Liberté provisoire pour les 21 manifestants de Tobène : Un verdict d’apaisement en vue

C’est sous une forte surveillance policière que le procès des 21 manifestants de Tobène, Keur Maguèye et Maka Dieng s’est tenu hier au Tribunal de grande instance de Thiès, qui statuait en matière de flagrant délit. Après le débat d’audience, le représentant du ministère public, Assane Ngom, a requis une peine d’apaisement pour les 20 prévenus et la requalification des faits pour Cheikh Fall accusé d’incitation à la rébellion. L’affaire a été mise en délibéré pour le 26 août prochain, date à laquelle ces manifestants seront fixés sur leur sort.
Mais en entendant le juge leur a accordé une liberté provisoire. Poursuivis pour trouble à l’ordre public par actions diverses, participation à un attroupement, violence et voies de fait à agents dépositaires de la force publique et rébellion, les 21 prévenus dont 3 chefs de village et 4 mineurs ont été placés sous mandat de dépôt le 14 août 2020 à la suite de manifestations contre la délimitation des 6 ha de terres de Tobène du projet d’extension des Industries chimiques du Sénégal (Ics).
Il résulte des procès-verbaux qu’à la suite «d’une réquisition particulière de l’autorité administrative et dans l’exécution de leur mission, consistant à accompagner le géomètre à faire la délimitation des champs qui se trouvent sur le tracé d’exploitation des Ics, dans le village de Tobène, les gendarmes ont été attaqués par les habitants dudit village». Lesquels, poursuit le document, «se sont formés, après une entente préalable, pour commettre des violences verbales et physiques à l’endroit des agents de l’autorité de manière volontaire. Et leurs actes ont occasionné des blessures sur les nommés Ismaïla Traoré, Abdou Oumar Fall, Yandé Fall, Serigne Mbacké Thiam et Ismaïla Pouye». Que nenni, répondent en cœur les prévenus.
A la barre, hier matin, Cheikh Fall et cie ont nié catégoriquement les faits qui leurs sont reprochés. Pour eux, leur seul tort, «c’est de s’être opposés à toute tentative consistant à forcer la délimitation des terres sans consensus au préalable sur le barème d’indemnisation. Nous n’avons pas refusé de céder nos terres aux Ics».
S’engouffrant dans cette brèche, les 10 avocats de la défense ont demandé la relaxe pure et simple au bénéfice du doute. Pour Me Assane Dioma Ndiaye, «la nouvelle Constitution proclame le droit à la souveraineté des citoyens sur leurs ressources naturelles». Egalement, poursuit la robe noire, «par rapport à toutes les lois d’expropriation y compris le Code minier, il est clairement dit que même une concession en matière minière doit être accordée sous réserve des droits des tiers et de l’Etat». Pour simplement dire, selon lui, que «ces personnes avaient le droit de revendiquer une indemnisation juste et équitable. On ne peut pas dans cette revendication les traduire devant un Tribunal et les condamner pour quelque infraction que ce soit». Et d’ajouter pour fustiger : «Le foncier ne doit pas être une bombe. Il appartient à la justice certes d’appliquer la loi mais de protéger les faibles contre tout arbitraire d’où qu’il vienne. Et le fait de vouloir prendre la terre de ces paysans, sans une indemnisation juste et équitable au préalable, me partait être une grande injustice».
Toutefois, Assane Dioma Ndiaye et la trentaine d’organisations de la Société civile qui soutiennent les populations de Tobène, se réjouissent de la décision de mise en liberté provisoire des prévenus Une décision «éloquente», aux yeux de Me Ndiaye. Et d’espérer que cette décision fasse «jurisprudence et avoir force de loi pour le futur».