L’étonnement universitaire suite aux nouvelles mesures gouvernementales

Depuis plusieurs jours, le secteur de l’enseignement supérieur est en crise. Les grèves se multiplient. Les avantages socio-pédagogiques baissent. Les bourses, fruits d’un long combat porté par des générations, sont dans le collimateur de l’Etat. Pour certains camarades étudiants, Diomaye a trahi. Pour d’autres, c’est Ousmane Sonko qui est derrière. Comment croire qu’un étudiant en Droit, ayant forcément rencontré en première année le principe de la collégialité et de la solidarité gouvernementale prévu par notre texte suprême, ait pu croire à cette supercherie ? Où sont ceux qui martelaient avec confiance la fameuse phrase : «Diomaye moy Sonko, Sonko moy Diomaye» ? Pourquoi raisonnent-ils ainsi ? Mais, par sagesse, j’ai très tôt compris que les efforts consentis pour leur accession au pouvoir sont tellement intenses qu’il est difficile d’admettre la vérité.
Depuis plusieurs jours, nos universités sont en crise. Les mots d’ordre se succèdent : pas d’enseignements, pas de paiement de tickets-restaurant (nguenté toubab), descente sur la nationale… Les motifs argués par les représentants d’étudiants sont nombreux. Mais celui qui attire notre attention, et qui est mis en avant dans le cadre de notre contribution, est celui de la problématique des bourses : la goutte d’eau qui a fait déborder le vase.
En effet, il est remarqué que les étudiants en Master 2 (ils sont en majorité composés d’étudiants appartenant à la promotion 31) ne figurent pas sur les états de paiement. A cause du chevauchement du calendrier universitaire, ils devraient terminer leur cursus actuellement. Pour fuir cette charge financière supplémentaire, la technicité et la réglementation ont été brandies. A l’Assemblée nationale, certains représentants du Peuple vont plus loin, en plaidant pour une suppression totale des bourses. D’autres comparent l’université sénégalaise à celle canadienne ou ivoirienne, pour fuir le réel et plaire à leurs leaders politiques. C’est le cataclysme ! Qui aurait pu croire que de tels discours seraient portés à l’Hémicycle par des députés de Pastef, en présence de Ousmane Sonko et sous le magistère du Président Diomaye Faye ? Que disent les martyrs de la révolution là où ils sont ? Que dire à leurs parents et familles ? Même si certains camarades étudiants peinent toujours à ouvrir les yeux pour admettre la réalité, qu’ils méditent sur ces mots intemporels du député Thierno Alassane Sall : «Le meilleur ennemi du populisme, c’est l’exercice du pouvoir.»
Les autorités actuelles se sont tout simplement heurtées aux réalités du pouvoir. Leur manque d’expérience se manifeste. Leurs prédécesseurs, quoique défaillants sur certains aspects, avaient le sens du leadership et prenaient des décisions stratégiques dans notre secteur. L’enseignement et la recherche n’étaient pas banalisés à ce point, encore moins le paiement des bourses. Car, très tôt, ils avaient compris que la bourse est la seule source de survie pour un étudiant. L’ancien Président Macky Sall avait lui-même affirmé que sa bourse était pour lui un moyen de soutenir sa famille. Combien d’étudiants demeurent des espoirs familiaux ?
Et pourtant, beaucoup sont présentement blessés par les Forces de l’ordre alors qu’ils réclamaient un droit humain et inaliénable. Par quels moyens se soigneront-ils ? Les procédés de maintien de l’ordre, comparés à ceux opérés sous le magistère de Macky Sall, paraissent, à notre sens, plus violents. A l’Ucad, les Forces de l’ordre y sont entrées. A l’Ugb, un étudiant en Licence, violemment blessé au visage, est dans les locaux des services de santé.
Ces événements nous plongent dans un étonnement universitaire sans précédent, car les étudiants n’auraient jamais cru à ce cataclysme. Ils avaient mis en œuvre tous leurs moyens de lutte pour élire ces dirigeants qui, en retour, ont choisi de s’attaquer à leur unique moyen de survie : la bourse. Au lieu de réfléchir à son augmentation au regard de son incapacité manifeste à couvrir toutes les charges en milieu universitaire, certaines autorités plaident pour sa suppression.
Réduire les bourses estudiantines pour nous dire que l’Etat traverse des difficultés financières, est une mauvaise approche. Au contraire, il s’agit, à nos yeux, d’une minimisation de l’enseignement supérieur. Nous ne refusons pas de consentir à un sacrifice national pour redresser notre économie, mais la problématique est celle de savoir : avec la diversité des secteurs d’activités, pourquoi sacrifier les étudiants en premier ? Pourquoi s’attaquer à leurs bourses ?
Parallèlement à ces mesures, les privilèges parlementaires se multiplient. A titre illustratif, un document de l’Assemblée nationale informe récemment qu’un conjoint de parlementaire peut bénéficier d’un passeport diplomatique. De l’autre côté, on observe des directeurs généraux mieux rémunérés que leurs autorités de tutelle. Les illustrations ne sont pas exhaustives !
A contrario, pour assurer le développement économique de ce pays et assurer sa stabilité, nos autorités doivent investir sur l’enseignement supérieur. C’est un investissement sans perte, car le Sénégalais peut perdre ses biens, son confort, sa stabilité, mais jamais il ne perdra ce qu’on lui a enseigné. Et c’est cet enseignement qui servira de rouleau de sauvetage pour ce pays. Il n’y aura jamais de développement économique durable sans une bonne formation. Ce qui implique un paiement raisonnable des bourses, condition sine qua non pour mettre l’étudiant dans des conditions favorables à l’apprentissage.
Refuser donc de payer intégralement les bourses ou vouloir tout simplement les supprimer met le monde universitaire sénégalais dans un étonnement profond car des étudiants se sont sacrifiés pour que ces autorités puissent accéder au pouvoir. C’est ainsi que je les interpelle à rendre aux étudiants ce qui leur revient de droit.
Mamadou Moustapha MBENGUE
Etudiant-chercheur en Droit privé
Université Gaston Berger de Saint-Louis



