Les sabotages des concerts

Etrangers qui vivez parmi nous, bonsoir !
Les sabotages des concerts de musiciens à l’extérieur par des Sénégalais de la diaspora, qui ne viennent plus pour assister et savourer l’art d’un musicien compatriote, mais pour bousiller son spectacle, relèvent et révèlent la condition de l’artiste sénégalais.
Quand chahuter la prestation d’un artiste devient une preuve concrète d’amour du pays et de patriotisme. La singularité du Sénégalais est manifeste.
La méconnaissance du travail des artistes est excusable, ceux que ça n’intéresse pas en sont libres, mais ceux qui ne les respectent pas portent en eux-mêmes une inconsidération génétique des arts, parce qu’à leurs yeux, les artistes font tout sauf travailler.
Ces compatriotes de la diaspora qui, après avoir saboté et empêché un concert, et qui le lendemain, vont travailler ou étudier, arborent sans le dire une posture de trahison du rayonnement culturel de leur propre pays, et bafouent le résultat d’un long et dur labeur.
Le travail des artistes est tout autant noble et difficile que celui de l’ouvrier, de l’étudiant ou du migrant commerçant qui étale sa marchandise, et qui pourtant n’a pas été forcé de fermer boutique.
Mesdames et messieurs, ces artistes aussi paient des factures et supportent des familles.
Etrangers qui vivez parmi nous, bonsoir !
Les artistes, et de toutes les expressions, ont porté bien de combats pour les indépendances des pays et la libération des peuples. Beaucoup en ont perdu la vie et d’autres des avantages.
Ils sont résilients et portent encore les stigmates de l’ère du coronavirus et de la raréfaction des lieux d’expression culturelle. Ces artistes sont les chantres de la paix et du vivre-ensemble.
Ils peuvent choisir de ne pas faire de la politique.
Jouer à l’étranger est une consécration pour un artiste, car son travail dépasse les frontières de son pays. Il se produit pour ne pas jouer exclusivement pour les Sénégalais, mais pour ses admirateurs, et pour ceux qui le suivent. Ils peuvent être de tous les pays et de toutes les cultures.
Sur le niveau de carrières artistiques et culturelles, ces concitoyens saboteurs risquent de briser des progressions, car ce serait risqué pour les promoteurs et les managers culturels de leur faire signer des contrats de concerts parce que leurs compatriotes viendraient pour les détruire gratuitement et qu’après rien ne se passera. Leurs évènements seront gâtés, et les gâteurs iront le lendemain bosser pour «am lu niou yoree seen njaboot» (gagner leur vie) et de façon éhontée se vanter de cela sur les réseaux sociaux, après avoir «assassiné» et humilié l’un de leurs propres compatriotes.
Allez-vous saboter les fiançailles et fêtes familiales ? Ces évènements sont autant mobilisateurs et festifs que les concerts des artistes.
Auriez-vous au moins le respect et la cohérence de ne plus rien célébrer qui regroupe des personnes ? Egalement n’y participez plus. Une famille en célébration d’un baptême va-t-elle être interdite et obligée de se plier parce que des acteurs politiques du quartier ne souhaiteraient pas la laisser passer ?
Et pourtant, les musiciens sont très prompts à annuler de grandes dates extrêmement onéreuses et coûteuses en temps et en énergie parce qu’un évènement malheureux s’est passé dans leur pays.
Un surprenant accident de la circulation qui a fait des victimes directes et des blessés, qui entraînerait un deuil national, supprime de facto un concert ou un évènement artistique quelconque qui a été préparé pendant des lustres et qui a mobilisé beaucoup de ressources humaines et financières, une armada technique et matérielle. Cerise sur le gâteau, les artistes ne sont jamais dédommagés.
Pour rajouter à leur peine, ces artistes se voient obligés par contraintes de violence, d’annuler des évènements préparés bien avant les manifestations politiques au Sénégal.
Ce manque d’empathie, de respect et de solidarité ne doit pas durer. Ils souffrent beaucoup.
A bien entendre ce message, et à le décoder, il faudrait prendre fait et cause pour la politique pour se faire valider et pour se produire. C’est n’est pas acceptable. L’apolitisme de l’artiste devenant criminel. Les acteurs du monde culturel, qui sont également dans les mouvements politiques, devraient élever la voix, exprimer de la solidarité et condamner ces pratiques.
Admettons que demain le parti politique que vous supportez arrive au gouvernement. Voudrait-il dire que les partisans de ce qui serait la nouvelle opposition se remettent à saboter les concerts pour dire qu’elle dénonce un gouvernement ?
Les artistes continueraient-ils d’être les boucs émissaires des antagonismes politiques au Sénégal ?
Eux ne pourront jamais se battre à armes égales par la violence et la condescendance. Ce sont des artistes.
Mes pensées fraternelles aux artistes de Ziguinchor.
L’alliance franco-sénégalaise a été incendiée. Le secteur culturel paie un des plus lourds tributs de ces évènements politiques au Sénégal.
Dieu !
Mamadou DIOL
Directeur artistique de Kaddu Yaraax théâtre Forum