Tout d’abord, nous tenons à saluer la noble mission du ministère saoudien du Hadj qui œuvre inlassablement pour améliorer l’organisation du Hadj et les conditions des pèlerins. Cependant, nous voulons attirer ici leur attention sur les secteurs où les pèlerins africains continuent d’éprouver des difficultés.

L’état des bus affectés aux pays dits africains non arabes
Le Sénégal, ami de longue date du Royaume saoudien, loge dans le lot des pays dont les pèlerins sont encore transportés de Médine à la Mecque dans des conditions indignes d’un hôte que l’on respecte. Au moment où les pèlerins français, américains asiatiques et arabes s’engouffrent dans des bus de luxe, les pauvres Africains non-arabes se tapent 400 km de voyage cahoteux dans des bus Abu Sarhad, plus âgés que certains de nos pèlerins. Une climatisation défectueuse, invitant la chaleur insupportable au voyage, des chaises trop serrées qui n’ont aucune pitié pour les longs tibias et les vieux os des personnes âgées. Pourtant, le tarif du transport est le même pour toutes les Nations. Le malheur ne venant pas seul, les chauffeurs égyptiens qui conduisent ces bus ignorent totalement l’itinéraire et se perdent fréquemment entre l’hôtel de Médina et la Mosquée Zul Huleyfa, lieu initial de la sacralisation. Ils se perdent aussi entre la Mecque et Mina. Le comble est que beaucoup d’entre eux ne savent même pas lire les panneaux d’indication. L’utilisation du Gps ou le recours aux étudiants sénégalais comme guides serait indiqué. Le calvaire revient au galop, car ce sont ces mêmes bus, qui toussent à la moindre secousse, s’essoufflent et tombent en panne à l’occasion, qui nous accompagnent sur le chemin du retour, de la Mecque à Djeddah, nous laissant une dernière image peu reluisante d’un royaume tant adulé.
Pourtant, en 2015, le syndicat des transporteurs avait augmenté de 180 rials (30 mille F Cfa à l’époque) le coût du transport, justifiant ce forfait par la volonté de retirer du circuit les vieux bus totalement amortis et de les remplacer par des neufs. Ce que notre ami et pays d’accueil ne semble pas savoir, c’est que chez nous au Sénégal, ce sont des bus Slov, dignes d’un hôte d’Allah, qui nous amènent à l’Aéroport international Blaise Diagne et qui viennent nous accueillir au retour comme pour nous restituer notre rang et notre mérite.

La Mouassassa et les tentes trop chers de Mina
Parlons maintenant des tentes de Mina et Arafat !
Pour que nos pèlerins puissent avoir droit aux saints sites de Mina et Arafat, les voyagistes privés et la délégation générale au Pèlerinage doivent débourser chaque année 1 300 rials par pèlerin, soit deux cent cinq mille Cfa (205 mille) pour seulement cinq jours. Pourtant, nous avons payés en amont 1 520,4 rials par pèlerins dans le cadre de ce que nous appelons communément les taxes saoudiennes et qui prennent bien en compte une partie de ces services. Les nouvelles tentes d’Arafat et les matelas incommodes, inflammables, encombrants et totalement inutiles, que la Mouassassa ose dénommer service plus, ne peuvent justifier un coût si élevé. Comment peut-on louer chaque année de minuscules matelas bas de gamme pour trois à cinq fois leur prix d’achat ? Si l’usure est bannie par l’islam, elle doit l’être davantage à Mina et à Arafat.
En 2015, après une forte augmentation des frais, les coûts des services à Mina et Arafat, incluant la restauration des pèlerins, étaient passés de 500 à 1 000 rials. Abdul Wahid Burkhan Sayfdine, à l’époque à la tête de la Mouassassa, doit s’en souvenir.
Enfin, les Sénégalais étouffent dans l’espace qui leur est alloué à Mina. C’est la surcharge inhumaine dans les tentes, avec un nombre trop insuffisant de toilettes bondées de monde où il faut faire la queue pendant plus d’une demi-heure avant de satisfaire ses besoins. La seule année où les Sénégalais avaient connu un répit de ce calvaire de Mina est l’année où l’Iran avait boycotté le pèlerinage et que le Sénégal avait bénéficié d’une partie de ses tentes spacieuses avec un nombre de toilettes relativement correct. C’est l’occasion de se demander si le ratio de toilettes se fait par carré de populations et s’il est le même pour tous.

La restauration à Mina Arafat et à La Mecque
Aujourd’hui, nous payons excessivement cher la séparation des coûts de la restauration, des tentes et autres services à Mina-Arafat. Depuis que la Mouassassa nous avait servi en 2016 un très mauvais service de restauration, les restaurateurs privés saoudiens ont repris le relais à leur détriment. Il me semble que la Mouassassa n’a jamais digéré ce divorce, nous imposant de payer au minimum 250 rials par pèlerins pour la restauration privée de chaque pèlerin, en se dotant la part du lion (1 300 rials pour les tentes et matelas).
C’est la raison pour laquelle nous avions payé en 2017, puis en 2018, 1 550 rials (250 mille F Cfa) par pèlerin pour les pires années vécues à Mina. La très mauvaise qualité des plats, le retard de plus de huit heures dans la distribution dans certains bureaux et le manque criard d’eau ont rythmé les cinq jours de Mina Arafat durant ces deux années.
Al hamdoulilah, en 2019, nous avons connu une nette amélioration avec Khaled et Ahmed Burkhan qui nous ont fourni un repas de midi et un dîner respectables, servis à suffisance et à l’heure. Nous avons préféré payer trop cher (370 rials par personne, soit 11 mille F Cfa par jour et par pèlerin, comme dans un hôtel) que de débourser 7 000 F Cfa par jour et par personne en 2018 sans sentir l’odeur des plats. Ils ont seulement péché sur le petit-déjeuner, inadapté au régime sénégalais qui exige toujours du café au lait bien chaud, ce qui a malheureusement fait défaut.
Si on peut relativement parler de déception pour la restauration de 2019, elle nous est venue du Mutawif Rayan Muqlan, chez qui les Sénégalais fondaient beaucoup d’espoir pour les prestations de qualité auxquelles il nous avait habitués les années précédentes, dans le cadre de l’accueil et du transport. Pour parler strictement de restauration, si le service qu’il a rendu à près de 4 000 pèlerins est relativement acceptable, le service offert à près de 2 000 autres est médiocre. Cette contre-performance est probablement due au surplus de clients qu’il a pu démarcher à la dernière minute sans en avoir la capacité ou tout au moins sans avoir le budget ou le temps nécessaire pour satisfaire 6 000 pèlerins. La leçon à en tirer est que, «Qui trop embrasse, mal étreint».
Mais ceux qui ont crevé la marmite et tout renversé, ce sont les traiteurs de la Mecque en charge de la restauration des pèlerins en dehors des jours de Mina. La plupart d’entre eux sont passés à côté avec beaucoup de retard dans la distribution. Nous demandons tout simplement aux autorités saoudiennes de laisser à chaque communauté le choix et la liberté de cuisiner pour ses compatriotes. Il est évident que les traiteurs saoudiens sont dans l’incapacité de satisfaire les divers goûts gastronomiques.

Le petit commerce des femmes
Par ailleurs, nous demandons à la police municipale d’être plus tendre à l’égard des Sénégalaises qui s’exercent au petit commerce pour amortir les angles à l’image de leurs voisines asiatiques moins inquiétées. Cependant, nous comprenons bien la nécessité de mettre de l’ordre.

Les prix de Flynas et l’arrivée de Saudia Airlines
La compagnie Flynas vient de boucler trois ans d’accompagnement et de convoyage des pèlerins sénégalais. D’abord fixé en 2017 à 1 million 190 mille F Cfa (7 091 rials), il est maintenu en 2018 au même prix en rial, mais évalué en Cfa à 1 million 085 mille F Cfa du fait de la baisse du taux du rial. A la grande surprise de tous, il passe en 2019 à 1 million 292 mille F Cfa (8.194.000 SD) au moment où les inscriptions touchaient à leur fin, entraînant les voyagistes privés dans des difficultés financières. Qu’est-ce qui justifie cette hausse excessive du prix du billet d’avion vers la Mecque pour une compagnie connue pour ses prix low-cost ? Il est difficile de comprendre ce fait quand on sait que pour se rendre à la Mecque deux mois avant le pèlerinage, l’on débourse moins de la moitié de ce prix (3 800 SD, soit 600 mille F Cfa) avec les compagnies régulières que sont Turkish Airlines, Ethiopian Airlines ou chez les voisins des Emirats Arabes Unis, Emirates. Même en période de pèlerinage à la Mecque, il y a un fossé de 300 mille à 400 mille Cfa, soit (1 900 à 2 500 rials) entre Flynas et ses concurrents.
En plus, pourquoi nous exige-t-on de transporter la moitié de nos pèlerins par une compagnie saoudienne et de surcroît au plus fort prix ?
Nous espérons que le retour de Saudia Airlines à qui nous souhaitons la bienvenue dans le ciel sénégalais remettra les pendules à l’heure, en fixant des prix à la fois compétitifs, raisonnables.

Le portail électronique
C’est le point fort de l’organisation du pèlerinage à la Mecque. Il a rendu nos relations avec nos différents fournisseurs de services plus transparentes, éliminé notre dépendance à l’égard des ambassades et facilité l’obtention du visa. Nous demandons aux autorités et aux techniciens saoudiens d’ouvrir dans le portail un volet annexe de contact et de négociation entre hôteliers agréés et partenaires étrangers pour favoriser un commerce plus direct et moins exposé à l’intermédiation pleine de risques.

Conclusion
Nous constatons qu’à quelques exceptions près, les multiples rencontres entre le Sénégal et les autorités saoudiennes qui se tiennent à la fin et au début de chaque nouvelle année pour le pèlerinage sont devenues une routine qui laisse intact le fond des problèmes de nos concitoyens en terre saoudienne.
En conclusion, nous rappelons aux Sénégalais et aux Saoudiens la mémorable visite du Roi Fayçal au Président Léopold Sédar Senghor en 1972, marquant le début des solides relations entre nos deux pays. Les Présidents Abdou Diouf, Abdoulaye Wade et Macky Sall ont renforcé ces liens en rendant fréquemment visite à leurs homologues King Fahd, King Abdallah et King Salman. Le Président Macky Sall a été l’un des rares chefs d’Etat à afficher et à assumer son amitié aux côtés de l’Arabie Saoudite dans des moments difficiles, alors que beaucoup de pays non africains ou africains non noirs s’étaient éclipsés pour plaire à la communauté internationale. Oui, notre culture nous apprend que c’est dans les évènements difficiles que l’on reconnaît ses meilleurs amis.
Nous sommes conscients que l’Arabie Saoudite réserve une place privilégiée au Sénégal dans ses relations avec la communauté internationale, mais nous voulons ressentir davantage cet impact sur les conditions de nos compatriotes dans l’organisation du Hadj.
Enfin, au nom de la bonne diplomatie et du respect des convenances, nous demandons le retrait définitif de la notion de «Pays africains non arabes» pour qualifier nos ressortissants. Nous sommes tout simplement des pays africains. Nous tenons à l’origine de notre ancêtre Hajara, épouse du Prophète Ibrahim, à qui les musulmans rendent hommage à travers la marche entre Safa et Marwa. Si certains veulent malgré tout faire la différence, qu’ils nous appellent «Pays Africains Noirs».
Enfin, toutes nos félicitations au Roi Salman pour le travail remarquable à travers les transformations gigantesques en cours, des deux Saintes Mosquées de la Mecque et de Médinatoul Mounawar et qui font la fierté des musulmans.
Cheikh Bamba DIOUM
Auteur, Président
du Gie Yoonu Makka
Vice-président du Regroupement National des Organisateurs du Pèlerinage et de la Humra pour le Sénégal (Renophus)
bambadioum@gmail.com