Aujourd’hui tout le monde a les yeux rivés sur la Libye, ce pseudo-Etat, où les milices font leur loi. Depuis la mise en ligne d’une vidéo de Cnn, dans laquelle on voit ce qui semble être une vente d’hommes, tout le monde s’émeut, crie au scandale, à l’abomination, au crime contre l’humanité…, comme si personne ne savait ce qui se passait réellement dans ce pays, et que subitement, on venait de le découvrir ! L’Afrique, à travers ses dirigeants et une certaine Société civile, l’Europe, à travers certains de ses chefs d’Etat, le monde, à travers les Nations-Unies, tous, comme des perroquets, répètent le même refrain, pour condamner ce que les images ont, de manière superficielle, montré et que les témoignages des migrants et les productions des chercheurs ont constamment démontré et prouvé. Qualifier ce fait d’actualité mondiale, est une farce de mauvais goût. De qui se moque-t-on dans cette affaire ? Cette question n’est pas nouvelle pour l’Union européenne, encore moins pour l’Union africaine, a fortiori, pour les Nations-Unies. Ces organisations ont simplement perdu leurs facultés d’indignation face à la souffrance et à l’agonie des hommes, jeunes, femmes, adolescents, enfants, nourrissons, vies futures encore dans le ventre de leurs mères…en quête d’une vie meilleure, un droit naturel !
Il y a une hypocrisie mondiale dans la réaction de ces organisations communautaires face à ces images de la Cnn. Comment en est-on arrivé, au XXIe siècle, en Libye, à voir des hommes vendre des hommes ? Voilà la question que ces politiciens devraient se poser et qui n’a rien à voir avec la «culture de l’excuse» (Lahiré, 2016). Il n’est pas question d’excuser ou de justifier ce phénomène. Il s’agit plutôt de chercher à comprendre les raisons qui fondent la présence des milliers de jeunes en terre libyenne et en conséquence, le phénomène incriminé. Ces organisations et nos Etats se refusent de se poser les vraies questions et veulent nous embourber dans le sensationnel pour nous détourner de l’essentiel. Je n’entrerai pas dans leur jeu, encore moins, dans leur farce. Je refuse !
Je refuse, parce que dans cette occurrence, nous connaissons aussi bien les victimes, les responsables que les coupables. En tout cas, pour ce qui concerne les victimes, il va sans dire, tout le monde les connait, la jeunesse, le présent et l’avenir de notre continent. Quant aux responsables, nos gouvernants : d’une part, les Africains ont fauté par leur incapacité à faire de l’Afrique, une terre d’opportunités pour leurs fils et filles et d’autre part, les Européens ont favorisé le développement de ré­seaux mafieux de trafic d’êtres humains par leurs politiques de fermeture et de répression de l’émigration. Les coupables…tous coupables ! (Ben Yahmed, 20­05).
Depuis la fermeture des frontières, depuis que l’Occident s’est barricadé, avec le regard et le soutien complices de certains Etats africains (en sous-traitant la répression des candidats à l’émigration en Europe), qui n’est pas au courant que les jeunes subsahariens, qui ont perdu tout espoir en leurs pays, à cause de la mal gouvernance, des conflits et instabilités politiques, de la faim, cette apocalypse des temps modernes (Ziegler, 2008)…, s’entassent dans des embarcations de fortune, des «camions funéraires», empruntent les routes dangereuses, à la recherche d’une vie meilleure ? Le Sénégal, la Côte d’Ivoire, le Burkina Faso, le Mali, le Niger, le Congo, le Gabon, le Tchad, le Nigeria…, tous, sans exception, savaient que leurs enfants étaient bloqués en Libye par l’Europe. L’Orga­nisation internationale pour les migrations (Oim), représentant de l’Onu, basée à Agadez, est certainement au courant de ce qui se passe dans ce pays, avant et après l’assassinat planifié et lâchement exécuté de Kadhafi, par la Communauté internationale. C’est elle (Oim) qui aide au rapatriement des candidats à l’émigration dans leurs pays d’origine. Donc, sans aucun doute, les organisations supranationales sont au fait de la présence de ces jeunes africains dans cette zone de non droit où ils côtoient les bandes criminelles quotidiennement. Comment peut-on respecter les droits de l’Homme dans un pays où il n’y pas Le Droit ?
En tant qu’enfant africain, je suis en colère contre nos dirigeants ! En tant que jeune chercheur, je suis juste inquiet, parce que je sais, de par mes recherches, la souffrance de ces «indésirables», de ces «nouveaux damnés de la terre» (Boris Diop, 2006) et de leurs communautés ! Pour l’avenir de l’Afrique, en définitive, je me plains simplement du manque de courage et de volonté politique, sous bien des aspects, des «personnalités» qui nous gouvernent, des indépendances à nos jours.

Réveilles-toi, terre mère !

Abdou Khadre SANO
Germ & Faits de Sociétés
Université Gaston Berger de Saint-Louis