Il faut se rendre à l’évidence !
Autrefois présenté comme un havre de démocratie et de paix, notre pays est en train de se transformer en dictature, devant l’indifférence générale de la Communauté internationale, la même qui détourne le regard quand l’Armée israélienne pilonne les modestes demeures palestiniennes de Gaza.
Autre similitude avec l’oppression israélienne sur les territoires arabes occupés depuis 1948, le métier d’opposant est devenu périlleux en terre sénégalaise, où il est assimilé à une entreprise séditieuse, de la même façon que la lutte palestinienne est confondue à du terrorisme par l’Etat colonial, intolérant et raciste d’Israël et ses soutiens (ou complices) occidentaux.
Enfin, prenant prétexte des émeutes du 1er juin 2023 déclenchées par le verdict arbitraire de corruption de la jeunesse pris à l’encontre de Ousmane Sonko, les autorités de notre pays renversant la devise de l’Ucad, Lux mea lex, ont choisi l’obscurantisme, c’est-à-dire de saboter l’enseignement dans nos universités, sous prétexte de risques sécuritaires.
Dans cet ordre d’idées et devant le refus persistant des autorités d’ouvrir des enquêtes judiciaires, il ne serait pas superflu de s’interroger sur l’identité des casseurs ayant opéré à l’Ucad, et plus particulièrement de questionner les fausses accusations d’incinération de livres portées contre l’opposition !
En effet, le bon sens voudrait que ceux qui instrumentalisent des secteurs de la Justice et du ministère de l’Intérieur pour emprisonner des centaines de militants politiques soient les mêmes qui ferment les universités et orchestrent des autodafés de livres, comme naguère Goebbels, sous le troisième Reich.
En réalité, le régime de Benno bokk yaakaar, qui considère le campus comme un foyer de contestation par excellence, a pris la mauvaise habitude de fermer l’Ucad, chaque fois qu’il planifie des coups fourrés.
Ce fut le cas lors de l’arrestation, le 28 juillet dernier, du président Ousmane Sonko. Il s’agit cette fois d’évincer de la prochaine compétition électorale, en usant de procédures judiciaires ou du parrainage piégé, tous les candidats représentant une menace pour l’impossible victoire de leur camp.
Pour preuve, la manière cavalière dont le processus électoral est géré par le Président sortant et ses acolytes du «Benno éparpillé», qui laisse augurer de lendemains incertains dans notre pays.
Devant le silence assourdissant et désapprobateur d’une opinion publique désabusée, les politiciens de Benno, qui semblent être venus d’une autre planète, se croient tout permis.
De fait, les prisons sénégalaises sont remplies à ras-bord de plus d’un millier de détenus politiques n’ayant fait qu’user de leurs droits constitutionnels d’expression, de manifestation et de résistance.
La déliquescence de nos institutions a atteint un tel niveau que les acteurs politiques sérieux devraient d’abord se préoccuper de la sauvegarde de l’Etat de Droit et de la démocratie avant la tenue d’élections, qui de surcroît portent les germes d’une désintégration du tissu national.
En effet, la récente posture de la Direction générale des élections, qui prétend pouvoir invalider une candidature, rôle dévolu au Conseil constitutionnel, éclaire d’un jour nouveau les obscurs desseins d’un régime cherchant coûte que coûte à éliminer ses adversaires les plus sérieux.
Jusque-là, le pouvoir apériste s’arrangeait, en usant, en amont, de divers procédés frauduleux, coercitifs ou corruptifs pour instrumentaliser l’Administration territoriale ou la Magistrature et leur faire prendre des décisions arbitraires ou rendre des jugements illégaux revêtus du sceau trompeur de l’impartialité.
Avec ce refus flagrant et manifeste d’appliquer une décision de Justice, la personnalité centrale en charge de l’organisation de la prochaine élection présidentielle vient de franchir une nouvelle étape dans le coup d’Etat électoral en gestation.
En outre, il installe un profond malaise qui accentue le déficit de confiance au sein de la classe politique, qui a atteint la cote d’alerte. Pire, l’incapacité des partis d’opposition à faire solidairement front contre cette stratégie du fait accompli du pouvoir conduit à l’exacerbation des contradictions en leur sein.
Il y a, d’un côté, les forces modérées acquises au principe de la pérennisation d’un système prétendument républicain, ayant participé au pseudo-dialogue national, et de l’autre des forces dites radicales prônant la rupture avec la soumission servile aux puissances étrangères et la gabegie ambiante depuis plus de 60 ans.
Il faut prendre en compte le fait que le contexte sous-régional et la géopolitique internationale (Brics, Ukraine) militent pour des politiques de rupture d’avec le système obsolète de domination du monde par les puissances occidentales et pour des partenariats mutuellement avantageux.
La pléthore de candidatures observée que certains considèrent, à tort, comme un signe de vitalité démocratique, outre qu’elle justifie et/ou réhabilite la loi scélérate sur le parrainage, risque de brouiller les cartes au profit exclusif du régime du Yaakaar désenchanté.
Les nouveaux leaders de la scène politique commettraient une erreur fatale en jouant la carte de la neutralité dans la confrontation entre le régime de Benno bokk yaakaar, profondément inféodé aux intérêts de l’impérialisme occidental, et les nouvelles forces politiques, qui sont en train de payer un lourd tribut pour leur engagement patriotique.
Ignorer cette évidence conduira soit à l’installation d’un pouvoir autocratique à la congolaise, soit à l’avènement d’un nouveau régime ayant certes des desseins progressistes, mais qui aura des difficultés à les matérialiser, faute d’une base sociale suffisamment large.
Un vaste front pour le rétablissement de l’Etat de Droit, l’organisation d’une élection transparente, régulière et inclusive doit être mis sur pied. A défaut, notre pays risque d’être plongé dans le chaos.
Les jeunesses africaines font, d’ores et déjà, sous nos yeux et quotidiennement, à travers l’émigration clandestine, la démonstration qu’elles sont prêtes à tous les sacrifices pour s’extirper de l’enfer néocolonial.
Elles n’accepteront pas les combines de la vieille classe politique, sous quelque modalité que ce soit, pour perpétuer le système de domination «françafricain». Ils ne veulent ni de restauration d’ordres anciens ni de nouvelle alternance trompeuse, car l’heure de l’alternative a sonné.
Nioxor TINE
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