L’Ess comme une piste crédible pour le développement économique de l’Afrique

Comment sortir le continent africain du marasme économique est la préoccupation majeure qui anime la quasi-totalité des recherches de la communauté scientifique en charge de proposer des solutions sur les questions de développement. Cette contribution est une opinion qui défendra, par des arguments scientifiques, que le modèle de l’Ess1 est un sas crédible qui pourrait conduire à l’émergence de notre continent noir.
Selon les données de la Banque mondiale2, l’Afrique compte 54 Etats indépendants et est peuplée de 1, 21 milliard d’habitants évoluant avec une croissance annuelle de 2, 5% et qui vivent sur une superficie de 30, 37 millions km2, soit 44 habitants au km2. Selon nos mêmes sources, les données économiques catastrophiques sur l’économie africaine illustrent un continent qui se distingue par une pauvreté endémique qui gangrène les populations dans une extrême paupérisation avec un Pib3 de 1701, 2 $ par habitant. En sus, l’Afrique subit d’autres maux tels qu’un endettement insoutenable de 1800 milliards $ qui ne cesse de plomber le continent selon les chiffres des Nu4, puis une assistance internationale faramineuse de 204 milliards $ d’aide publique au développement selon l’Afd5, en plus des détournements des deniers publics, des conflits ethniques, civiles et militaires, des restrictions en termes de démocratie et de l’Etat de Droit.
Selon la Banque mondiale, la croissance économique de l’Afrique serait de 3,6% par an. Le manque de création d’activités explique son fort taux de chômage de 6, 7%, qui a un impact sur la cherté de la vie avec une inflation vertigineuse des prix à la consommation estimée à 9, 5% par an. Cela explique aussi une population très pauvre, qui parvient difficilement ou quasiment pas aux besoins fondamentaux de la vie : 50, 6% d’accès à l’électricité, 3% d’accès à l’eau douce, 36% d’utilisateurs d’internet et enfin un faible taux d’Ide6 d’1,5%.
Malgré toutes ces difficultés, l’Afrique regorge d’une élite de haut niveau qui officie avec talent dans tous les activités professionnelles et est même sollicitée par les grandes firmes internationales à travers le monde. En sus, le continent noir possède des ressources minières et naturelles de qualité très recherchées, qui sont une chance exponentielle positionnant le continent en une future zone d’influence pour les prochaines années. Cela confirme que l’Afrique est porteuse de tous les atouts lui permettant de s’enrichir et d’endiguer définitivement la pauvreté. A mon humble avis, je pense que cette grande capacité de mutation sera un véritable sas pour les affaires internationales vers l’horizon 2030-2050. Encore mieux, selon les chiffres avancées par les Ifi7, le sous-sol africain serait extrêmement riche : 81% de coltan, 51% de cobalt, 98% de cuivre, 22% de fer, 24% d’uranium et de phosphates, 33% de manganèse, 58% d’or, 42% de vanadium, 51% de platine, 62% de diamants, 16% de pétrole. Les informations de la Cea8 prédisent que le vieux continent disposerait de matières premières uniques, ainsi que de ressources énergétiques et de ressources hydriques. Les études de l’Ocde9 ont authentifié que l’Afrique serait un continent porteur d’atouts inestimables qui l’avantagent sur les autres espaces géographiques dans des secteurs comme la pêche, le tourisme, l’artisanat, la culture, l’exploitation des terres fertiles, etc.
Malgré sa richesse exponentielle, l’Afrique est le continent le plus pauvre face à l’Europe, l’Amérique, l’Asie, l’Océanie, et elle ne cesse de s’engouffrer dans un dénuement incongru. Et, selon les données de la Cnuced10, elle se distinguerait par un très faible niveau de développement qui tournerait autour d’1% du Pib mondial. Et, elle compterait 12% de la population planétaire vivant avec un seuil de pauvreté, atteignant moins d’1 $ par jour. Pis, concernant les affaires stratégiques mondiales, les données de l’Omc11 affirment que l’Afrique capterait une faible part dans les échanges internationaux, avec un volume de moins de 3% malgré la hausse des exportations des biens et services qui a été enregistrée.
En conséquence, apporter une solution crédible et définitive à la banqueroute du continent africain est devenu impérieux afin de remettre le continent à l’endroit, en commençant par valoriser ses propres richesses tirées de ses ressources naturelles pour éradiquer la paupérisation des couches sociales et les ôter des questions primaires comme l’éducation, la santé, l’accès à l’eau potable, l’électricité, la sécurité et autres défis majeurs, etc.
Cette réflexion est récurrente et occupe la plupart des recherches et travaux empiriques des chercheurs dans toutes les disciplines. Et cela depuis 1960, où la plupart des Etats africains sont devenus indépendants, nous constatons plusieurs schémas tels que le Plan Omega, le Nepad et récemment l’Agenda 2063 qui proposent de déboulonner le continent de son marasme. Parmi ces pistes, certaines émergent des institutions internationales comme le Fmi12 ou panafricaines comme l’Ua13, des organisations savantes, des laboratoires de recherche, des écoles doctorales, de bonnes initiatives florissantes et des cercles de réflexion qui s’intéressent aux enjeux économiques du continent noir.
Cependant, la proposition que j’exprime à travers cette contribution vient garnir les offres en proposant une voie pour le développement économique à partir de micro-projets, tout en saluant les autres pistes telles que celle qui tendrait vers les gros projets pharaoniques d’investissements étant nécessaires et indispensables puisqu’ayant des effets positives sur l’économie d’une Nation. Et le développement économique des Brics+14, les quatre dragons asiatiques 15 et les pays du Golfe persique membres de l’Opep16 sont des exemples réels.
Il est loisible de penser que la stratégie du développement de micro-projets fonctionnant avec une orientation du modèle économique de l’Ess serait une piste qui pourrait mener à l’émergence économique de l’Afrique en livrant rapidement une alternative au manque de visibilité qui insuffle les villages isolés du continent confrontés à des maux tels que l’exode rural, la précarité, la faible scolarisation et alphabétisation, l’inactivité juvénile et l’épineuse question sanitaire et sociale. Cela veut dire simplement que l’émergence et le développement de l’Afrique pourraient se déclencher par le modèle de l’Ess. Et cette affirmation est crédible puisqu’elle a été expérimentée avec succès dans certaines localités pauvres du Sénégal comme Ngourane, Nguékhokh et Bambilor, où elle a acquis une large notoriété par des conséquences positives sur des projets socioéconomiques dans le développement de ces villages isolés qui vivent les mêmes réalités et les contextes identiques des villages du continent dont un effectif composé de 80% de jeunes pour la plupart inactifs, illettrés et qui ne sont pas formés aux métiers de la vie, ainsi que les personnes fragiles telles que les enfants, le troisième âge et les femmes désœuvrées.
L’expérimentation à grande échelle par la valorisation des projets ès Ess dans ces zones isolées ont conduit à désenclaver les territoires, à les aménager, mais aussi à les rapprocher des grandes villes parce qu’elle a créée des flux par de nouvelles routes bitumées qui ont facilité les échanges. Ces effets ont eu une utilité significative dans l’économie locale des villages isolés et qui se sont répercutés dans le développement socioéconomique du Sénégal. Ipso facto, les populations ont ressenti les impacts de cette redistribution significative et participative des bénéfices des projets dans l’ordre démocratique, social, sociétal, ainsi que dans la vie courante, en valorisant l’alphabétisation, l’éducation, la formation juvénile et féminine aux métiers de la vie. Et en conséquence, ces villages se sont pris en charge progressivement en s’auto-développant par des projets porteurs et avec le concours de nouvelles initiatives qui ont investi leurs capitaux par des financements massifs et par des projets pharaoniques et porteurs.
Notre schéma prouve que l’Ess serait un levier de l’émergence économique de l’Afrique parce que multiplicatrice d’une transformation profonde qui pourrait permettre la création de richesses et une augmentation du niveau de vie. Sur le plan fiscal, ces microprojets engendrent une recette approximative de 25 à 30% des chiffres d’affaires dans les taxes locales. Cela permettra l’embauche et la formation des couches vulnérables. Tout cela aura un impact dans l’appui des structures locales comme les associations, particulièrement celles liées à la femme rurale qui se réorganise. Cela permettra aussi aux populations de se prendre en charge en termes de coûts médicaux, coûts scolaires et autres. Idem pour la diminution des flux liés à l’exode rural, ainsi que dans le renforcement du tissu familial par la présence de toute la composition familiale.
En somme, il a été prouvé scientifiquement que le modèle de l’Ess est une piste tenant la route pour le développement de l’Afrique qui pourrait dépendre de la stratégie de la mise en œuvre de microprojets dans les secteurs-clés et porteurs dans les villages pauvres et isolés, où les populations pourront se départir des politiques publiques mais aussi prendre en charge leurs propres aspirations sociales. Et nous avons, à travers notre étude, démontré par des arguments objectifs que l’usage de l’Ess a été à maintes reprises retenu comme une potentielle piste crédible dans la pauvreté des localités isolées du Sénégal.
Cheikh Sidiya DIOP
Economiste, diplômé ès Sciences économiques mention Economie Internationale, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne (2002)
Politiste, diplômé ès Sciences Politiques mention Administrateur des élections, Université Paris 1 Panthéon Sorbonne (2019)
Ingénieur ès Economie Sociale et Solidaire, diplômé de la FLEPES de Bourg la Reine (2016)
Doctorat ès Entreprenariat International en cours (2022/2025), Horizons University
1 Ess (Economie sociale et solidaire) est un modèle économique né vers les années 1970.
2 Banque mondiale est une institution internationale fondée en 1945 à Bretton Woods (Etats-Unis). Elle regroupe 189 pays et a la charge d’accorder des prêts, des appuis financiers et des financements aux projets d’investissement aux pays en développement. Son siège est à Washington (Etats-Unis).
3 Pib (Produit intérieur brut) est un indicateur microéconomique qui mesure l’activité économique d’un pays.
4 Nu (Organisation des Nations unies) est une organisation internationale qui compte 193 Etats membres. Elle remplace la Sdn (Société des nations) en 1945 et sa charte est signée à son siège à New York (Etats-Unis). Son objectif premier est de promouvoir et d’assurer le maintien de la paix, de la sécurité internationale et du développement international dans le monde.
5 Afd (Agence française de développement) est une institution financière en charge de financer, d’accompagner et de mettre en œuvre la politique de développement de la France. Elle est née en 1941 et a succédé à la
Caisse centrale de la France d’Outre-Mer (Ccfom). Elle contribue aussi à l’engagement de la France en faveur des Objectifs de développement durable (Odd). Son siège est à Paris (France).
6 Ide (Investissements directs à l’étranger) sont des financements dédiés à l’entretien et au fonctionnement de leurs filiales par les firmes internationales.
7 Ifi (Institutions financières internationales) regroupent des organismes comme le Fonds monétaire international (Fmi), la Banque mondiale, les Banques de développement régionales, l’Ocde, la Banque des règlements internationaux (Bri), etc.
8 Cea (Commission économique pour l’Afrique) créée en 1958 pour renforcer la coopération économique entre ses Etats africains membres des Nations unies. Son siège est à Addis-Abeba (Ethiopie).
9 Ocde (Organisation de coopération et de développement économiques) est une structure internationale d’études économiques créée en 1961. Son siège est à Paris (France).
10 Cnuced (Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement) est née en 1964 et elle est un organe subsidiaire des Nations unies. Elle a son siège à Genève (Suisse). Elle compte 193 Etats. Son rôle est d’insérer les économies en difficulté dans l’économie mondiale.
11 Omc (Organisation mondiale du commerce) est un organe subsidiaire des Nations unies. Elle remplace le Gatt (General Agreement on Tariffs and Trade) en 1995 et est en charge de réguler la règlementation commerciale internationale par des accords et des règles. Son siège est à Genève (Suisse).
12 Fmi (Fonds monétaire international) fondé en 1945 à Bretton Woods (Etats-Unis) est une institution de 190 Etats et est en charge de stimuler la coopération monétaire internationale, de garantir la stabilité financière et économique, et de lutter contre la pauvreté mondiale. Son siège est à Washington (Etats-Unis).
13 Ua (Union africaine) est une institution continentale inter-étatique créée le 25 mai 1963. Elle a succédé, le 9 juillet 2002 à Durban (Afrique du Sud), à l’Organisation de l’unité africaine (Oua). Elle compte 55 membres et son siège est à Addis-Abeba (Ethiopie).
14 Brics+( Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud, Egypte, Emirats arabes unis, Ethiopie et Iran) est une conférence diplomatique et une union politique de 9 pays. Née en 2009 sous l’appellation de Bric, elle change d’appellation en Brics en 2011 et ensuite en Brics+ en 2024. Elle représente 27% du Pib mondial et près de la moitié de la population mondiale.
15 Les quatre dragons asiatiques (Corée du Sud, Hong Kong, Singapour et Taïwan) sont quatre pays asiatiques qui ont enregistré une croissance industrielle rayonnante.
16 Opep (Organisation des pays exportateurs de pétrole) est un organisme intergouvernemental créé en 1960. Son siège est à Vienne (Autriche). Son rôle est de négocier et fixer le prix du pétrole.