e ministre de l’Agriculture et celui du Commerce vantent les performances jamais égalées de l’agriculture sénégalaise au bout seulement de 18 mois de gestion.
La poitrine bombée, ils proclament que depuis janvier, pas un seul kilo de pomme de terre, pas un seul kilo d’oignon, pas un seul kilo de carotte n’a été importé par le Sénégal, entièrement approvisionné par la production locale.
Pour eux, ces «performances» ont été rendues possibles par leurs actions que sont les subventions, la mise en place à temps et à suffisance des intrants agricoles, et une distribution juste des intrants aux bénéficiaires légitimes grâce à l’implication des Forces de sécurité.
A l’exception de la pomme de terre, aucune semence maraîchère n’a bénéficié de subvention.
On assiste impuissant à une surenchère des prix des semences.
Pour les engrais maraîchers, la mise en place est tardive et les quantités insignifiantes.
Les «performances» indéniables dans la production de la pomme de terre, de l’oignon et de la carotte surviennent paradoxalement dans un contexte inégalé de détresse économique et sociale chez la grande masse de petits producteurs qui peuplent les exploitations familiales.
La détresse est si pointue que pour la première fois, les agriculteurs sénégalais ont observé, les 30 avril et 1er mai 2025, une grève de 48 heures autour du mot d’ordre : «Pas de récolte, pas de commercialisation.»
Paradoxalement, les performances énormes dans le domaine de la production, en lieu et place d’une prospérité chez les producteurs, se sont traduites par un naufrage économique et social sans précédent chez les producteurs maraîchers.
Pour la première fois, toutes les cultures maraîchères ont connu la mévente et des prix dérisoires largement en-dessous des coûts de production.
Pour la première fois, des centaines d’hectares de cultures en pleine production ont été abandonnés.
Pour la première fois, au bout de six mois de dur labeur, des milliers de jeunes engagés dans la production maraîchère se retrouvent avec zéro franc de revenu et des dettes qu’ils seront incapables d’honorer.
Les autorités, promptes à annoncer les statistiques de production, n’ont fait aucune évaluation des pertes énormes de plusieurs dizaines de milliards des petits producteurs maraîchers.
Les pertes post-récoltes annuelles au Sénégal, estimées à 100 milliards de F Cfa, auront au moins doublé cette année, avec la crise de l’horticulture que nous venons de décrire ici.
Aussi, il faut relativiser les performances de production en identifiant qui produit combien.
Par exemple, pour la pomme de terre, une seule entreprise d’agrobusiness, «étrangère», a produit près de 50% de la production «nationale».
Nous ne pensons pas que ce schéma où les agro-industriels sont auteurs de la majorité de notre production, soit en adéquation avec la politique de la souveraineté alimentaire.
Globalement, les performances agricoles clamées ont profité presque exclusivement aux agrobusiness et aux commerçants, au grand détriment des petits producteurs qui opèrent nos exploitations familiales.
Monsieur le président de la République, l’horticulture au Sénégal vit une crise (peut-être de croissance) sans précédent.
Les horticulteurs sont traumatisés et désertent les fermes.
Il n’y a pas pire catastrophe que produire pour vendre à perte ou, plus grave, laisser pourrir le fruit de son dur labeur.
Nous sollicitons une évaluation des pertes des petits producteurs lors de la précédente campagne et la campagne de contre-saison.
Véritables sinistrés, les petits producteurs maraîchers, les jeunes dans le Bey Seddoo en particulier, ont besoin de la solidarité nationale.
Monsieur le Président, les producteurs maraîchers du Sénégal, les petits producteurs, sollicitent votre attention pour la prise en charge et le traitement de la crise en cours.
Amar Yaya SALL
Agropasteur à Darou Ndoye
Président du Mouvement Citoyen Kawkaw