Les Talibans reprennent le pouvoir à Kaboul : Un nouveau Vietnam pour les Usa

La chute de Kaboul hier, et le retour au pouvoir des Talibans, chassés il y a 20 ans par l’ancien président américain George W. Bush, souligne de manière éclatante la politique à courte vue des Américains, qui n’ont pas su tirer les leçons de leur débâcle au Vietnam il y a 46 ans. A nous Sénégalais de ne pas faire la même erreur au Mali.Par Mohamed GUEYE
– Un peu moins de 20 ans après être entrés en Afghanistan pour chasser les talibans du pouvoir, les Américains sont obligés d’en sortir, défaits et humiliés, pour laisser la place, dans la précipitation, aux mêmes talibans. La seule différence pour eux, en termes de (maigre) consolation, aura été l’élimination, par leur corps d’élite des Navy Seals, d’Oussama bin Laden, l’homme responsable de l’attentat le plus meurtrier jamais perpétré sur le sol américain, le 11 septembre 2001, et qui avait fourni le prétexte de l’invasion de l’Afghanistan.
Les talibans sont entrés hier à Kaboul, la capitale afghane, alors que les Américains, qui avaient annoncé la fin de l’évacuation de leur personnel militaire pour le 31 août au plus tard, n’avaient pas encore terminé leurs préparatifs, ni totalement sécurisé leur personnel diplomatique.
Dans l’urgence, le Président américain Biden a dû ramener un effectif de 5000 militaires pour garantir une évacuation sécurisée de ses compatriotes, en même temps que celle de quelques-uns des supplétifs afghans qui auront le bonheur d’être accueillis dans le pays de leurs anciens maîtres. Cela pourrait permettre d’éviter de revivre le cauchemar de Saigon en 1975, quand l’ambassadeur américain a dû fuir le Sud-Vietnam dans la précipitation, devant la poussée du Viêt-Cong, en emportant le drapeau de son pays. Une petite consolation, car, en dehors de cela, les Américains ne semblent avoir rien retenu de leur débâcle 46 ans auparavant ?
En Afghanistan comme au Vietnam et en Irak, les enfants de Roosevelt ont consacré des milliards de dollars pour équiper des supplétifs formés pour assurer à ces pays et leurs voisins, la «Pax Americana». En Irak, l’ambition de Bush-fils avait même été d’imposer un nouvel ordre régional. On a vu ce qu’il en est devenu. Au Moyen-Orient, Daesh est né de cette ambition américaine. En Afghanistan, l’ordre américain n’a même pas attendu le départ du dernier GI pour se dissoudre. Dans les deux cas, les occupants américains s’étaient appuyés sur des dirigeants faibles et corrompus, enrichis par les dollars généreusement fournis par l’Oncle Sam pour dominer leurs compatriotes. Ils n’ont jamais été soutenus par ces derniers. Obama avait semblé le comprendre, mais il a manqué de courage pour retirer ses troupes. Trump a exprimé la volonté, mais il a été coincé par son lobby militaro-industriel. Il faut féliciter Biden pour avoir osé franchir le pas.
Ce qui a permis d’en finir avec les sommes d’efforts, d’argent et de ressources humaines gaspillées en vain, dans la poursuite d’on ne sait quel idéal. On se demande si, dans son joli ranch du Texas, l’ancien Président George W. Bush, qui avait initié les invasions d’Afghanistan et d’Irak peu après, dans l’idée d’imposer à tous son idéal démocratique américain, a pu tranquillement siroter son coca-cola en regardant ces images de Moudjahidines dans les rues des grandes villes afghanes, alors que les derniers GIs étaient encore présents. Ses 8 ans de pouvoir n’auront finalement apporté ni paix ni prospérité à son Peuple et à ses alliés.
Le traumatisme de l’après-guerre du Vietnam avait été tel que nous, qui vivions dans l’illusion de l’hyperpuissance américaine, nous disions naïvement que les Américains, n’allaient plus commettre la même erreur de faire la guerre à la place d’un allié faible. Avec tous les moyens qu’ils mettaient dans cette guerre, nous étions convaincus que leurs alliés afghans allaient être au moins en position de négocier avec les talibans. Hélas ! Ashraf Ghani n’a pas résisté plus longtemps que Nguyen van Thieu à Saigon en 1975 à l’avancée de ses ennemis. Moins de 15 jours après avoir entamé leur offensive, les talibans ont assuré hier leur emprise sur l’ensemble du pays. L’allié des Américains, malgré toute son armada, a tenu moins longtemps que Mohammed Najibullah, que les Soviétiques avaient laissé au pouvoir en 1992 à leur départ. Ce dernier n’a perdu la vie qu’en 1996, abandonné de tous.
L’Afghanistan, le Mali et nous
Cette débâcle américaine devrait nous servir de leçon à nous Sénégalais. Sans en être le fer de lance, nous faisons néanmoins partie du corps expéditionnaire chargé de sécuriser le Mali face aux attaques jihadistes. Nous nous sommes rendu compte que face aux islamistes, l’Armée malienne est inexistante. Or, devant de nombreuses manifestations de haine envers leurs militaires, les Français se posent de plus en plus des questions sur l’utilité de leur mission dans ce pays. Le gouvernement et l’Armée du Mali sont encore plus corrompus et désorganisés que ceux d’Afghanistan, et ne pourraient même pas faire illusion 24 heures. La présence de notre Armée se justifie-t-elle sur le terrain dans ces conditions ? Nos militaires ne seraient-ils pas plus efficaces dans les limites de nos frontières, au lieu d’aller perdre leur vie et leur réputation pour les beaux yeux d’un régime qui, s’il n’est pas reformé, est de toute manière, condamné à plus ou moins brève échéance ?
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