de la salubrité qui se sont succédé jusqu’à la Sonaged actuellement, un lancinant problème causé par la saleté dans nos marchés demeure. Il faut reconnaître en passant que la configuration actuelle de ces marchés ne facilite point leur entretien convenablement, avec le désordre qui y règne en maître. En effet, les marchés doivent disposer d’un carrelage ou d’un dallage permettant un lavage à grande eau, comme ça se fait ailleurs (au Maghreb, aux Caraïbes, au Bénin et au Malawi). En lieu et place, c’est du sable qui reçoit toute la journée des impuretés qui ne cesseront de s’accumuler jusqu’au breaking point.

Près de chez nous en Gambie, la viande au marché n’est pas exposée à longueur de journée à la gymnastique des mouches avant de rentrer dans la marmite. Elle est plutôt recouverte d’un tissu de moustiquaire pour éviter tout contact avec un risque sanitaire (poussière, mouches).

Nettoyer un marché est crucial pour prévenir les maladies d’origine alimentaire en éliminant les bactéries et autres agents pathogènes, en réduisant le gaspillage et en prolongeant la durée de conservation des produits, en éliminant les résidus et en minimisant la croissance bactérienne, tout en garantissant la conformité réglementaire avec des normes strictes de sécurité alimentaire. Une bonne hygiène renforce également la confiance des consommateurs, maintient la qualité des produits et contribue à une chaîne d’approvisionnement alimentaire globalement plus sûre.

Le nettoyage élimine les bactéries telles que Listeria et Salmonella, qui peuvent causer des maladies graves chez les consommateurs ; quand il est régulier, le nettoyage empêche le transfert de bactéries et d’autres contaminants des surfaces sales vers le poisson ou la viande, garantissant ainsi un produit plus sûr. Le nettoyage élimine les résidus sur lesquels se nourrissent les bactéries, ralentissant la détérioration des aliments. Un environnement propre aide à préserver le goût et la texture des aliments, garantissant qu’ils répondent aux attentes des consommateurs. Nos marchés doivent se conformer tout simplement à des réglementations et normes strictes telles que définies dans le concept du Hazard analysis critical control point (Analyse des dangers et points critiques pour leur maîtrise/Haccp), qui imposent un nettoyage et une désinfection approfondis. La certification Haccp est une norme internationale reconnue pour la sécurité alimentaire, qui définit les exigences pour un contrôle efficace de la sécurité des aliments.

Toutefois, les marchés ne doivent pas être tenus seuls responsables des incidents de sécurité alimentaire. Les populations doivent aussi être impliquées dans ce combat, comme l’Association pour la promotion de la sécurité humaine (Aprosh) ne cesse de le clamer partout en se basant sur ce que l’avocat indien Mahatma Gandhi avait dit : «Tout ce vous faites pour moi, mais sans moi, est contre moi», en insistant sur l’importance d’impliquer et de responsabiliser les personnes que vous essayez d’aider, plutôt que de faire les choses pour elles sans leur participation ou leur consentement.

Un récent article sur les marchés et abattoirs comme empires de saleté et du désordre, paru dans Sud Quotidien du samedi 16 août, tire aussi la sonnette d’alarme sur les dangers que représente la saleté non traitée dans nos marchés.

La reconfiguration de nos marchés et la sensibilisation des populations représentent donc un investissement de valeur dans le domaine de la santé publique. Dans cette optique, les lanceurs d’alerte dont le champ d’action ne doit pas seulement se limiter au secteur de la finance et à celui de la mal-gouvernance, doivent être fortement impliqués pour une exploitation plus appropriée.
Alioune FALL
108, Comico Mermoz