Levée du corps hier de Hissein Habré : Autorités sénégalaises et consulaires du Tchad ont brillé par leur absence

Le Président Hissein Habré n’a pas reçu les honneurs du Sénégal où il a vécu depuis son exil en 1990. Avant son inhumation hier au cimetière de Yoff, la levée du corps a eu lieu à la mosquée Omarienne en l’absence des autorités consulaires tchadiennes et de celles du gouvernement sénégalais.Par Mamadou SAKINE
– A la levée du corps du Président Hissein Habré hier, pas l’ombre d’une autorité gouvernementale sénégalaise, ni de membres de la représentation diplomatique de son pays à la mosquée Omarienne, située sur la Corniche. Mais la présence de Tchadiens enturbannés était palpable. Oussein, jeune Tchadien, vient de sortir de la mosquée après la prière de 14 heures. Enturbanné, il a le pas pressé. Il se dirige vers le lieu de la prière mortuaire situé au centre, tout autour des tas de gravats à cause des chantiers engagés pour la reconstruction de la mosquée. «Dans notre tradition, avant l’enterrement, personne ne parle. Venez à la maison après l’inhumation», nous apprend-il avant de se fondre dans la masse.
Une ambiance de deuil règne dans ce lieu de culte de la famille de El Hadji Cheikh Oumar Foutiyou Tall. Le public garde sa patience sous un soleil tapant, dans un ciel nuageux. «Allez encore, reculez ! Personne ne doit se positionner devant le corps», demande gentiment un homme à la meute de journalistes et de cadreurs. En lunettes, masque bien ajusté, tout de blanc vêtu, bonnet sur la tête, Ahmed Tidiane Wane s’adresse à l’assistance. «Parlons le moins possible entre nous, nous ne sommes pas là pour causer.» Il poursuit : «Nous voulons que cette cérémonie de prière soit exemplaire, nous devons respecter les mesures barrières. Je demande aux gens de créer une distance entre chaque rangée. C’est pour notre sécurité personnelle. Il y a le Covid, il y a la conjonctivite qui est en train de faire des ravages, tout cela, on doit en tenir compte. On attend dans la discipline, l’arrivée du marabout.» Quelques minutes après, arrive l’imam Thierno Ahmad Bachir Tall.
«Amenez le corps», ordonne un individu. Six personnes saisissent le cercueil couvert d’un drap noir avec des écritures du Coran dessus. Ils avancent à pas feutrés. La police demande aux gens de céder le passage. Le rituel est fait sur Hissein Habré.
«Il a eu la chance de tomber sur le fait que chaque jeudi ici, il y a une lecture de Coran et le Coran lui a été dédié, c’est déjà un bon départ sans compter toutes les prières que chacun fait chez lui pour le repos de son âme», déclare Ahmed Tidiane Wane.
Le député Mamadou Lamine Diallo trouve que «Macky Sall a été insensible aux cris de sa femme (Ndlr Fatimé Raymonde Habré) qui a alerté depuis longtemps sur la dégradation de son état de santé». Il considère que c’est un patriote africain «incontestablement» qui vient de rejoindre le Seigneur.
Pressé de monter à bord de son véhicule, l’opposant Abdoul Mbaye s’est arrêté pour livrer quelques mots à la presse. Il dit : «Il y a très peu de choses à dire au-delà de la peine que j’éprouve puisque c’est un ami, un grand-frère qui nous a quittés. Un grand d’Afrique nous a quittés, j’espère simplement que l’histoire lui rendra justice, pas autre chose.» C’est dans ce même empressement que les journalistes ont coincé l’avocat Me Ciré Clédor Ly. Il rumine sa colère contre les responsables de cette triste fin pour l’ex-Président tchadien. «Les autorités sont aujourd’hui très embarrassées. Elles savent qu’elles ont fait subir à cet homme quelque chose qu’il ne méritait pas, pour ce qu’il a fait, rien que pour combattre l’impérialisme de quelque bord qu’il soit. Tout le monde sait qu’il fut un combattant, qui s’est battu pour l’Afrique, pour son pays le Tchad. En le condamnant à la prison à perpétuité, les Chambres africaines extraordinaires ont eu aujourd’hui ce qu’elles souhaitaient mais l’histoire retiendra sa mémoire», balance l’avocat avant de rejoindre le cortège funèbre qui venait de s’ébranler pour le cimetière musulman de Yoff où repose Hissein Habré, exilé au Sénégal depuis 1990.
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