Une affectation du Général de brigade Souleymane Kandé, chef d’Etat-major de l’Armée de terre et coordonnateur des Forces spéciales, pour en faire un Attaché militaire à l’ambassade du Sénégal à New Delhi, aura eu comme effet de secouer ce pays et de laisser un lot d’interrogations. L’affectation a les allures d’une rétrogradation, voire une sanction contre un officier qui aura donné à la République tout son talent et servi avec abnégation pour combattre un ennemi domestique qui n’a cessé de faire des ravages. Toute personne sensée est en droit de s’interroger sur une mise au placard d’un officier supérieur qui, au moment où il pourrait être le plus utile à son pays, est mis au frigidaire à des milliers de kilomètres. Puisque dans l’indélicatesse, il n’y a pas de limite, la punition contre le Général Souleymane Kandé tombera pendant qu’il conduisait les exercices de sécurisation «African Lion 2024» à Dodji, entouré de ses hommes ainsi que de troupes américaines et néerlandaises.

Lire la chronique – Pour que le Peuple juge à la place des magistrats

On demande à un Général auréolé d’aller remplacer un Colonel comme attaché militaire en Inde alors qu’il suit depuis trois bonnes années les développements sur le front-Est et les possibles incursions de mouvements djihadistes. Allez chercher une logique à ça.

Nul ne peut empêcher qu’on s’interroge sur les motifs qui poussent à vouloir exiler le Général Souleymane Kandé. Cela fait d’autant plus mal que le Mfdc pourrait voir rien qu’en cet acte, une forme de victoire contre le Sénégal et sa République.

Lire la chronique – Sous la garde de ses fils, le Sénégal aura tenu

Dans le dispositif de défense actuel de notre pays, on ne peut effacer l’empreinte majeure qu’aura eue le Général Souleymane Kandé sur la protection du sanctuaire national. Il faut le dire tout haut, le Général Kandé est ce bourreau du Mouvement des forces démocratiques de Casamance (Mfdc) qui a su, en tant que Commandant de la Zone militaire no5, mettre tout en œuvre pour anéantir cette force rebelle et la pousser dans ses derniers retranchements. Le politologue Yoro Dia disait bien dans ces colonnes que «le Mfdc est mort, mon Général !», revenant sur un discours du Général Cheikh Wade qui prônait une ligne dure sur un temps long pour finir par éradiquer cette menace constante à l’intégrité territoriale.

Le Général Kandé aura, avec ses troupes, combattu l’économie criminelle qui nourrissait une partie du maquis. Les belles saisies de chanvre indien et les destructions de ces plantations dans des zones qui avaient fini d’être des terres de non droit, sous le joug d’une organisation criminelle qui aura longtemps poussé notre Etat à détourner le regard contre une relative accalmie, sont assez symboliques de l’action du Général Kandé. Il aura lutté contre la coupe illicite du bois et contenu toutes les activités criminelles avec les éléments du Bataillon des parachutistes. C’est un officier qui a sué pour ses étoiles, loin du confort qu’une bureaucratie des rangs a fini par imposer à certains officiers supérieurs.

Lire la chronique – Nous ne cesserons de pleurer nos Jambaars

Avec le Général Souleymane Kandé, on peut fièrement dire que la maxime du Maréchal Louis-Hubert Lyautey, avec des troupes qui savent prendre un village pendant la nuit et y organiser le marché pendant le jour, est une réalité concrète dans les rangs des armées sénégalaises. C’est dans des zones où des populations ont fui pendant trois décennies que ce meneur d’hommes aura reconquis toutes les terres et encadré le retour au bercail de milliers d’âmes.

Les populations de Bissine, après des décennies d’errance, auront vu en l’action du commandement de la Zone militaire no5, cette promesse que le Sénégal est une terre avec une armée républicaine veillant à tout instant au règne de l’ordre.
Au tableau de chasse du Général Kandé, les faits d’armes plus qu’honorables ne manquent pas. Le ratissage par l’Armée nationale de la forêt de Djibanar en janvier 2021, pour traquer les bandes armées et pour assurer la protection du retour des populations longtemps déplacées dans leurs villages, est un des actes qui auront montré un réel changement de paradigme de nos troupes contre un ennemi domestique. Je ne peux oublier le sourire béat que j’avais en février 2021, quand quatre des bases historiques qu’avait le Mfdc sur le front-Sud, à la frontière avec la Guinée-Bissau, ont été reprises par l’Armée sénégalaise sous la férule du Général Kandé, entouré des fils de tout le Sénégal qui auront ramené la République et notre vœu d’une Nation une et indivisible là où elle fut sabotée.

Lire la chronique – Ce si bon rempart

C’est ce héros bien sénégalais dont on aura tenté de briser les ailes et ce, au détriment de son pays. Il y a une religion dans ce pays, de combattre farouchement tout ce qui est plus grand que soi. Ce culte aura eu raison du soldat qu’est Souleymane Kandé, mais la République saura reconnaître ses fils qui la chérissent et qui auront versé sang, larmes et sueur pour qu’elle vive. C’est ce soldat d’exception dont le code d’honneur oblige à la réserve que le poids des mains politiques aura bouté d’une station où son utilité est sans commune mesure. Le temps, meilleur des juges, le rétablira dans sa vérité. La seule prière qui vaille est que ses étoiles obtenues par bravoure, abnégation et sacrifice pour la République, continuent de briller.

Dans la foulée des articles sur la décision du Général Kandé de saisir la Cour suprême pour dénoncer le décret de son affectation et du flot de révélations, notre Directeur de publication recevra une convocation de la Gendarmerie nationale. Cette convocation, il ira, en tant que professionnel qu’il est, y répondre et assurer sa défense, tout en gardant son honneur, sa dignité, le tout dans la lucidité qu’on lui connaît.

Lire la chronique – Le cours de fierté africaine du Surintendant de nos finances, Adesina

Je n’ai pas manqué de voir l’agitation des inquisiteurs des réseaux sociaux s’extasier qu’un homme de média soit brimé car ayant porté une parole. On voit l’aversion à la parole contraire et la dictature des idées quand les premiers pourfendeurs de l’Etat hier se font des défenseurs aujourd’hui et s’érigent en boucliers pour combattre toute forme d’atteinte à la sûreté de l’Etat. Quand ceux qui applaudissaient pendant que les biens publics étaient cassés, la police et la gendarmerie chahutées, des militaires insultés, se font des procureurs d’une conscience républicaine, on se rend bien compte de la plongée dans une dystopie folle.

Ce spectacle aurait pu être drôle si les postures de ces nouveaux gardiens de l’ordre républicain, qui ont fait toutes leurs classes en distillant des braises de chaos, n’étaient pas en totale contradiction avec tous les faits et gestes qu’ils auront posés pour fragiliser toutes les institutions de ce pays. Puisque c’est un cirque à ciel ouvert et c’est à la gueule qui porte le mieux pour bien se faire voir et avoir sa récompense, on peut comprendre leur excitation d’un moment. L’humour est une politesse du désespoir, préférons sur ce coup rire de toutes leurs incohérences.
Par Serigne Saliou DIAGNE – saliou.diagne@lequotidien.sn