Quels sont les chantiers titanesques auxquels le Président Bassirou Diomaye Faye devra faire face ces prochaines années pour transformer la politique de l’emploi ?

Son Excellence Monsieur le président de la République,
Le 24 mars dernier, les Sénégalais ont choisi de vous faire confiance pour diriger le pays, et vous vous êtes engagé, en échange, à les représenter tous, à écouter leurs questions et à répondre, autant que possible, à leurs besoins. Ce sont des chantiers titanesques qui vous attendent, parmi lesquels celui de l’emploi. Pour le constater tous les jours, je partage le sentiment d’urgence qu’il y a à transformer la politique de l’emploi, mais je mesure aussi l’ampleur de la tâche. Nous vivons un changement profond de notre culture, et plus qu’un emploi à la clé et une inversion de courbe, c’est tout le système du travail qui est à réinventer.

Son Excellence,
Comme vous l’avez à maintes reprises mis en exergue, le Sénégal est riche de sa diversité. Dans le domaine de l’emploi, il s’agit tout d’abord de la diversité de nos parcours (universitaires, professionnels…) qui détermine largement l’emploi que nous exerçons (ou pas) aujourd’hui : commerçant, artisan, fonctionnaire, agriculteur, ouvrier, cadre, etc. C’est aussi la diversité des contrats proposés. Là, deux mondes s’opposent chaque jour davantage : d’une part, nous assistons à un boom des contrats temporaires et des stages élastiques.
Depuis 25 ans, la volatilité du monde des affaires n’a cessé de s’accroître, entraînant dans son sillage un recours massif aux contrats courts dans un monde encore largement méfiant, voire hostile, à ce qui est assimilé à une forme de précarité, de fragilité.
D’autre part, la société sénégalaise se réinvente au rythme d’une (r)évolution numérique, d’une économie collaborative et d’entreprises virtuelles qui font émerger de nouveaux modes de travail et de nouveaux métiers. Ces transformations, selon le point de vue où l’on se place, sont une menace ou une opportunité pour notre économie. Je comprends la défiance vis-à-vis de ces évolutions, mais je suis persuadé qu’elles sont avant tout une chance de se former, de repenser les relations entre les générations et de réinventer notre relation au travail, pour que, désormais, chacun façonne son travail, en vive dignement et ne le subisse plus.
Cette mutation profonde du monde du travail, Son Excellence, s’impose à nous, et il faut sans plus tarder donner les clés pour permettre à tout un chacun de jouer sur l’échiquier de l’emploi. Les règles du jeu évoluent sans cesse, et bien malin celui qui pourra dire ce à quoi ressemblera demain. Quoi qu’il en soit, des changements profonds de comportements voient déjà le jour et nous amènent à nous interroger sur la pertinence de nos formations.
Ceci étant dit, nous assistons à l’émergence d’une nouvelle culture où les travailleurs croient désormais en la notion de collaboration et ont le sens du partage. Ils veulent apprendre des autres et sont également prêts à les aider. Ils repensent le rapport au travail et ne veulent plus en faire un lien «douloureux». Sur certains profils de salariés, nous le constatons de manière encore plus marquée, puisqu’ils remettent en question le modèle-même de l’emploi, et tous ceux qui ne répondraient pas à leurs attentes en termes de valeurs et de pratiques pourraient bien passer à côté des talents qu’ils sont et dont ils ont besoin pour assurer leur développement.

Son Excellence,
Au vu du dernier Recense-ment général de la population et de l’habitat du Sénégal (Rgph-5), il est ressorti un taux chaotique de 48% de jeunes entre 15 et 24 ans sans emploi, ni en études ni en formation. Il est nécessaire, Monsieur le président de la République, de prendre en compte ces évolutions profondes et de comprendre que l’emploi est une priorité. C’est au gouvernement d’accompagner cette mutation. J’ai espoir que votre politique, qui vise à offrir un avenir professionnel à tous les Sénégalais, permettra d’apporter une réponse aux défis actuels.
Sur les chantiers prioritaires à mener pour lutter contre le chômage, des visions qui peuvent sembler antagonistes, à l’image des fractures profondes qui parcourent notre pays : la lutte contre le chômage des jeunes, la facilité de recrutement pour les petites et moyennes entreprises, et la lutte contre la concurrence étrangère.
Son Excellence, l’avènement des algorithmes sur l’emploi est double : d’un côté, des métiers sont menacés et pourraient à terme disparaître, de l’autre, de nouvelles fonctions émergent mais concernent essentiellement une main-d’œuvre qualifiée, composée principalement de talents créatifs et de talents relationnels. Comment accompagner les jeunes dans cette transformation ? Quels sont les besoins de formation et de réorientation afin d’accélérer ces mobilités professionnelles tout au long de la vie ? Quel est le rôle de l’Etat et des acteurs privés ?

Son Excellence,
Au sortir de votre examen de socialisation à Diaffa-Ngara, de Ndiaganiao, «Ndut», qui est une véritable institution sociale dont les structures ressemblent à celles d’une école au sens occidental du terme, ils vous ont enseigné toutes les vertus, le travail, le courage, la générosité, le bienfait…, envers la communauté qui était bien encadrée par une stricte hiérarchie. Dans le «Ndut», chacun doit connaître sa place et son rôle.
Son Excellence, le «Koumakh» vous a bien transmis les valeurs comme le Jub Jubal, Jubanti, le courage, la patience, l’endurance, la solidarité, la responsabilité, l’obéissance, l’humilité, l’abnégation et la réserve. Et aujourd’hui, vous êtes le «Koumakh» de tous les Sénégalais et nous attendons de vous une protection et une garantie au premier sens du terme, afin de rassurer le Peuple sénégalais comme l’avait bien fait le «Koumakh» lors des grandes initiations.
Son Excellence, le gouvernement doit prendre la mesure des mouvements qui sont en train de s’opérer sur le marché de l’emploi. Il est indispensable de former les jeunes aux nouveaux métiers complémentaires du numérique et de l’Intelligence artificielle, habituer les individus à se réinventer sans cesse, favoriser la créativité et l’intelligence émotionnelle dès le plus jeune âge, apprendre à rêver, mieux enseigner l’esprit critique, fluidifier les mobilités professionnelles tout au long de la vie, favoriser l’audace et la prise de risque tout en déployant un système qui protège l’échec.
Monsieur le président de la République, construisons ensemble, avec tout l’écosystème existant -représentants des salariés, employeurs, travailleurs indépendants, chercheurs d’emploi, petites, moyennes et grandes entreprises, écoles, formateurs…-, un nouveau Sénégal de l’emploi, ambitieux, conquérant et profondément humain.
Missig TINE
zigtine@gmail.com
«Koumakh» chef suprême du Ndut
Ndut : case des hommes