Monsieur le Dg,
Dans un article publié par la Rts ce 26 juin 2025 (https://www.rts.sn/actualite/detail/a-la-une/fin-du-projet-akon-city-place-a-un-nouveau-projet-immobilier-a-mbodiene), il est rapporté la fin du projet «Akon City» et qu’un nouveau projet immobilier va le remplacer à Mbodiène.
Le lancement de ce projet en 2020 avait suscité de multiples réactions de la part des populations locales, comme de l’opinion nationale et internationale. A cette époque, mon engagement citoyen m’avait poussé à prendre la plume et à alerter sur les probables menaces qu’une telle ville futuriste pouvait faire peser non seulement sur les terres agropastorales, mais également sur la cohésion sociale.
«Le projet Akon City n’existe plus. Fort heureusement, un accord a été trouvé entre la Sapco et le promoteur Alioune Badara Thiam», tels sont vos propos dans un entretien que vous avez accordé à l’Aps, tel que relaté par l’article de la Rts.
Je nourris donc, monsieur le Dg, un nouveau départ plus réaliste, plus juste et inclusif pour Mbodiène, la commune de Nguéniène et ses habitants, le département de Mbour et le Sénégal de façon générale. Dans ce contexte, je vous adresse cette lettre ouverte afin de partager des réflexions, poser des questions et formuler des attentes légitimes.

De la fiction au réel : des leçons à tirer
Monsieur le Dg, plus qu’un projet immobilier, «Akon City» était un rêve, une vision futuriste digne du pays «Wakanda» de «Black Panther», importée du pays de l’Oncle Sam, sans que les populations et autorités locales soient sérieusement impliquées. Les conseillers municipaux d’alors avaient témoigné de leur mise à l’écart. Et pourtant, la législation sénégalaise, notamment le Code de l’environnement, garantit l’information et la participation citoyenne.
A l’époque, je soulignais l’impératif de ne pas confondre croissance économique et développement. Car, lorsque les populations sont dépossédées de leurs terres et sans aucun plan de reconversion, et que quelques personnes se retrouvent au milieu d’un océan de richesses, ce n’est guère le progrès, mais de la fracture ; et cela contribue davantage à créer des tensions sociales. De par son gigantisme et son caractère on ne peut plus opaque, ce projet laisse derrière nous un goût amer. Toutefois, il peut servir de base pour un nouveau départ co-construit.

Bâtir un nouveau projet avec et pour les populations
Monsieur le Dg, vous annoncez un nouveau projet immobilier sur le site. Quelle belle opportunité pour bâtir ensemble ce nouveau projet, loin des fantasmes et autres rêves ! Bâtir des infrastructures est une bonne chose, co-construire un avenir partagé en est une autre. Cela suppose un projet pensé avec et pour les populations à travers un diagnostic participatif. La Sapco a un rôle crucial à jouer à cet effet. Elle doit impliquer les acteurs locaux, notamment le Conseil municipal, les associations de jeunes, de femmes, les Ocb, les paysans, les éleveurs, entre autres. Une telle démarche va renouer la confiance entre l’Administration centrale et les acteurs locaux, et peut bien évidemment contribuer à une urbanisation maîtrisée, respectueuse des vocations des sols et des équilibres socio-économiques locaux.

Pour un projet équitable
Monsieur le Dg, à l’heure actuelle, il me semble très important de faire reposer le nouveau projet annoncé sur des bases solides, claires et inclusives. A cet effet, je me permets de vous poser quelques questions qui méritent des réponses concises afin d’éclairer la lanterne des populations de la commune de Nguéniène et éviter les erreurs du passé qui doivent impérativement nous servir de leçons.
Monsieur le Dg :
En quoi le projet actuel diffère-t-il du projet «Akon City» ?
Quelle est la vocation exacte du nouveau projet immobilier à Mbodiène ? Résidences de luxe ? Logements sociaux ? Zones mixtes avec des fonctions résidentielles, économiques, scolaires, sanitaires ?
Afin de garantir une démarche participative et inclusive, quelles sont les dispositions prises ?
Quelles seront les retombées économiques locales pour une justice sociale ? Quelles sont les dispositifs d’accompagnement pour des emplois durables, un appui aux acteurs locaux, notamment les couches les plus vulnérables ?
Dans la commune de Nguéniène, l’agriculture familiale et le pastoralisme sont les socles de l’économie locale. Ils ne doivent pas être les sacrifiés d’une vision hors-sol. Au contraire, ils doivent être renforcés pour une économie locale durable.

Entre espoir et alerte citoyenne
Monsieur le Dg, le Préambule du texte de la Constitution de l’Oit (Organisation internationale du travail, éd.
Bit, 1919, p.1), stipule «qu’une paix universelle et durable ne peut être fondée que sur la base de la justice sociale».
Qui parle de paix et de justice sociale, parle évidemment de développement. Par conséquent, il n’y a pas de développement sans justice sociale ; et il n’y a pas de justice sociale sans le respect des droits naturels des peuples.
Monsieur le Dg, le mirage «Akon City» est passé, la Sapco a un rôle important à jouer pour la suite réservée aux terres, en tirant naturellement des leçons des erreurs commises par le passé. L’histoire jugera de ce que nous aurons fait de ces terres. Nous autres citoyens, nous resterons vigilants et ouverts au dialogue.
La commune de Nguéniène reste bien évidemment disponible, en tant qu’acteur local, pour toute initiative d’échange autour de ce nouveau projet.
Dr Philippe Malick DIONE
Conseiller Municipal/Commune de Nguéniène
pmdione416@gmail.com