S’il reconnaît avoir tenté de lever 25 milliards, le ministère dément que l’opération a été infructueuse. Pourtant, même celle qu’il invoque comme prétexte n’avait pas atteint ses objectifs. D’ailleurs, le Sénégal retourne sur le marché de l’Uemoa les 13 et 27 décembre prochains. Pour chercher les mêmes montants.Par M. GUEYE –

L’information livrée hier par Le Quotidien, et se rapportant à une levée infructueuse des Bons assimilés au Trésor (Bat) par le Sénégal sur le marché de l’Uemoa, a fait l’objet d’un «démenti officiel» de la part de la Cellule de communication du ministère des Finances et du budget. Le communiqué s’est voulu péremptoire : «Le ministère des Finances et du budget dément formellement cette information infondée et dénonce vigoureusement une tentative malveillante visant à porter atteinte à l’image du pays.» Il ajoute aussitôt après que «l’émission de titres publics sur le marché régional de l’Uemoa répond à des règles et procédures strictes et transparentes que le Sénégal respecte scrupuleusement dans la mise en œuvre de sa stratégie d’endettement». Il reconnaît toutefois un peu plus loin : «Il est vrai que dans le calendrier indicatif communiqué en février 2024, une émission était prévue pour le 29 novembre 2024. Cependant, en raison de la mobilisation réussie, le 15 novembre 2024, d’un montant de près de 92 milliards F Cfa couvrant les prévisions initiales de 25 milliards F Cfa, cette émission n’a pas été finalement confirmée. Cette mobilisation significative, combinée à d’autres financements externes, a permis de renforcer la situation de trésorerie et d’annuler l’émission initialement envisagée pour le 29 novembre 2024.»

Le communiqué du Mfb a été largement diffusé dans les médias et sur les réseaux sociaux pour que l’on considère que tous les intéressés en ont pris connaissance hier. Le Quotidien étant le médium qui a rendu publique l’information, ne pouvait donc se contenter de prendre acte des déclarations du ministère de M. Cheikh Diba, ainsi que des menaces de poursuites qui l’émaillent.

91.785.65 milliards au lieu de 130 milliards
Nous saluons d’abord l’effort de ses services de reconnaître que l’émission du 29 novembre, retournée infructueuse, est une réalité, même si tout a été fait pour la camoufler. S’agis­sant du prétexte de la brillante mobilisation de l’opération du 15 novembre, «d’un montant de près de 92 milliards F Cfa couvrant les prévisions initiales de 25 milliards F Cfa», Le Quotidien l’écarte de manière formelle. Sur le site de Umoa Titres, la seule opération enregistrée par le Sénégal ce jour-là est une opération de 130 milliards de francs Cfa, d’une durée d’un mois. Et contre toute attente, cette émission n’a pas atteint ses objectifs, parce qu’elle n’a été soumissionnée qu’à hauteur de 91 milliards 785 millions 65 mille francs Cfa. Il faudrait se convaincre de parler à des incultes pour chercher à faire croire que l’on a renoncé à 25 milliards parce que l’on a obtenu près de 92 milliards deux semaines auparavant.

Rappelons que ce démenti du Mfb indique bien que l’émission des titres publics répond à des règles strictes et transparentes «que le Sénégal respecte scrupuleusement». C’est d’ail­leurs dans ce sens que les services du ministre Diba ont programmé une autre émission de Bons et Obligations les 13 et 27 décembre prochains. Et cela, en accord avec les acteurs du marché financier sous-régional. Avant l’émission des 130 milliards du 15 novembre qui est revenue à près de 92 milliards, le Sénégal était allé solliciter 30 milliards sur le même marché. Pour un taux de 6, 30% pour un an, le montant n’avait pu être couvert que partiellement, à 29, 520 milliards. C’était le 25 octobre 2024.

Pour en revenir sur les «actes susceptibles de nuire à la réputation du Sénégal et à la confiance de ses partenaires» dont parle le document, le ministre des Finances et du budget, ancien fonctionnaire blanchi sous le harnais de ce département, ne devrait pas s’exonérer du lot, si l’on se rappelle que même son Premier ministre a reconnu que l’exercice de transparence auquel il s’était adonné avec ses collaborateurs, pour affirmer que les comptes publics de l’Etat «ont longtemps été falsifiés», n’a fait que contribuer à faire peur aux investisseurs et aux partenaires. La preuve n’en-est-elle pas la suspension de la coopération avec le Fmi et le gel de ses financements ?

Pour ce qui est du journal Le Quotidien, tant que l’environnement du pays sera théoriquement à la liberté de la presse et d’expression, nous continuerons à chercher toutes les informations vérifiées à bonne source et dignes de foi, pour les mettre à la disposition de nos lecteurs. En laissant chacun prendre ses responsabilités.
mgueye@lequotidien.sn