Monsieur le Président,
Vos récentes déclarations dans l’émission H5 Motivation, rejetant ce que vous appelez un islam «rigoriste», «arabe» ou «venu d’ailleurs», en opposition à un islam africain tolérant et enraciné, appellent une clarification urgente.
Si vos critiques semblent viser le salafisme ou le wahhabisme, il est impossible d’ignorer que, sous votre Présidence, la communauté chiite Moz­dahir de Mawlana Cherif Mohamed Aly Aïdara a fait l’objet de stigmatisations, d’entraves et de soupçons permanents. Une telle attitude laisse entendre que, dans votre esprit, le chiisme lui-même relèverait d’un islam étranger, importé, et contraire à nos valeurs africaines. C’est là une erreur majeure d’analyse.
Vous connaissez personnellement Mawlana Chérif Moha­med Aly Aïdara. Vous avez échangé avec lui. Vous savez qu’il incarne un islam de paix, d’amour, de tolérance et de partage. Un islam qui s’enracine profondément dans nos traditions africaines de solidarité, de respect de l’autre et de quête spirituelle. Loin de diviser, il relie et dialogue avec les confréries soufies et les héritages culturels du continent.
Surtout, Mawlana Chérif Mohamed Aly Aïdara est l’un des plus grands acteurs du développement et de l’humanitaire dans ce pays :
• Des dizaines d’écoles, de centres de santé, d’orphelinats et de mosquées bâtis dans les zones les plus reculées ;
• Plus de 4 millions d’arbres plantés pour lutter contre la désertification ;
• Des programmes d’éducation, d’agriculture, de microcrédit, d’autonomisation des femmes et de développement rural financés et réalisés.
Peut-on honnêtement qualifier «d’importé» un islam qui soigne, nourrit, éduque et plante pour l’avenir de nos enfants ?
Le grand sage Amadou Hampâté Bâ disait : «En Afrique, tout bon musulman est un chiite qui s’ignore.» Cette formule, loin d’être une provocation, révèle les affinités profondes entre le chiisme et le soufisme africain : amour du Prophète et de sa famille, quête de justice, intériorité spirituelle.
J’ai moi-même consacré un ouvrage à cette réalité, Le confluent des deux lumières : les liens entre le chiisme et le soufisme. J’y démontre que l’islam confrérique africain est traversé par des influences chiites, souvent invisibles mais bien réelles. Ce travail est une invitation à dépasser les clichés, à ouvrir les cœurs et les intelligences, et à reconnaître la pluralité féconde de l’islam africain.
Monsieur le Président, l’histoire retiendra vos décisions, mais aussi vos jugements. Il est encore temps de rectifier une perception injuste. L’islam de Mawlana Cherif Mohamed Aly Aïdara est un islam de lumière et d’espérance, non d’ombre et de rupture.
A l’heure où le Sénégal entre dans une nouvelle étape sous la Présidence de Bassirou Diomaye Faye, il est essentiel de bâtir une mémoire juste, qui honore ceux qui œuvrent pour le bien commun.
Veuillez recevoir, Monsieur le Président, l’expression de ma haute considération.
Cheikh Ibrahima
Amadou SAKHO
Chercheur, ancien Directeur de l’Institut Mozdahir International, membre de la communauté chiite Mozdahir