Monsieur le président,
Dans le souci de garder notre dignité tout en servant loyalement notre pays dans un secteur vital qu’est la santé, nous venons porter à votre connaissance l’insoutenable situation que l’application de la toute nouvelle gouvernance sanitaire portée par les Comités de development sanitaire (Cds) installe chez les agents non fonctionnaires qui sont en exercice dans les structures de santé en général, mais plus particulièrement dans le district sanitaire de Thiadiaye. Au-delà même de la situation insupportable, il y règne une atmosphère de réelle frustration, de suspicion ou de fracture entre travailleurs. Les Cds ont fini de créer une aura de démotivation incommensurable chez les agents communautaires de santé, suite à l’application de la fameuse clé de répartition des dépenses des centres de santé imposée par le ministre de tutelle. Démotivation d’autant plus exacerbée qu’il se susurrerait que seul le district de Thiadiaye, dans tout le département de mbour, aurait eu à imposer la clé de répartition des recettes générées par la structure de santé et qui devrait être édictée par le Cds. Il y a bientôt 3 mois que nous subissons la torture, pendant que dans les autres districts, à savoir Poponguine, Mbour et Joal, cela bute sur un refus catégorique et ferme des travailleurs.
D’ailleurs, la grande et pertinente question qu’on se pose ici à Thiadiaye est la suivante : Pourquoi a-t-on appliqué depuis trois mois la clé de répartition des recettes qui est préconisée par la nouvelle politique de gestion, sous le magistère d’un comité de santé sortant alors que le nouveau bureau du Cds n’est installé que le 10 juillet 2019 ? Pourquoi avoir procédé ainsi alors que dans la logique il aurait fallu un état des lieux et une passation de services qui auraient donné une légitimation à l’équipe entrante ?
En effet, si les Cds visent à améliorer drastiquement la gestion des centres de santé et autres structures sanitaires jadis pilotés par les fameux comités de santé, il est plus qu’évident que les intérêts essentiels pour ne pas dire vitaux des agents communautaires de santé n’ont pas été sérieusement pris en compte. Le zoom qui devait être fait sur ce maillon de la chaîne du personnel sanitaire quant à leur statut et salaire a été mis aux oubliettes.
Monsieur le président de la République, nous n’osons pas un instant croire que vous êtes sans savoir que dans certains centres de santé du pays, le déphasage d’avec la législation du travail est érigé en mode de gestion du personnel non fonctionnaire recruté par le comité de santé qui se trouve être l’employeur principal.
Il faut au passage mettre en surbrillance le fait que parmi le personnel communautaire, il y a des agents diplômés ou ayant acquis une solide expérience professionnelle dans les métiers de la santé ou autres spécialités rattachées pour avoir servi pendant des décennies. Donc, ayant sans ambages contribué à réaliser les bons résultats obtenus dans le domaine de la santé. Leur seul problème c’est de n’avoir pas eu la chance d’être recrutés dans la fonction publique. Ce ne sont ni la compétence ni l’expérience dans tous les domaines qui font vraiment défaut. On trouve toutes les catégories de personnel allant du technicien de surface à l’échelle la plus élevée dans la profession. Comme on en trouverait parmi les agents recrutés effectivement par la fonction publique et mis à la disposition du ministère de la Santé et de l’action sociale. Au nom de quoi les agents fonctionnaires, toutes catégories confondues, du balayeur à la hiérarchie supérieure, mériteraient une motivation financière supérieure à celle des agents non fonctionnaires, même si le travail et la responsabilité auxquels ils sont assignés sont égaux ? Un gardien ou un technicien de surface, recruté dans la fonction publique, peut être motivé jusqu’à hauteur de 150 mille F alors qu’un infirmier, une sage-femme ou un technicien de laboratoire, en dehors de sa rémunération, n’a pas le droit de bénéficier d’une motivation, comme c’est la règle au centre de santé de Thiadiaye depuis l’application de cette clé de répartition imposée depuis près de trois mois.
Monsieur le président de la République, vous conviendrez avec moi qu’il n’y a pas de doute que pour que le secteur de la santé fasse de grands bonds positifs dans ses différentes politiques sanitaires, il urge de bien repenser la politique d’utilisation de cette frange du personnel que les comités de santé ont vraiment fini d’humilier durant 10 voire 20 ans de service, puis envoyer à la retraite sans cotisations à l’Ipres ni couverture sanitaire digne de ce nom. Donc vous accepteriez avec nous que les bons résultats que le secteur de la santé revendique ou va revendiquer sont portés, sans exclusive, par tout le monde, aussi bien le personnel étatique que le personnel communautaire qui, à mon avis, reste un important maillon de la chaîne ; d‘où le gouvernement gagnerait à créer une bonne symbiose, une complémentarité assortie d’une conciliation entre travailleurs de la santé, sans distinction, dans le but de mener un même combat pour un même objectif, celui de réaliser une meilleure santé pour tous dans notre cher Sénégal.
On pourrait même se réserver le droit de se poser la pertinente question de savoir, où est l’Inspection du travail ou le ministère de tutelle dans tout ça ? Ne serait-ce que pour une injonction dans le sens de la mise en conformité avec les textes relatifs au Code du travail en vigueur au Sénégal, contre l’employeur qui est le comité de santé qui, si on n’y prend garde, pourrait entraîner le futur Comité de développement sanitaire dans sa logique. Comme si le gouvernement serait en train de faire dans le laxisme, lui rendant, à nos yeux, approbateur des actions menées par les nouveaux comités de développement sanitaire si on nous force à boire cette amère pillule, à travers son ministre de la Santé et de l’action sociale. Il serait peut-être dans une logique de cautionner la démotivation réelle déjà installée par les comités de santé au niveau des structures. Je peux bien me tromper. Alors que l’occasion était si évidente dans le sens de repenser positivement la situation dégradante de ces braves agents communautaires de santé, quand les Cds avaient été une option retenue pour remplacer les comités de santé qui, on ne le dira jamais assez, ont depuis longtemps atteint leurs limites.
Des agents recrutés depuis 5, 10 voire 20 ans et plus, sans respect des normes édictées par la législation du travail, ni cotisations sociales, sont toujours dans la même situation. Le centre de santé de Thiadiaye en est plus particulièrement un exemple très illustratif. Une situation très compliquée dans laquelle l’agent communautaire se retrouvera une fois l’âge de la retraite atteint. Est-ce humain qu’un agent, après plus de 20 ans de bons et loyaux services, soit envoyé à la retraite avec une petite enveloppe de 200 mille F par son employeur ?
Monsieur le président de la République, à l’instar d’un pays voisin, le Mali, pour ne pas le nommer, qui a fini de régler le problème des agents de santé non étatiques depuis 2006, en acceptant de penser objectivement et positivement une convention collective des centres de santé communautaires, où les rapports entre employeurs et travailleurs non étatiques des centres de santé sont sans anicroches, nous vous saurions gré d’avoir l’extrême amabilité d’accorder aux agents non étatiques des centres de santé de notre pays, de votre haute bienveillance, une suspension de l’application des Cds pour aller véritablement dans le sens de mieux repenser cette nouvelle gouvernance des structures de santé qui doit nécessairement prendre en compte l’intérêt des agents communautaires quant à leur statut et leur rémunération bafoués par certains comités de santé du pays.
Pour épargner à la population sénégalaise, dont la santé demeure plus que précaire, d‘éventuelles perturbations dans les structures de soins, ce qui pourrait découler de l’application au forceps des Cds avec une clé de répartition de recettes qui ne favorise ni les agents socio-sanitaires et autres employés non fonctionnaires de l’Etat, l’urgence, à mon humble avis, serait de surseoir à l’application de cette nouvelle forme de gestion des structures de santé dans sa rubrique Clé de répartition des recettes, jusqu’à nouvel ordre, le temps de bien repenser en profondeur, de long en large, la feuille de route des Cds qui devraient, sans tergiverser, prendre en compte l’ensemble des points relatifs à l’emploi des agents socio-sanitaires et autres travailleurs recrutés depuis plusieurs années par ces futurs défunts comités de santé.
Diokel NDIAYE
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