Monsieur le ministre,
Avec tout le respect dû à votre personne et à votre fonction, je prends la plume aujourd’hui non pas en tant qu’adversaire, mais en tant que citoyenne inquiète. Très inquiète.
Car ce que j’ai entendu dans vos propos n’est pas anodin. C’est le genre de mots qui, une fois lancés dans l’espace public, sèment des graines de haine que d’autres n’hésiteront pas à faire pousser avec violence.
En tant que ministre de la République -chargé de l’Energie, du pétrole et des mines-, vous n’êtes plus un simple militant. Vous incarnez désormais l’Etat, vous parlez au nom de tous les Sénégalais, même ceux qui n’ont pas voté pour vous. Et votre parole doit refléter l’unité, la retenue, la responsabilité, surtout en ces temps de tension où notre société est profondément fracturée.
Oui, nous comprenons la fougue de la bataille politique. Oui, nous comprenons la volonté de redonner à votre parti sa place.
Mais le feu que vous allumez au nom de la stratégie électorale pourrait bien devenir l’incendie de la République.
Monsieur le ministre,
Vous n’êtes pas sans savoir que le tissu social sénégalais est fragilisé. Les rancœurs sont profondes, les plaies sont encore béantes. Le président de la République lui-même l’a reconnu : la réconciliation nationale est une priorité urgente.
Et pourtant, au lieu d’apaiser, vous soufflez sur les braises. Vous divisez quand il faudrait recoudre. Vous provoquez quand il faudrait écouter.
Permettez-moi de vous poser une question simple, mais fondamentale : quel avenir pour une Nation dont les élites appellent à la confrontation au lieu du consensus ?
La violence verbale ne fait jamais long feu. Elle ouvre la voie à une violence bien plus dangereuse, celle des rues, des cœurs et des mémoires blessées. Et ce sont toujours les innocents qui en paient le prix.
Monsieur le ministre,
N’êtes-vous pas un père ?
N’êtes-vous pas un fils de ce pays qui vous a tout donné, et qui attend de vous élévation, pas agitation ? Un père de famille ne monte pas ses enfants les uns contre les autres. Il rassemble, il calme, il éduque. Il montre l’exemple, même quand il est en colère. Et moi, en tant que jeune, je vous dis que vos mots peuvent nourrir des impulsions dangereuses chez une jeunesse déjà frustrée, précarisée, et parfois à bout.
En tant que femme, je m’inquiète, car je sais qu’au final, ce sont les femmes qui ramasseront les morceaux : celles qui pleureront leurs enfants, leurs maris, leurs frères.
En tant que future mère, je suis révoltée : quel héritage voulons-nous vraiment laisser à nos enfants ? Des cicatrices ou un espoir ?
Monsieur le ministre,
Le Peuple sénégalais vous observe. Il attend de vous des solutions, pas des slogans. Il attend des réponses sur le coût de la vie, l’emploi des jeunes, l’accès à l’électricité, la transparence dans la gestion de nos ressources stratégiques. Pas des menaces voilées.
Rappelons-le, votre coalition a obtenu 2 434 751 voix. Nous sommes plus de 18 millions de Sénégalais. C’est un poids électoral respectable, certes. Mais cela ne donne à personne le droit d’écraser, d’humilier ou d’exclure les autres.
L’arrogance a toujours été le début de la chute des grandes nations.
Redescendons sur terre. Redevenons lucides. Le Sénégal est un pays fragile, encore debout, mais en équilibre précaire. Nous n’avons pas le luxe de l’orgueil. Car si ce pays s’effondre, il n’y aura ni vainqueurs ni vaincus, seulement des ruines et des regrets.
Monsieur le ministre,
Je vous invite, en toute humilité, à revenir à l’essentiel.
A tendre la main, pas le poing.
A construire des ponts, pas des murs.
Et surtout, à présenter vos excuses à la Nation, non pas pour vous rabaisser, mais pour rehausser la dignité de notre débat public.
Le pouvoir est éphémère, mais l’histoire, elle, ne pardonne pas.
Respectueusement.
Ramatoulaye SECK
Journaliste et observatrice
du réel
Une voix libre, une conscience debout, une fille du Sénégal inquiète pour l’avenir de la République.