Dans le cadre de la promotion des instruments de financement alternatifs des Pme, la Bceao, via le Centre ouest-africain de formation et d’études bancaire (Cofeb), en partenariat avec la Banque africaine export-import (Afreximbank), Fci, l’organe mondial de l’industrie de l’affacturage et du financement de créances, a organisé du 7 au 9 juin 2023 à Dakar, une conférence régionale sur : «L’affacturage, le financement des créances et l’assurance-crédit en Afrique de l’Ouest.» Dans cet entretien qu’il a accordé au journal Le Quotidien à l’issue de cette rencontre, Waly Sarr, responsable banques et institutions financières pour la Compagnie française d’assurance pour le commerce extérieur (Coface) en Afrique de l’Ouest et du Centre, décortique les enjeux de ces solutions, notamment l’assurance-crédit et l’affacturage, pour les acteurs économiques africains.

Quel est le cœur de métier de la Compagnie française d’assurance pour le commerce extérieur (Coface) dont vous êtes le responsable banques et institutions financières sur l’espace Afrique de l’Ouest et du Centre ?
Le cœur de métier de la Coface, c’est l’assurance-crédit, une solution qui permet de couvrir les transactions commerciales ou le crédit inter-entreprises. En effet, les entreprises se font du crédit pour développer leur commerce, leur chiffre d’affaires. Le crédit permet donc de vendre plus. Mais il y a un risque de non-paiement, donc une incertitude. Et c’est ce risque que l’assurance-crédit vient garantir. L’assurance-crédit permet aussi de faciliter l’accès au financement avec des produits comme l’affacturage.

Par ailleurs, il faut noter que l’assurance-crédit est une solution globale car il y a plusieurs services qui tournent autour. Il s’agira d’abord de prévenir les impayés par une analyse en continu du portefeuille clients pour distinguer les bons des mauvais risques, ensuite de recouvrer en cas d’impayés tout en préservant la relation commerciale et enfin d’indemniser si le recouvrement n’aboutit pas dans les délais impartis (le délai de carence).

Parallèlement, la Coface travaille en partenariat avec les banques localement, c’est-à-dire au Sénégal, mais aussi en Côte d’Ivoire, au Ghana et au Cameroun, pour développer des solutions d’affacturage. Elle leur fournit son expertise pour le déploiement de l’affacturage, mais également les assiste dans la gestion des opérations d’affacturage (équipes et outils dédiés).

La Coface est un expert du poste Clients (les créances qui sont dans le bilan d’une entreprise). C’est un poste qui est très important et qui n’est pas souvent sécurisé. Dans le bilan, tout ce qui est immobilisation est couverte, notamment les immeubles, les voitures… Donc, ces actifs sont garantis. Mais généralement, les entreprises ne couvrent pas les créances qu’elles ont, alors que ce poste peut représenter jusqu’à 40% du total bilan. Ce qui peut entraîner des pertes en cas de non-remboursement des créances.

Est-ce que l’assurance-crédit couvre le crédit bancaire ?
L’assurance-crédit ne couvre pas les crédits que fait la banque, mais plutôt les crédits commerciaux, c’est-à-dire le crédit né de la transaction commerciale entre une entreprise (fournisseur) qui vend un service ou des marchandises et une autre entreprise (son client).

Cette couverture peut être utilisée par la banque pour faire un financement. On l’appelle un financement «causé», parce qu’il y a un crédit qui existe entre deux acteurs économiques et l’un d’eux a souscrit à une assurance-crédit dont il peut déléguer l’indemnité en guise de garantie à une banque pour obtenir un financement. La banque elle-même peut prendre une police d’assurance-crédit, donc être l’assuré. Et c’est ce qui les amène à faire de l’affacturage sans recours. Pourquoi sans recours ? Parce qu’il y a l’assurance-crédit qui est adossée au risque pris par la banque. S’il y a un défaut de paiement, l’assureur-crédit va se substituer au débiteur pour indemniser la banque.

Qu’est-ce que l’affacturage ?
L‘affacturage ou factoring est une technique de gestion financière qui consiste, pour une entreprise, à confier, dans le cadre d’un contrat, la gestion de ses créances clients à une société financière appelée affactureur ou factor. Ce procédé permet à l’entreprise de financer ses créances et de récupérer de la trésorerie. L’affactureur procède alors, moyennant une rémunération, au recouvrement des créances, à la gestion des encaissements et à la garantie des risques clients. Cette technique de financement cible tout particulièrement les Pme confrontées à des difficultés de trésorerie pour financer leur cycle d’exploitation ou pour faire face à leurs dépenses courantes de fonctionnement, et qui ont difficilement accès aux prêts classiques par manque de garanties suffisantes.

Quels sont aujourd’hui les avantages et opportunités de l’affacturage ?
Les avantages de l’affacturage, on peut dire qu’ils sont multiples. Je vais juste en citer quelques. L’affacturage permet à la banque d’avoir une meil­leure maîtrise du risque, parce que le risque est partagé. La banque ne prend pas à elle seule le risque. Donc, il y a un autre acteur qui est là, qui est un expert, qui évalue le risque d’impayés et qui donne des garanties à la banque. La banque a un autre support, un autre levier qui lui permet de mieux gérer ce risque. En plus, c’est une mobilisation de créances.

Pour les entreprises et surtout les Pme, l’affacturage leur facilite l’accès au financement. Car elles n’ont pas suffisamment de garanties à donner aux banques. C’est l’assurance-crédit qui vient apporter cette garantie pour la Pme. L’affac­turage permet aussi aux Pme de vendre plus, de se développer.
Généralement, les Pme sont des prestataires des grandes entreprises qui fixent les conditions de paiement (donc faible pouvoir de négociation de ces Pme). C’est le grand qui dit : je paie à 90 jours ou à 120 jours. Maintenant, avec l’affacturage, la Pme ne va plus subir ce délai de paiement qui peut être long. Elle facture aujourd’hui son client, elle amène la facture à la banque et cette dernière finance dans un délai maximum de 72 heures. Ainsi, la Pme transforme en cash toutes ces transactions, grâce à l’affacturage. Elle pourra ainsi payer à temps ses fournisseurs, ses salariés, ses charges locatives… et se concentrer sur son exploitation.

Est-ce que l’environnement est favorable pour développer l’affacturage au Sénégal ?
Je dirais que l’environnement est favorable, parce que déjà au Sénégal, comme dans les autres pays africains, le tissu économique est constitué en majorité de Pme. Les Pme sont-là et ont besoin de se développer. L’affacturage, c’est une solution qui vient les aider à se développer, à se maintenir en vie, parce que les Pme naissent et quelques années après, elles disparaissent, à cause des problèmes de financement. Ces solutions viennent leur permettre de subsister, de rester en vie et de se développer.

Parallèlement, les banques ont besoin de diversifier leurs offres. L’affacturage, qui est une mobilisation de créances, est une alternative sérieuse aux facilités classiques existantes. Le marché aussi existe car évalué à des centaines, voire des milliers de milliards de francs Cfa.

Est-ce que ces instruments de financement al­ter­natifs dont l’affacturage, l’assurance-crédit, entre autres, sont bien connus au Sénégal par les acteurs économiques ?
L’affacturage, l’assurance-crédit sont des solutions qui ne sont pas encore bien connues. Mais les acteurs sont en train de faire le nécessaire. Des évènements comme la Conférence régionale sur «L’affacturage, le financement des créances et l’assurance-crédit en Afrique de l’Ouest», qu’a organisée la Bceao, via le Centre ouest-africain de formation et d’études bancaire (Cofeb), en partenariat avec la Banque africaine export-import (Afreximbank), Fci, l’organe mondial de l’industrie de l’affacturage et du financement de créances, du 7 au 9 juin 2023 à Dakar, permettent de vulgariser la solution, de mieux la faire connaître, parce qu’il y a des experts qui viennent de partout expliquer comment ça marche. Les pouvoirs publics devraient aussi s’y mettre. Je pense que c’est une politique qui est là. Il y a quelques années de cela, j’ai reçu une mission de la Banque mondiale qui faisait une étude sur l’affacturage pour le compte du gouvernement du Sénégal. Présentement, il y a une loi uniforme sur l’affacturage. Mais jusqu’à présent, je n’ai pas connaissance de son internalisation par le Sénégal. Quand même, c’est une solution qui a de beaux jours, parce que les banques sont en train de s’y intéresser, de lancer l’affacturage. La solution est active depuis 2012 au Sénégal. Par le passé, des sociétés d’affacturage ont été créées (Sofia et Senfac), mais elles n’ont pas survécu parce que derrière, il n’y avait pas l’assurance-crédit ou le background nécessaire, ou assez de fonds… Il y a une organisation qui doit être mise en place, car l’affacturage est un métier, ce n’est pas de la banque. En effet, il peut être créé des sociétés spécialisées qui ne font que l’affacturage. C’est ce que les Européens ont fait. Les grands groupes bancaires français, par exemple, ont des filiales dédiées à l’affacturage.

A mon humble avis, dans nos pays, nous devons aller vers la création de sociétés d’affacturage. Il faudra inciter les privés, les professionnels, les ban­ques… à mettre sur pied des sociétés d’affacturage, et que ces acteurs soient accompagnés par l’Etat, avec un cadre règlementaire très clair, par exemple Afreximbank, pouvant les fi­nan­cer.
Propos recueillis par Dialigué FAYE
dialigue@lequotidien.sn