Il y a quelques semaines, on a assisté à un bras de fer entre les routiers, venus à Ziguinchor pour participer à l’enlèvement des noix de cajou pour l’export, et les acteurs portuaires de Ziguinchor, qui voulaient qu’elles soient acheminées exclusivement par la voie maritime.

Chaque partie avait démontré, sans pudeur, sa force de frappe en alignant dans toutes les chaines télé, sa puissance logistique, «plus de 200 containers au port et plus de 300 camions gros porteurs alignés sur toutes les principales artères de la ville de Ziguinchor».

Nous avions assisté impuissants à cet étalage de moyens, qui présageait une descente aux enfers pour nous qui sommes engagés dans la transformation de nos matières premières. Une bataille qui, semble-t-il, a été remportée par les routiers compte tenu de la levée du blocus par la route. La paix sociale semble revenue et chacun vaque à son business.

Mes­­sieurs les ministres, cette décision de permettre l’expédition des noix par les deux canaux est conjoncturellement et factuellement une des pires décisions que le Sénégal ait prises dans le cadre de la prise en charge de la campagne anacardière 2024.

A votre décharge, vous avez été floués par les chambres de commerce et d’industrie des trois régions de la Casamance naturelle.

Cette année, la production a drastiquement baissé de l’ordre de 60% au niveau national et de 45 à 50% au niveau sous-régional. La deuxième récolte, qui habituellement corrigeait les déficits annuels, ne sera pas cette année au rendez-vous, car la vague de chaleur a quasiment détruit tout le process de floraison des anacardiers. Seul le département de Ziguinchor pourrait peut-être offrir quelques tonnes. Et encore…

Ces chambres de commerce et d’industrie, qui devraient normalement tirer la sonnette d’alarme, ont privilégié les transactions commerciales en défaveur de la transformation sur place. Elles ont peut-être leurs raisons, mais je doute qu’elles soient structurelles.

Nous, qui avons choisi de transformer la noix sur place, en employant des milliers de femmes et de jeunes, sommes désemparés, car en plus de devoir acheter la matière première à des prix prohibitifs, nous risquons même de ne plus la trouver sur le marché local, à moins de l’importer après l’avoir exportée.
Et je ne vous ferai pas un dessin, car vous connaissez les con­sé­quences qui en découleront.

Vous pourriez peut-être sauver le peu qui en reste en bloquant toutes les exportations et en mettant un dispositif nous permettant d’accéder à cette même matière première.

C’est un cri du cœur que je vous lance. S’il vous plaît, renforcez-nous au lieu de nous enfoncer. Le processus de souveraineté économique nécessite plus de prospective que des décisions conjoncturelles.
Xavier DIATTA
Directeur général de
Casa industries Sa