L’Etat-Sonko ou les derniers soubresauts d’un moribond politique

C’est incroyable ! Ce monsieur dit implicitement à ses partisans que le Président Diomaye dort, qu’il ne sait pas ce qu’il doit faire, qu’il n’a aucune envie de faire la transparence et la justice. En affirmant qu’il a accès à un rapport de l’Ige (qui en principe transmet ses rapports au président de la République), il dit implicitement qu’il a court-circuité la Présidence ou l’a tout simplement infiltrée par des agents qui travaillent pour lui, sans la connaissance du Président. C’est quand même énorme ! On aurait donc un Etat-Sonko dans l’Etat sénégalais ? Dans d’autres pays, on aurait parlé de coup d’Etat sournois ou rampant. Les microbes seraient donc jusqu’au cœur de la Présidence ! L’Ige, placée sous l’autorité de la Présidence, serait donc de connivence avec ce monsieur, à l’insu du Président, en train de travailler à fouiller des rapports que les anciens présidents auraient subtilisés pour cacher on ne sait quel crime !
1 : Quelle est la valeur d’un rapport qui passe par le Pm pour aller à la Présidence ?
2. Quelle institution sérieuse travaillerait sur un rapport de l’Ige qui est sorti des décombres de la République abimée pour être transmis au Président ?
3. Quelle doit être la posture du Président qui reçoit un tel rapport ? Accepte-t-il d’être l’agent de son Pm ou doit-il renvoyer l’Inspection d’Etat pour faute lourde ?
La vérité est que Sonko parle à deux catégories de personnes : celles qui sont incapables de réfléchir et celles qui refusent de réfléchir.
Ousmane Sonko prétend qu’il y a un ministre qui serait coupable de tentative de surfacturation, mais qui, au lieu d’être viré, est simplement muté ? Et lui qui accuse le monde entier de manque de probité, il a ce ministre sous son autorité. C’est quoi ce délire ? Cet aveu donne du crédit au combat de Thierno Alassane Sall sur le scandale de l’Aser : ils nous cachent des choses, ces gens-là ! Cela veut dire donc que tant que tu restes l’ami du gourou, tes fautes sont cachées ! Voilà qui doit également nous mobiliser pour exiger que le scandale de l’Onas soit tiré au clair. Et c’est ce monsieur qui dit qu’on doit envoyer en prison tous ceux qui remettent en cause la prétendue dette cachée ! Tu caches un coupable de surfacturation pendant qu’on traque des innocents, et tu ne veux pas qu’on doute de la dette cachée !
Je pense qu’il est temps de lui trouver un nom, le seul nom qui lui colle à la langue : Monsieur Rapport ! Il est tout le temps à la recherche de rapports incriminant le monde entier. Tout le monde est mauvais, tout le monde est corrompu, y compris ses propres alliés dès qu’ils commencent à prendre leur liberté (prendre conscience, devrais-je dire). Ce que Sonko veut, c’est-à-dire la seule condition de son innocence totale, c’est une Justice et des institutions qui lui sont totalement inféodées. Sonko n’a aucun respect pour la Justice, il l’a démontré à plusieurs reprises. Ce qu’il a dit sur les magistrats du Conseil constitutionnel et de la Cour suprême est d’une extrême gravité. Traiter ces gens comme il l’a fait et aller jusqu’à suggérer à ses partisans de ne pas payer l’impôt, c’est non seulement grotesque, mais infamant à ce niveau de responsabilité. A chacune de ses sorties, Ousmane Sonko nous administre la preuve qu’il n’a pas sa place dans un gouvernement. On ne peut pas, sous prétexte d’une révolution chimérique ou mensongère, s’en prendre à tout ce qui résiste aux désidératas d’un seul individu, c’est du fascisme. Ousmane Sonko vient de se dédire gravement en prétendant que ceux qui doutent de la dette cachée méritent la prison. Il vient par ses déclarations nous administrer la preuve que nous devons douter de la dette, car lui-même discrédite les corps de contrôle et la Justice dans son propos. Lui-même vient de prouver que ce qui l’intéresse, c’est la validation de ses délires, et non une quelconque justice.
En expliquant partiellement la fascination qu’exerce le fascisme par les rejets de presque tout «(…) antilibéral, antiparlementaire, antimarxiste, particulièrement anticommuniste, anti ou au moins aclérical, et dans un certain sens, antibourgeois et anticapitaliste», Juan L. Linz (Régimes totalitaires et autoritaires, ch.3) dresse le portrait fidèle de Sonko et de son parti. Ils sont antitout, parce qu’ils sont la vérité, le bien, la justice. Mais comme un appel à la circonspection, Juan L. Linz nous rappelle que «la pensée et la philosophie modernes se sont constituées sous l’effet de tensions irrationalistes» (ch.1). Voilà qui doit motiver tous ceux qui se font un devoir de rendre rationnel leur mode de vie et de critiquer leur société en fonction de ce devoir de rationalité.
La pire démission consiste à croiser les bras et à laisser la jeunesse sénégalaise entre les crocs de tels prédateurs doublés de charlatans. L’argument consistant à dire que la jeunesse croit Sonko ou même croit en lui, et qu’il n’y a rien à faire, est, pour moi, de la lâcheté. Un homme qui pense, ne doit pas assujettir son discours au fait que les autres y adhéreront immédiatement ou dans quelques siècles. La pensée est intemporelle, complètement affranchie des calculs de la prudence ou d’habileté. La solitude et la marginalisation n’ont jamais tué personne, ce qui tue, c’est l’absence de pensée. Un homme qui pense n’est d’ailleurs jamais seul, car même dans l’introspection, il y a dialogue de la pensée avec elle-même. Un agrégat de corps n’a jamais rien fait de proprement humain sans la pensée. Les grandes idées ont été combattues, niées, ou simplement enfermées dans une sorte de spirale du silence, mais c’est là qu’elles montrent leur transcendance absolue et leur immortalité.
http://www.ige.sn/images/stories/decret_2007_809.pdf…
Alassane K. KITANE

